La Grande Interview : Anthony Saux

A seulement 19 ans, Anthony Saux (Côtes d’Armor-Marie Morin) avait marqué les esprits en remportant le Tour du Loir-et-Cher, une épreuve 2.2 au calendrier UCI. C’était en 2011 et il avait devancé avec un certain sens du « métier » Pierre-Luc Périchon (SCO Dijon), Corentin Maugé (Vendée U) et les Russes d’Itera-Katusha. Cette victoire aurait dû le mettre sur orbite pour une carrière de cycliste professionnel. Or, trois ans plus tard, il a pris sa décision de disputer sa dernière saison. "Pour avoir la garantie de faire carrière dans le cyclisme, il faut vraiment être un crack. Pour les autres, c’est un peu sauve-qui-peut", explique-t-il à DirectVelo. Après deux années de forte pression et d'attente de résultats, il espère encore gagner quelques épreuves, mais son état d’esprit sera forcément plus relâché. Il courra donc en capitaine de route du club de ses débuts, "pour le plaisir."

DirectVélo : Pourquoi as-tu décidé de revenir dans l’équipe Côtes d’Armor-Marie Morin, où tu avais couru en 2010 ?
Anthony Saux : C’est un retour aux sources. Je vais terminer ma carrière sportive dans cette équipe car 2014 sera ma dernière année dans les pelotons. J’ai décidé de prolonger une saison supplémentaire simplement car mon emploi actuel dans la grande distribution me le permet. Je travaille le matin et j’ai par conséquent le temps d’aller rouler l’après-midi. Sinon, j’aurais arrêté la compétition dès cet hiver, sans regrets.

Qu’est-ce qui te pousse à raccrocher dans un an ?
J’ai toujours eu des objectifs précis. Depuis très longtemps, je m’étais fixé une date limite pour passer professionnel : ma quatrième et dernière année chez les Espoirs. Aujourd’hui, j’ai bien conscience que je n’y arriverai pas et je souhaite donc changer de cap. Rester en amateur plus longtemps ne mènerait à rien. Il faut bien que je gagne ma vie ! Or c’est impossible en étant coureur cycliste amateur, même dans une grande structure de DN1. J’ai bien d’autres projets personnels et professionnels en tête pour les prochaines années. Il n’y a rien de concret pour le moment mais je ne manque pas d’idées.

« UN BILAN MITIGE DE MES TROIS DERNIERES ANNEES »

Que retiens-tu de tes trois saisons sous le maillot de l’UC Nantes Atlantique ?

J’ai énormément appris. J’ai progressé dans mon approche des courses, mais aussi dans ma gestion extra-sportive. J’ai eu la chance d’aller en section sport-études et de côtoyer de super directeurs sportifs, des gens passionnés qui n’ont jamais hésité une seconde à me consacrer de leur temps. A l’UC Nantes Atlantique, nous avions quasiment une équipe professionnelle, proportionnellement à notre budget d’équipe amateur. Je suis vraiment heureux d’avoir pu passer trois ans dans cette structure, que je recommande d’ailleurs vivement à n’importe quel jeune qui veut intégrer une grosse écurie amateur. J’ai toujours eu le sentiment que l’on pouvait progresser tranquillement et sans pression.

T’attendais-tu à de meilleurs résultats personnels sur l’ensemble de ces trois saisons ?
C’est un bilan mitigé avec des hauts et des bas. Y-compris en 2011, qui restera sans doute ma meilleure saison sur le papier (1er du Tour du Loir-et-Cher et Trophée de la Porte Océane, 5e du Tour des Deux-Sèvres, NDLR). Même cette année-là, je suis convaincu que j’aurais pu gagner plus de courses si j’avais eu plus de réussite.

Lesquelles, par exemple ?
Je pense notamment à ma troisième place sur les Boucles de la Marne, en Coupe de France DN1. Sur la dernière étape remportée par Yann Guyot, je suis tombé à 250m de l’arrivée. Sans cela, je pouvais remporter le classement général. J’ai finalement échoué à sept secondes de Bryan Nauleau. En remportant une manche de Coupe de France, tu as de grandes chances de te faire repérer par des équipes professionnelles. Il n’y a pas de garanties, mais c’est toujours un plus.

« J'AVAIS FAIT DE L'EXAMEN SCOLAIRE MA PRIORITE »

Comment expliques-tu que tu n’as pas pu continuer sur ta lancée en 2012 ?

Le principal problème, c’est que j’étais en deuxième année de mon BTS de commerce, et j’avais fait de l’examen scolaire ma priorité. Je m’étais vraiment mis la pression, quitte à me consacrer un tout petit peu moins à la compétition. J’ai quand même gagné deux épreuves en Elite Nationale (le Circuit du Viaduc et la troisième étape du Saint-Brieuc Agglo Tour, NDLR) mais il est certain que j’étais capable de faire mieux. Je dois bien avouer que je n’ai pas forcément accompli le travail nécessaire pendant l’hiver et je suis arrivé sur les premières courses de la saison en léger surpoids.

Tu n’as pas non plus été épargné par les chutes...
Je suis tombé six fois en deux mois. C’est juste énorme ! En tout cas, c’est beaucoup trop pour être en confiance et à 100% de ses moyens physiques. J’étais constamment à la recherche de mes meilleures sensations. J’ai eu du mal à sortir la tête de l’eau à ce moment-là. Je ne vais pas me voiler la face, même si priorité était donnée à mon BTS et que je ne le regrette absolument pas : 2012 devait être l’année de la confirmation, celle qui aurait pu me permettre de passer pro. Finalement, j’étais plutôt loin du compte...

2013 était donc synonyme de dernière chance pour toi ?
C’est exactement ça. Après une bonne saison 2011 et une année 2012 décevante, c’était l’année ou jamais pour confirmer mon potentiel. Malheureusement, je n’ai pas gagné la moindre course de la saison. J’avais beaucoup d’espoirs mais je n’ai pas su répondre aux attentes. Je n’ai jamais pu retrouver les excellentes sensations que j’avais eues sur les Boucles de la Marne en 2011. Un moment magique, dans lequel j’avais le sentiment de voler ! Ce temps semble déjà loin maintenant...

« ON ME DISAIT QUE J'ALLAIS PASSER PRO »

Est-ce que tu as ressenti un trop-plein de pression, après ton succès sur le Tour du Loir-et-Cher, à seulement 19 ans ?
Remporter ce Tour du Loir-et-Cher était un bonheur immense et une vraie fierté. Cela m’a donné beaucoup de courage pour la suite de la saison. Mais c’est vrai que cette victoire a aussi été suivie de beaucoup de pression. Je repense à mon entourage et à tous ces gens qui me disaient « Voilà Anthony, c’est bon, tu vas passer pro. C’est sûr ! ». Ils ne le faisaient pas méchamment du tout, ils étaient simplement heureux pour moi. Mais, inconsciemment, ils m’ont mis beaucoup de pression. A 19 ans, j’étais peut-être un peu jeune pour la supporter. Maintenant je ne veux pas en faire une excuse. Pour moi, mon principal problème, c’étaient ces chutes à répétition et sans doute les conditions d’entraînement réduites par mes études en BTS.

Avais-tu des contacts avec des formations professionnelles fin 2011 ?
Non, rien de concret. Je n’ai jamais été directement approché par une équipe professionnelle. J’ai cru savoir que certains dirigeants avaient souhaité se renseigner sur mon profil et avaient entamé des discussions avec les managers de l’UC Nantes Atlantique. Mais ce n’est jamais allé plus loin.

Ne pas passer pro, est-ce un échec pour toi ?
Evidemment, j’en rêvais. Mais passer pro n’était pas vital non plus. Mon objectif, c’est simplement de réussir dans la vie, y compris professionnellement bien sûr. Que ce soit dans le milieu du sport ou ailleurs, après tout, ce n’est pas important. C’est d’ailleurs pour augmenter mes chances que j’avais assuré le coup en passant des diplômes. De toute façon, même si j’avais réussi à passer pro, je n’aurais pas eu la certitude de faire quinze ans de carrière.

« J'AI FAIT CE QUE J'AVAIS A FAIRE DANS LE MONDE DU VELO »

Parce que le cyclisme de haut niveau te semble instable ?

Oui, c’est trop risqué, surtout ces dernières années. Quand je vois le nombre de coureurs expérimentés qui ne retrouvent pas d’équipe, des jeunes néo-pros qui retournent directement chez les amateurs... Et je ne parle même pas des conditions de vie de certains professionnels dans des équipes Continentales. Ça fait peur ! Pour avoir la garantie de faire carrière dans le cyclisme, il faut vraiment être un crack. Pour les autres, c’est un peu sauve-qui-peut ! Moi, j’ai fait ce que j’avais à faire dans le monde du vélo. J’ai gagné mes quelques courses et c’est déjà pas mal... Je remercie les dirigeants de l’UC Nantes Atlantique qui m’ont appris énormément de choses, ainsi que mon entourage qui a toujours été là pour moi, et en particulier mon père. Maintenant, il ne reste plus qu’à profiter en 2014 sous le maillot des Côtes d’Armor.

C’est important que tu te fasses plaisir ?
C’est mon seul objectif en 2014. J’aimerais aussi gagner des courses, notamment pendant la période estivale. Mais ce ne sera pas non plus une obsession. J’ai longtemps discuté avec les dirigeants de l’équipe et ils comptent sur moi pour servir de capitaine de route. Il va falloir que je gère au mieux mon emploi du temps. Entre le travail et le vélo, la fatigue se fait vite sentir. Je sais que je suis en retard dans ma préparation par rapport aux autres gars de l’équipe. Il y a peu de chance que l’on me voit sur les podiums en début d’année. Mais j’espère quand même monter en puissance au fil des courses.

Crédit Photo : Etienne Garnier - www.velofotopro.com
 

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