Classement UCI Juniors : Personne n’est contre mais tout le monde met un frein

Crédit photo Aurélien Regnoult - DirectVelo
En 2026, l'Union cycliste internationale publiera le classement UCI individuel des Juniors mais la nouvelle n'est pas encore rentrée dans toutes les têtes. Brian van Goethem, le directeur sportif de Jegg DJR Skil, ne s'était pas encore penché sur la question mais trouve cette nouveauté dans la logique des choses. "C'est bien, ça suit l'évolution du cyclisme et l'évolution va vers des coureurs de plus en plus jeunes. Chaque équipe du WorldTour s'implique chez les Juniors", rappelle l'ancien pro de Lotto-Soudal et Roompot. "Plusieurs sites le font déjà", ajoute Yann Le Boudec, dénicheur de talents chez la Groupama-FDJ. "Ce n'est donc pas nouveau, tous les coureurs se comparent déjà", estime Ian Mansel-Thomas, le DS de Tofauti Everyone Active Majaco.
« RIEN CONTRE »
Avec son expérience, Laurent Mars relativise encore plus la nouveauté d'un classement individuel pour les Juniors. "Il y avait déjà ce classement il y a 20 ans, c'est un retour", se remémore celui qui constate la professionnalisation de la catégorie depuis plusieurs années. En effet, jusqu'en 2007 inclus et avant la Coupe des Nations Juniors, il y avait la Coupe du Monde (et avant Challenge Mondial) créée en 1993, avec un classement individuel. En plus du Championnat du Monde, une dizaine de courses par étapes étaient retenues. Elles formaient le "super calendrier". Début septembre, trois courses par étapes figuraient au calendrier UCI : le Tour de Cantabrie, le Tour de la Lunigiana et le Grand Prix Ruebliland. Ces deux dernières épreuves figuraient déjà au "super calendrier" en 1996. Avec elles, on retrouvait aussi la Course de la Paix, les 3 Jours d'Axel, le Tour de Haute-Autriche ou le Tour de l'Abitibi. Cela prouve que le calendrier Juniors possède ses classiques.
Ce retour d'un classement individuel ne trouve pas d'opposition. "Je n'ai rien contre", répond Kenny Desaever qui encadre les Juniors de Soudal Quick-Step. Du côté des coureurs, Alban Picard, qui sera encore Junior l'an prochain (il est leader du classement des J1 du Challenge DV), n'affiche pas un enthousiasme débordant. "Avant, il n'y avait que pour les nations, ça va mettre plus de compétitions. Mais ça sera un classement anecdotique".
« LE RISQUE DE LA SURENCHÈRE »
Alors que va donner ce classement UCI ? "Le classement dépendra du programme des équipes. Sur les courses les plus dures, ça sera plus difficile de marquer des points, comme par exemple le Tour des Flandres, et ce sera "plus facile" sur un calendrier avec moins de concurrence", prévient Ian Mansel-Thomas. Simon Defrance, Junior 1 cette année, abonde dans le même sens. "Le classement dépendra du nombre de courses qu'on disputera". Yann Le Boudec devine aussi un danger lié. "Il y a le risque de la surenchère, de toujours vouloir faire plus de courses UCI. On le voit déjà avec tous les Challenges, DirectVelo ou Vélomagazine, qui deviennent de plus en plus importants pour les jeunes. Et même s'ils ne le disent pas, ils ont tous un oeil dessus. C'est à nous les équipes et les DS de faire attention que ça ne tombe pas dans une surenchère qui serait négative pour leur progression".
Le DS de la Groupama-FDJ Juniors voit aussi une influence sur le futur classement. "Le barème sera important". Simon Defrance espère que "ça peut être plus représentatif que la Coupe des Nations où les niveaux sont différents entre les courses". D'ailleurs, en 1996, le Tour de la Lunigiana n'avait au final rapporté aucun point car il n'y avait pas le minimum requis de huit équipes de nations différentes au départ.
« UN ÉQUILIBRE AVEC LES CLUBS LOCAUX »
Mais si en 1996, sept épreuves sur douze se tenaient entre la fin juin et début septembre, l'activité des Juniors s'étale sur toute l'année aujourd'hui avec le Championnat du Monde attaché à celui des Elites, hors vacances scolaires. Un exemple de la professionnalisation progressive de la catégorie. "Dans la professionnalisation des Juniors, il ne faut pas aller trop loin, craint Brian van Goethem. Dans notre équipe, il y a beaucoup de bénévoles par exemple". Il rejoint son collègue Kenny Desaever dans la recherche d'un "équilibre avec les clubs locaux". Le directeur sportif belge est opposé à un classement par équipes. "Il faut rester sur un classement individuel, sinon les petites équipes, celles qui n'ont pas de lien avec une équipe pro, seront mises de côté". Reste à définir ce qu'est une équipe chez les Juniors. "Nous sommes un club", précise Brian van Goethem le directeur sportif de De Jonge Renner. En revanche, d'autres formations sont en réalité des équipes mixtes et l'UCI veut leur appliquer un règlement plus restrictif.
Les deux directeurs sportifs néerlandais et belge alertent aussi sur le risque de vouloir mettre la charrue avant les boeufs. "Chez nous, la vision du travail avec Juniors est de les former. Notre but n'est pas d'être les meilleurs chez les Juniors", assure Kenny Desaever. Son homologue de Jegg-Skil-DJR va plus loin. "Si on est pas dans une équipe de développement en Espoirs, ce n'est pas terminé pour autant". Et le classement peut avoir des effets pervers sur le moral des troupes. "Il ne faut pas cogiter quand on est en bas du classement", ajoute Simon Defrance.
« PAS ASSEZ DE COUREURS POUR TOUT LE MONDE »
Alban Picard voit une autre utilisation pour cette hiérarchie calculée des Juniors. "Ça va aider les équipes pour repérer les meilleurs coureurs", imagine le coureur du CC Marmande et de la réserve Juniors de la Groupama-FDJ. Et ça tombe bien, son DS est d'accord. "Le classement peut permettre d'avoir un oeil sur des coureurs de pays où on ne va pas, en Europe ou dans d'autres continents, ça peut nous aider pour le recrutement. Mais rien ne remplace la vision de la course pour observer le comportement du coureur", explique Yann Le Boudec. Et il y aura de plus en plus de monde sur le marché. Les clubs de N1, victime de la concurrence des équipes pros dans la formation des Espoirs, se rabattent sur les Juniors, où ils vont aussi rencontrer la concurrence des réserves, plus ou moins officielles, des équipes du WorldTour. Mais ils vont aussi concurrencer des clubs qui s'occupaient déjà des Juniors depuis plusieurs années. "Il n'y aura pas assez de coureurs pour tout le monde", prévoit un DS de ces clubs.
On verra donc à l'usage ce que peut apporter le classement UCI des Juniors mais Laurent Mars, du haut de son expérience, craint une autre dérive. "Est-ce qu'ils vont perdre des points quand ils auront une amende ?".
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