Stéphane Bauchaud : « On a la fosse septique qui déborde »

Crédit photo Fabien Lenfant / DirectVelo

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La liste des clubs N1 ou N2 qui ne demanderont pas de label en 2026 s’allonge au fil des semaines. Descendu en N2 en 2024, le Top 16, qui va accueillir un nouveau partenaire titre, pourrait de ce fait demander le label N1 la saison prochaine. Stéphane Bauchaud, président du comité de Charente et manager historique de la structure, aimerait que les choses changent pour assurer un avenir aux structures amateurs. Il s’est confié au micro de DirectVelo.


DirectVelo : Pourquoi le Top 16 pourrait finalement postuler à la N1 ?
Stéphane Bauchaud : C’est un peu à contre-courant mais c'est la suite de la communication du mois de juin. Le projet évolue très favorablement et face à la conjoncture, on ne s'interdit pas de postuler à la N1 le jour où la Fédération communiquera. Le problème c'est qu'aujourd'hui, s'il y a au moins six N1 qui arrêtent, on va être à 13 N1. Beaucoup de N2 ne veulent ou ne peuvent pas monter. Est-ce que la Fédération va repartir à 13 ou à 14 ou va ouvrir un peu les vannes ? Nous en l'occurrence, on bâtit notre projet pour monter. S’il y a une opportunité à court terme, évidemment qu'on la prendra. On est en train de bâtir l'effectif pour qu’il soit digne d’une N1. On se rend compte que peu de clubs sont dans une dynamique positive. Notre projet est prêt à évoluer. On s’est structuré avec un siège administratif et un service course, on est en train de gommer trois ans de non-investissement. On a listé tout ce qu'il y avait à faire. C'est enclenché, on modifie pas mal de choses.

T’attendais-tu à ce que la situation en soit là en 2025 ?
En 2017, j'ai alerté de la situation du cyclisme amateur et j'ai pris un renvoi au 22… Ce qui m'inquiète, c'est la non-réaction de la Fédération. Il faut qu'on soit bien d'accord. Aujourd'hui, la Fédération n'est pas responsable de la difficulté de tous les clubs, ça serait un raccourci. Ce n’est pas elle qui nous cherche des sponsors. Maintenant, on a besoin que la Fédération mette de l'huile dans les rouages, parce qu'ils sont en train de gripper. Je suis inquiet par l’étape suivante. Aujourd’hui, je vois plein d'organisateurs se demander si ça vaut le coup d'organiser pour 90 mecs… On est dans une crise profonde où la seule réponse ne peut pas être l'augmentation des tarifs. Ce n'est pas possible…

Que faire ?
Il faut des états généraux du cyclisme amateur dans les plus brefs délais. Est-ce qu'il y a besoin de trois niveaux ? Les Conti fédérales sont restées dans les classements N1, c'est très bien. Surtout il faut faire très attention parce que si on considère que les Conti Fédérales sont le premier niveau amateur, on est en train de s'autodétruire. C'est-à-dire que les N1 deviendront le deuxième niveau amateur et on va dans ces cas-là perdre encore des financements. Il faut juste que notre Fédération nous écoute, deux minutes. Je passe un coup de fil, il faut qu'on m'écoute, qu’on nous écoute. J'ai la chance de travailler dans une collectivité, d'être président d'un comité départemental et d'une structure de niveau national. Soit on nous écoute, soit on crève. En 2017, j’ai dit qu'on allait prendre le mur dans la gueule. Après le Covid, j'ai dit qu'on courait de plus en plus vite mais que le mur nous arrivait bientôt dans la face. Aujourd'hui, on a tapé le mur. On était à 73 équipes de DN il y a six ans, et là on va passer à moins de 50… Ce n'est que des mathématiques parce qu’en réalité, on remplace des N1 par des N2 ou des N3. C'est-à-dire qu'on baisse le niveau. Je suis très inquiet sur l'avenir des jeunes.

« DEVANT LE CIMETIÈRE »

Beaucoup d’équipes se tournent vers les Juniors, surtout pour des raisons financières…
Aujourd'hui, ce sont les équipes U19 qui appellent les équipes de niveau DN pour placer des gamins. Il n’y a pas de place pour tous en DN. Ils vont se retrouver en Open 1 sans structure et vont faire les critos contre des Élites qui ont des licences Open 1 parce qu'ils ne sont pas en DN. Donc, ce sont des gamins qu'on va dégoûter du vélo. Il ne faut pas qu'on se trompe. Aujourd'hui, les signaux qui étaient les feux oranges de 2017 sont passés aux rouges pendant le Covid. On est devant les chambres mortuaires, même devant le cimetière. Il n'y a plus de course et la seule réponse, c'est d'augmenter les tarifs. Ce n'est pas possible. La Fédération est là pour gérer le cyclisme amateur. Ce que fait la Ligue ne doit pas être notre problème. Si c'est pour avoir des Conti où il y a huit étrangers pour quatre Français, on s'en fout. Ce n'est pas notre problème. Sur les 120 mecs de la course Juniors de Nersac, il y en a 30 ou 40 qui n'ont pas d'équipe l'année prochaine… Je ne peux pas les prendre au Top 16. Si je veux monter en N1, je ne peux pas engager six Espoirs 1. Ce n'est pas possible. Je n’ai pas la place pour tout le monde. Il faut bien que je prenne des mecs qui pèsent au moins 7 000 points à FFC.

As-tu cherché à contacter dernièrement la FFC ?
La DTN est aujourd'hui absente. Tu appelles la Fédération, elle t'envoie un mail pour dire qu’elle est en vacances. Nous, on est en train de nettoyer la merde, on a la fosse septique qui déborde. On a besoin de la Fédération. Aujourd'hui, je ne suis pas contre la Fédération. Encore une fois, je dis qu'on a besoin d'elle. Il y a de l'argent pour faire le Championnat du Monde en 2027, alors il y a peut-être de l'argent pour sauver le cyclisme amateur. Je rappelle que le modèle économique de la Fédération est quand même basé sur le paiement de la base. On paie des engagements, on paie des courses, on paie tout. La route représente 75% des recettes de notre fédération. S'il n'y a plus rien à la base, il n'y a plus de Fédération. Le cyclisme français ne se résume pas au Tour de France ou au Tour de l’Avenir… On laisse des gamins sur le bord de la route. C'est infernal. Le petit Maxime Vezie (VC Pays de Loudéac), c'est une pépite ce gamin. C'est lui qu'il faut mettre en Conti. Ce n'est pas le dernier Suédois qui avait un agent et qui a pleuré… Quand les équipes Continentales françaises auront formé huit étrangers qui partiront ensuite chez UAE, Israel et Visma, elles diront quoi ? Elles commenceront à gueuler en disant que leur équipe a investi plus d’un million d'euros par an sur une équipe Conti et qu'il n’y en a pas un qui signe dans leur boutique. Ça pose question quand on voit tous les coureurs qu’ils perdent…

Les clubs sont-ils en mesure de travailler ensemble ?
Aujourd’hui en Nouvelle-Aquitaine, il ne va rester qu’une N2 pour une région qui fait 700 km de long. C'est juste hallucinant. On a besoin de redonner une dynamique au vélo. De notre côté, on a besoin d'entraîner derrière nous une région et de fédérer. Il y a Limoges qui fait une équipe U19. Peut-être qu'il faut qu'on travaille avec eux, comme avec Marmande, et qu'on refasse une pyramide. Qu'est-ce qui constitue une grande pyramide ? Ce sont des petites pyramides dedans. Donc, si on ne fait pas ça, on meurt. Il faut travailler ensemble et pas que la Fédération nous oppose. Mais c'est loin d'être gagné quand je vois des équipes U19 de Nouvelle-Aquitaine, conseiller à ses jeunes coureurs de ne surtout pas signer chez nous et de quitter la région. Si j'étais le comité régional, je leur supprimerais toutes les aides régionales déjà... 

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