Les abeilles tournent autour, mais piqueront-elles Tadej Pogacar ?

Crédit photo Xavier Pereyron / DirectVelo

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Depuis le départ de Lille, le peloton vibre au rythme d’un duel haletant entre le roi slovène et l’essaim jaune et noir. Fidèle à sa réputation de ruche disciplinée, Visma-Lease a Bike multiplie les manœuvres collectives, les attaques synchronisées, les harcèlements en moyenne montagne et les offensives en éclaireurs. Comme une nuée organisée bourdonnant autour d’un prédateur plus massif mais solitaire, l’équipe néerlandaise tente d’user Tadej Pogacar à la patience, à la force et à la stratégie. Mais ces abeilles courageuses, infatigables, finiront-elles par piquer là où cela fait mal ? Ou continueront-elles simplement à tournoyer autour d’un adversaire insaisissable ? 


UNE VICTOIRE D'ÉTAPE AVEC SIMON YATES

Lors de l’étape auvergnate très vallonnée vers le Mont-Dore, la WorldTeam néerlandaise a pris l’initiative avec force. Victor Campenaerts et Simon Yates ont été placés à l'avant pour servir de points d'appuis, mais finalement, il n'en fut rien puisque le vainqueur du Giro a enlevé l'étape. “On voulait qu’UAE nous roule dessus comme ils l'ont fait les autres jours, mais ils ont été plus malins sur ce coup”, confia le Belge à Wielerflits. Les directeurs sportifs ont donc demandé à Simon Yates de jouer la victoire d'étape tandis que Victor Campenaerts devait se laisser décramponner pour aider ses leaders dans l'avant-dernière difficulté de la journée, le col de la Croix Robert.

Tandis que Simon Yates s’envolait vers la victoire d’étape depuis l’échappée, la machine jaune et noire se mettait en route derrière, dans le groupe des favoris. Tiesj Benoot, Sepp Kuss, puis Matteo Jorgenson se sont relayés pour harceler Pogacar. Malgré tout, à l’arrivée, le constat est amer : Jonas Vingegaard franchit la ligne dans la roue du maillot jaune, sans avoir repris la moindre seconde. L’écart reste figé à 1’17’’, une distance que Pogacar semble gérer avec une facilité désarmante. Pourquoi le Danois n'a-t-il pas attaqué ?  “Sur le papier, l’étape était peut-être la troisième plus difficile de ce Tour, mais le final était trop facile. Sur une montée de trois kilomètres, tu ne fais pas la différence. Jonas sent lui-même qu’il doit attaquer quand c’est suffisamment dur pour cela. Or, ce n’était pas le cas dans cette étape”, explique Grischa Niermann au Het Laatste Nieuws. Le but premier était surtout de rapprocher Matteo Jorgenson des deux favoris du Tour, afin d'avoir un vrai 2 contre 1 dans la haute montagne.

CONTINUER ET ESPÉRER

Pourtant, du côté de Visma, pas question de changer d’approche. “Chaque jour, il faut continuer à se battre”, insiste le manager Richard Plugge auprès du Nieuwsblad. “Comme quelqu’un me l’a dit : il faut continuer à utiliser le marteau-piqueur, rendre chaque étape difficile, et simplement poursuivre notre entreprise”. La référence est claire : c’est cette méthode qui avait fonctionné en 2022 et 2023. À l’époque, Pogacar paraissait lui aussi inébranlable… jusqu’au jour où il a craqué. “Souvenez-vous du Col du Granon ou de la Loze”, rappelle Plugge. “Ce sont ces moments-là qu’on espère reproduire”

Victor Campenaerts, lui aussi, justifie cette logique offensive à Wielerflits : “Il est vrai qu’on n’a pas pris de temps à Pogacar aujourd’hui (lundi), mais on a encore une fois tenté. C’est ça qui compte. Imaginez qu’on arrive à Paris sans avoir gagné, au moins on pourra se dire qu’on a tout essayé. On ne devra jamais penser : si seulement on avait fait ceci ou cela”. Pour lui, le plus important est de ne pas avoir de regrets. D’autant que, selon Richard Plugge, “Pogacar devient nerveux face à leur approche hors normes pour mettre son équipe sous pression”.

PAS DE PLAN B

De fait, UAE Team Emirates n’est pas sorti indemne de la première semaine. L’abandon de João Almeida, l’un des lieutenants clés, si ce n’est LE pion le plus important dans le jeu de l’équipe autour du leader, et l’état de santé fragile de Pavel Sivakov - lâché très tôt lundi - compliquent sérieusement la tâche de Pogacar. Visma espère que cette usure progressive finira par faire la différence. Mais pour l’instant, Pogacar contrôle tout, sans jamais vraiment sembler inquiété. Il ne réagit qu’aux attaques de Vingegaard et Jorgenson. Lorsqu’un autre coureur, même Remco Evenepoel, tente quelque chose, il reste imperturbable. Et quand Jorgenson a lancé une attaque sérieuse, Pogacar a immédiatement répondu avant de le distancer, dans la dernière bosse, avec une contre-attaque sèche, que seul Vingegaard a réussi à suivre. “Les Visma étaient un peu agaçants avec toutes leurs attaques, alors j'ai décidé de faire une meilleure attaque”, rétorqua-t-il aux médias slovènes. “Mais jusqu'à présent sur le Tour de France, j'ai pu suivre toutes ses attaques, ce qui n'était pas le cas sur le Tour du Dauphiné. Cela montre clairement que je suis à un niveau supérieur à celui d'il y a quelques semaines”, positive Jonas Vingegaard.

Ce test permanent, cette guerre d’usure, c’est le seul plan de Visma-Lease a Bike. Plugge l’admet : “Nous n’avons pas le choix. Nous n’avons pas d’arme secrète. C’est par l’accumulation des efforts, des attaques, du rythme élevé qu’on espère faire craquer Pogacar”. Même si, selon Niermann, la Visma n'a pas encore trouvé de faiblesse chez le Champion du Monde. “Espérons que nous le fatiguons vraiment. Mais il est extrêmement performant, résistant et offensif. Chapeau bas”. L’essaim continue donc de tournoyer. Tout cela pour un seul objectif : planter, un jour, l’aiguillon décisif. Peut-être jeudi, sur les rampes terrifiantes d’Hautacam ? Là où les abeilles pourraient, enfin, piquer.

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