Jérémy Cabot : « Il ne faut pas avoir peur »

Crédit photo William Cannarella / DirectVelo

Crédit photo William Cannarella / DirectVelo

Personne n’a oublié l’exceptionnelle année 2019 de Jérémy Cabot. Et pour cause : l’Aubois avait alors archi-dominé la saison amateur et par la même occasion le Challenge BBB-DirectVelo à la suite d’une collection de victoires. Une saison XXL qui lui a fort logiquement permis de retrouver le monde professionnel. Deux ans après la fin de son expérience chez Roubaix-Lille Métropole, c’est cette fois-ci en deuxième division mondiale et avec Total Direct Energie qu’il a retrouvé les pros. Des rêves plein la tête l’hiver dernier, l’ancien coureur du SCO Dijon n’a malheureusement pas été en réussite lors de l’exercice 2020. Mais il ne désespère pas pour autant de retrouver son meilleur niveau l’an prochain, via une quatrième saison professionnelle qui le verra fêter ses 30 ans. DirectVelo fait le point avec Jérémy Cabot.

DirectVelo : On t’imagine déçu de cette saison 2020…
Jérémy Cabot : Je suis mitigé, ça me laisse un arrière goût amer. Cela dit, je ne veux pas retirer que du négatif de cette saison, car il y a aussi eu du positif. Après tout, 2020 restera quand même l’année de mon retour chez les pros, qui plus est dans une belle structure. J’ai passé de bons moments avec l’équipe même si sur le plan personnel, tout ne s’est pas passé comme je l’aurais espéré. Je mentirais si je disais que je suis content de ma saison car ce n’est pas le cas.

Ta saison a été tronquée par l’épidémie de covid-19, bien sûr, mais également par une blessure au genou durant l’été !
Je n’ai pas pu courir pendant environ un mois, ni même beaucoup m’entraîner. Avec ces deux événements réunis, toute ma saison a été foirée. Cela dit, je ne veux pas me plaindre. La covid, c’était la même chose pour tout le monde et en ce qui concerne mon pépin physique, il n’y avait rien d’extraordinaire non plus. C’était un petit coup d’arrêt comme chacun en a durant une carrière de cycliste. Le vrai problème, c’est que tout s’est enchaîné et que je me suis retrouvé blessé après, déjà, quatre mois d’arrêt. Je n’ai donc pas eu le temps de m’exprimer cette année. Lorsque j’ai pu reprendre la compétition (le 22 septembre lors de Paris-Camembert, NDLR), il ne restait plus grand-chose derrière. C’était vite plié.

« JE N'ÉTAIS VRAIMENT PAS CONTENT DE MOI »

Après une très bonne première sortie lors de la Tropicale Amissa Bongo - six Top 10 -, tu n’es plus parvenu à te mettre à ton avantage une seule fois, y compris avant le premier confinement. Comment l’expliques-tu ?
J’ai eu du mal à me mettre dans le rythme en début de saison. Avec le recul, et pour en avoir parlé avec des coureurs et le staff, je crois que tout s’est enchaîné trop vite. J’ai terminé ma saison 2019 assez tard, et j’ai repris chez les pros dès la mi-janvier, au Gabon. Sur le coup, même si je me doutais que je n’allais pas être à 100% lors des premières courses, je me suis dit que ça pouvait être pas mal pour monter en puissance. Mais en fait, je me suis un peu cramé dès le Gabon et j’en ai ressenti le contre-coup les semaines suivantes. On a peut-être fait une erreur. J’aurais pu reprendre la saison un peu plus tard, mais je ne veux pas en faire une excuse pour autant. Au-delà de ce choix de courir dès janvier, il n’était de toute façon pas simple de retrouver une place chez les pros. Je suis sans doute quelqu’un de “diesel” et qui a besoin de quelques courses pour se mettre dans l’allure. J’ai eu du retard à l’allumage et ensuite, il y a eu l’interruption des compétitions.

Lors du Tour de la Provence, en début de saison, tu nous avais expliqué avoir besoin de temps (lire ici)...
C’était le cas. Je n’étais pas considéré comme un néo-pro mais je faisais quand même partie des nouveaux de l’équipe. On ne me connaissait pas et on m’a laissé le temps de me faire une place. En début de saison, on ne m’a rien demandé de spécial, mais je sentais que ça ne tournait pas bien. Je n’étais vraiment pas content de moi. Physiquement, je n’y arrivais simplement pas… Avec le recul, je sais que c’était à cause de l’accumulation de fatigue mais sur le coup, ça me frustrait. Le staff me disait que ce n’était pas grave, que je devais tenir le coup, m’accrocher, et que ça finirait par aller mieux. Mais je me disais qu’ils finiraient pas ne pas être contents de moi.

« ENCORE PLUS REVANCHARD »

En quelques mois, tu es passé d’un coureur qui écrasait de bout en bout la saison amateur à un athlète qui subit la course tous les week-ends. Comment as-tu vécu cette situation mentalement ?
On ne s’habitue jamais vraiment à se faire taper sur la tronche toute la journée (rires). Il faut que ce soit transitoire. Lorsque j’ai débuté la saison, je me doutais bien que ça n’allait pas se passer comme en 2019, bien évidemment. Je savais que je n’allais pas tout casser, mais j’espérais quand même être plus à l’aise que ça. On a fait des erreurs de planification, mais ça fait partie du jeu. Lorsque Jean-René (Bernaudeau) m’a pris dans l’équipe, c’était aussi avec l’idée que j’étais proche des 30 ans, que je n’étais plus un néo-pro encore tendre qui débarque à ce niveau. Je devais pouvoir enchaîner les jours de course, sur le papier.

Il a un temps été évoqué que tu participes aux Ardennaises puis au Tour d’Espagne en fin de saison, mais tu n’as finalement pas disputé la moindre course WorldTour…
Depuis l’hiver dernier, il y avait ce fil rouge de la Vuelta. Ce n’était pas acquis mais c’était une possibilité. Si j’avais marché les semaines précédentes, ça aurait pu le faire. Mais on connaît la suite… Je n’avais pas la condition physique pour disputer un Grand Tour, il n’y a rien à dire. Je me suis blessé, tant pis. Mais c’est dommage et ça me frustre. C’est d’autant plus dommage que je me dis que j’ai raté le coche et que j’aurai sûrement du mal à faire un Grand Tour l’an prochain. Il faut déjà que l’équipe soit sélectionnée au Tour de France et dans tous les cas, il y aura un bon nombre de candidats pour aller sur les trois Grands Tours. Quand on voit le nom des recrues… Il faudra être solide pour espérer faire partie de la sélection, mais je ne veux pas me plaindre et cette situation me rend, au contraire, encore plus revanchard pour l’année prochaine.

« SI JE REFAIS LA MÊME SAISON... »

Dans le monde du cyclisme, on a le sentiment que tout peut aller très vite : il y a encore dix mois, tu débutais tout juste une nouvelle aventure chez les pros. Mais te voilà déjà en dernière année de contrat avec, sans doute, le sentiment d’avoir l’interdiction de reproduire en 2021 la même saison qu’en 2020...
Bien sûr, je pense à tout ça. J’ai bien conscience que je me retrouve déjà dans une situation différente de celle d’il y a un an. Je suis en fin de contrat et, en effet, je ne peux pas me permettre de faire une deuxième saison comme celle-là. Être sur une dernière année de contrat, ce n’est pas évident, mais je connais déjà cette situation. Je l’ai vécue à Roubaix. Il ne faut pas avoir peur. Si je refais la même saison, ça voudra dire que je n’ai pas ma place chez les pros. Il faut que je progresse, en me concentrant totalement sur le sportif. J’ai forcément déjà cette histoire de contrat en tête, mais ce n’est pas en me focalisant là-dessus que ça marchera. Si je performe sur le vélo, le reste suivra. C’est logique.

Doutes-tu de tes capacités à faire carrière chez les pros ?
Non, ma saison 2020 ne me fait pas douter. Je n’oublie pas ce que j’ai fait par le passé : l’année 2019 chez les amateurs, bien évidemment, mais aussi les quelques beaux résultats réalisés avec Roubaix pendant deux ans sur des Classe 1. Je sais que j’ai le niveau pour faire de bonnes choses. J’ai les résultats dans les jambes, il n’y a pas de raison que ça ne se passe pas bien. J’aime jouer les premiers rôles, j’aime l’adrénaline que procure le fait de jouer la gagne dans les derniers kilomètres d’une course. Je l’ai vécue souvent l’an dernier. Tout ça me manque et j’ai envie de retrouver ces sensations. Je m’en sens capable, mais je dois maintenant le prouver sur le terrain.

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