On a retrouvé : Jules Pijourlet

Crédit photo Freddy Guérin - DirectVelo

Crédit photo Freddy Guérin - DirectVelo

Jules Pijourlet a tourné la page. Après une dernière année sur la piste en 2016 pour le plaisir, l'ancien sociétaire de Chambéry Cyclisme Formation a arrêté la compétition, mais il continue de suivre son frère Louis, coureur au Vendée U, d'un oeil averti. L'ancien vainqueur du Tour des Deux-Sèvres vit aujourd'hui, à la montagne, en Haute-Savoie. Le garçon de 28 ans évoque pour DirectVelo ses souvenirs et sa nouvelle vie.

DirectVelo : Comment vis-tu cette période de confinement ?
Jules Pijourlet : Pour être honnête, il y a pire. Je continue de travailler. Je suis confiné, chez moi, avec deux collègues de travail. On est à la campagne, à Praz-sur-Arly, à 1200 mètres d'altitude. On a quelques sentiers autour de chez nous qui nous permettent de prendre l'air pendant 30 minutes. On est souvent sur le petit bout de champ qu'on a devant chez nous. C'est sûr que c'est une période qui n'est pas forcément évidente, mais on est loin d'être à plaindre.

Que fais-tu désormais dans la vie ?
Je travaille à l'organisation de l'Ultra-Trail du Mont-Blanc. J'y ai fait mon stage de fin d'études en tant que responsable environnement, c'est ce qui m'a permis d'y rentrer. Désormais, je suis chargé de la relation des territoires, mon poste s'est élargi. Je dois coordonner les 18 communes traversées par l'épreuve. Il faut que je gère notamment les chefs de poste et les bénévoles. On est douze à travailler à temps plein. Je vis donc avec deux de mes collègues juste durant le temps du confinement. L'un est au service marketing, l'autre dans la partie commerciale. Ce n'est pas forcément ceux avec lesquels je travaille le plus mais ça permet d'avoir toutes les infos de tous les services, en temps réel, sans faire de grandes réunions.

« ME TENIR INFORMÉ DES PERFORMANCES DE MES PROCHES »

Avant ce confinement, continuais-tu à rouler ?
Je ne roulais plus trop. Je travaille toute l'année à Chamonix, c'est dans la vallée, il n'y a qu'une route nationale de 30 bornes de long et ce n'est pas trop emballant. Dans le coin où j'habite, dès que tu veux aller rouler, il faut escalader un col de 15 bornes. Désormais, je mets deux fois plus de temps à grimper et je ressens des douleurs. Je me suis pas mal tourné vers d'autres sports liés à la montagne comme la randonnée, le trail et l'alpinisme. Après, je dois avouer que l'an dernier, j'ai fait une petite sortie avec mon meilleur pote Axel Domont qui revenait de blessure. On a grimpé le Cormet de Roselend. Je me suis assez surpris même si j'étais cramé ensuite pendant une semaine. Cet été, si c'est possible, je roulerai peut-être avec mes collègues de boulot pour faire par exemple un tour du Lac Léman ou ce genre de défi.

Quel lien gardes-tu avec le cyclisme ?
Je suis pas mal Axel Domont. J'aime bien regarder les courses où il est. Je suis également les résultats de Clément Chevrier qui était un bon copain au Chambéry CF. Ensuite, je suis évidemment mon frère Louis qui est au Vendée U ainsi que sa copine Marie Le Net. Je regarde les résultats ou les directs sur DirectVelo où il est. Après, je ne suis pas spécifiquement le vélo, c'est plus pour me tenir informé des performances de mes proches.

Est-ce que tu conseilles ton frère ?
J'essaye au maximum de l'aiguiller pour qu'il profite des mes expériences et de mes erreurs. J'essaye de lui apporter des conseils éclairés quand il en a besoin et qu'il a envie de les entendre. Je le mets en garde sur certaines choses, mais il a besoin de les vivre pour pouvoir progresser. Néanmoins, je reste à ma place grand-frère, je suis là pour l'aider quand il y a besoin ou pour discuter d'autres choses. Je ne suis pas non plus son entraîneur et j'essaie de ne jamais m'imposer en lui disant "ça, ce n'est pas top" etc... Je suis plutôt là pour le réconforter ou le conforter dans ses choix.

« LE PASSE-PARTOUT QUI EST TOUJOURS LÀ MAIS QUI NE GAGNE PAS »

Comment as-tu vécu sa médaille au Championnat de France 2017 du contre-la-montre chez les amateurs ?
J'étais super content pour lui. Il a fait du bon boulot, c'était la même année où il gagne le Tour Nivernais Morvan. C'était une période super faste pour lui. J'étais derrière mon écran à sauter, j'étais en réunion en plus, il a fallu que je me concentre un peu pour ne pas trop exploser de joie ! On ne peut pas trop mentir sur les chronos. Pour connaître les enjeux, quand c'est toi qui pédale, tu ne ressens pas trop le stress, tu es dans ton truc. Alors que quand tu es derrière ton bureau au travail, que tu regardes les temps de passage, c'est hyper stressant car tu ne sais pas comment ça se passe. C'est sympa de vivre le vélo de ce côté-là, en tant que spectateur. Ça procure autant d'émotions sans avoir à faire le job de cycliste.

En 2013, tu avais attaqué l'année comme leader du Chambéry CF. Comment expliques-tu que ça n'a pas fonctionné comme voulu ?
J'ai eu un peu de mal à prendre ma place de leader. Je me suis dit que c'était à mon tour mais je me suis rendu compte qu'il fallait être désigné par ses coéquipiers et ne pas s'imposer leader comme ça. Ça m'a énormément fait grandir dans la vie, mais j'ai perdu deux-trois mois à me mettre dans la peau de leader. Le temps que ça arrive, j'ai fait un mois de mai relativement correct. Puis fin mai-début juin, j'ai été opéré de l'appendicite. Je n'ai pu remonter sur le vélo que mi-juillet, ce qui est relativement tard pour pouvoir être stagiaire. De mi-juillet à fin août, ça marchait fort, j'ai été vice-champion de France à Albi mais c'était tard... Je n'étais pas forcément mauvais, j'étais toujours placé mais jamais gagnant. Je n'avais pas vraiment de spécialité, j'étais le passe-partout qui est toujours là mais qui ne gagne pas. Malheureusement, ce n'est jamais vraiment récompensé chez les pros. Ils veulent une pépite ou quelqu'un qui a fait un coup d'éclat même s'il passe ensuite les bidons. C'est regrettable, mais on ne peut pas en vouloir aux équipes de chercher le prochain Bardet ou Pinot.

Pensais-tu toujours passer professionnel quand tu as quitté le Chambéry CF et que tu as rejoint le Team Vulco Vaulx-en-Velin ?
Clairement, oui. J'avais fait mes quatre années Espoirs au CCF. C'est une super école, une belle famille, ça t'apprend énormément à être autonome. Mais c'est notre avenir qu'on est en train de construire. Si on ne passait pas pro, ça ne changerait pas la vie du CCF, c'était à nous de nous prendre en main. On est là pour faire des pros. Cette ambiance-là au bout de quatre ans m'a un peu fatigué. J'avais besoin d'air frais et de changement pour voir autre chose et avoir un petit coup de fouet. J'espérais bien passer pro encore à Vaulx-en-Velin. Lors de la première année, je me suis fait renverser par une voiture début mai. Ma deuxième année a été ma meilleure saison en terme de victoires. J'avais gagné le Tour des Deux-Sèvres. Pour autant, je n'ai pas du tout été approché par une équipe hormis une approche avec une équipe au Japon mais ça ne s'est pas fait. Je faisais depuis six ans des sacrifices, j'avais mes études qui me passionnaient...

UNE CLAQUE DANS LA GUEULE AU TOUR 2016

Auparavant, pour ta dernière saison en 2016, tu avais décidé de te reconsacrer à la piste (lire ici)...
Je voulais me faire une saison de plaisir sur la piste en 2016. La course la plus longue dure une heure, donc les entraînements ne dépassaient pas deux heures et demi. C'était le berceau de mon apprentissage sur le vélo. Il y avait les Championnats de France à Bordeaux en octobre. Je me suis dit que j'allais faire une belle Américaine avec mon frangin. Mais j'ai travaillé sur le Tour de France, et ça m'a énormément fatigué. J'ai pris une belle fessée, en plus j'étais un peu malade la semaine avant. J'ai pris du plaisir sur les épreuves précédentes, mais clairement, je n'étais plus au niveau. Je n'avais plus envie faire autant de sacrifices qu'avant.


Tu as travaillé sur le Tour de France 2016 et 2017. Que faisais-tu exactement ?
J'étais dans un dispositif amont pour Pressade. Je partais deux heures avant la caravane dans un Crafter avec un collègue. On devait s'arrêter dans des points chauds pour distribuer des bouteilles de sirop et des parasols. Ensuite, on arrivait avant la caravane sur la ligne d'arrivée. On distribuait des jus de fruits là uniquement. C'était deux ambiances super différentes. Quand on était en dispositif amont, on prenait vraiment le temps de s'arrêter et de discuter avec les gens. On buvait même le café avec certains. À l'arrivée, les gens étaient surchauffés et il fallait donner le maximum de jus de fruit. On était comme des chauffeurs de salle.

Est-ce que c'était particulier de retrouver l'ambiance du vélo ?
Le Tour de France m'a permis de tourner la page du vélo. Lors du premier jour au briefing, je me suis vraiment rendu compte que le vélo, c'était fini. En faisant le Tour de France de ce côté-là de la barrière, je me suis rendu compte que je ne pourrai plus jamais espérer le faire en tant que coureur. J'ai un peu pris une claque dans la gueule, ça m'a fait mal. Je ne réalisais pas bien ce que ça voulait dire d'arrêter le vélo. Finalement, ça a été une transition en douceur. J'ai eu la chance de faire partie de cette fête sur deux Tours, c'était chouette à vivre.

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