La Grande Interview : Paul Ourselin

Crédit photo Zoé Soullard - DirectVelo.com

Crédit photo Zoé Soullard - DirectVelo.com

Il y a des périodes où tout s’accélère. Paul Ourselin l’a constaté cette saison. Six victoires dont le Tour d’Eure-et-Loir (Coupe de France DN1), Paris-Mantes (1.2) et bien sûr, ce titre de Champion de France Espoirs décroché dimanche dernier à Civaux. « Ça me sourit beaucoup cette année », plaisante le Normand qui a rejoint le Vendée U en 2015. Il entame sa deuxième saison sous les couleurs rouge et blanc. Depuis, il est devenu cycliste à plein temps et reconnait prendre « beaucoup de plaisir. Que ce soit à l’entrainement ou dans mon mode de vie ». Du plaisir il en prend aussi en compétition. En confiance, il a même « épaté » un de ses amis dans le peloton. « Je savais qu’il avait un gros moteur mais quand je l’ai vu gagner le général en Eure-et-Loir, il m’a impressionné. Il était leader, attaqué de tous les côtés et je l’ai vu rester calme et serein. A ce moment, je me suis dit qu’il avait franchi un palier », confie Cédric Delaplace.

De La Baule où il a passé quelques journées de repos après l’euphorie, Paul Ourselin partage son quotidien avec DirectVelo. On y parle de cycle d’entrainement, de plaisir surtout mais aussi de rêves devenus des objectifs et de quelques recettes savoureuses.

DirectVelo : A Civaux tu avais dit que tu allais savourer ton titre (lire ici). Quatre jours plus tard c’est chose faite ?
Paul Ourselin : Je suis parti quelques jours en vacances ! C’était prévu avant Civaux mais j’en avais vraiment besoin. Je commence à peine à réaliser ! C’est en voyant les photos et en en discutant que j’en prends réellement conscience. Mes parents et mes proches étaient venus, c’était magique de gagner devant eux. Petit je voulais faire comme mon père qui faisait du vélo. J’ai commencé à 7 ans, en poussin. J’aurais aimé m’y mettre encore plus jeune mais ma mère préférait que j’attende la fin de l’année scolaire. Au printemps, je lui avais dit : "Allez, on m’inscrit au club !" Je m’en souviens encore bien (rires).

C’est important de garder des liens avec ce cocon ?
C’est génial de pouvoir partager ces moments avec ses proches. Mes parents m’ont toujours soutenu et suivi. Maintenant que je suis dans une équipe plus structurée, ils continuent de venir sur les courses. Ma copine, mon entraineur de toujours et la personne qui me masse régulièrement étaient aussi présents. C’est important pour moi.

« J’AI BESOIN D’EXPLICATIONS. JE N’HESITE PAS A ME REMETTRE EN QUESTION »

C’est assez rare de continuer avec son entraineur de jeunesse dans le cyclisme ?
C’est vrai, mais j’ai besoin d’une relation de confiance. Il me suit depuis les Cadets. Je n’ai jamais voulu changer et ça fonctionne plutôt bien. Nous avons une relation fusionnelle. On discute beaucoup de mes entrainements. Je veux bien faire tout ce que l’on me dit mais il faut que je comprenne pourquoi je le fais. Si je dois faire une séance précise, il faut que je sache dans quel but. C’est pareil quand ça n’a pas fonctionné. J’y réfléchis et j’essaie de trouver le pourquoi. Je suis assez rationnel. Il me faut des explications (rires). Par exemple après Vesoul j’ai fait le point. Je n’hésite pas à me remettre en question.

Et alors, qu’en est-il ressorti ?
Je ne veux pas me chercher d’excuses mais je suis passé complètement à côté. Avec le recul plusieurs choses l’expliquent. Je me suis mis trop de pression. Les semaines qui ont précédé la course, j’ai voulu trop en faire. J’ai l’habitude de fonctionner avec des cycles sans viser une course en particulier. Mais cette fois ... Ça ne part pas d’une mauvaise intention mais j’en ai trop fait que ce soit dans l’entrainement, dans la nourriture. C’est une leçon. Des fois le perfectionnisme n’est pas la solution. Mais j’apprends sur moi, sur mon corps et je suis arrivé à Civaux dans un état d’esprit complétement différent. Quasiment à l’opposé en fait.

« JE SUIS UN PASSIONNE DE CYCLISME ET SURTOUT D’ENTRAINEMENT »

Plus détendu ?
Oui, déjà je ne savais pas comment j’avais récupéré du Tour du Limousin. Et j’avais moins serré la vis dans mon quotidien sans exagérer bien sûr ! Je pense que c’est la bonne approche pour moi.

De plus en plus de coureurs s’entrainent pour être performant. C’est aussi ton cas ou aimes-tu simplement partir sur ton vélo ?
Un peu des deux. Quand on est dans une optique de performance, il faut savoir s’imposer des séances qui sont parfois pénibles. Je ne vais dire que je "m’amuse" en étant au bord de la nausée. J’arrive à me les infliger car je pense à un objectif. Par contre, je prends du plaisir quand je dois faire des séances au seuil ou des 30/30 par exemple. Je  suis aussi capable de partir des heures pour rouler. En Normandie nous avons des parcours variés. Que ce soit la Suisse normande, le Pays d’Auge ou le bord de mer, je ne me lasse pas !

On sent que tu es intéressé par l’entrainement et tout ce qui s’en rapproche ?
Complètement. C’est même quelque chose qui me passionne. Je n’ai pas peur de le dire, je suis un passionné de cyclisme et donc de tout ce qui va avec. L’entrainement est une science en perpétuelle évolution. Il y a toujours à apprendre et c’est ce qui est intéressant. Et puis, ça touche à des domaines différents comme la physiologie ou l’anatomie.

LA RECETTE DES NEMS AU POULET

Cédric Delaplace dit de toi que tu es "réglé" dans la vie de tous les jours ?
Ah, il a dit ça !  (rires). C’est encore plus vrai depuis la saison dernière. Je ne fais que du vélo et je le prends comme un métier. Je ne me vois pas me coucher tard, et sortir balader le vélo vers 14h ! Pour moi, être coureur cycliste c’est un mode de vie. Et ça me convient très bien. Je prends du plaisir à être sérieux dans ma vie, dans ma nutrition. Je me lève tôt, je déjeune et je pars m’entrainer. Pour moi ce n’est pas une contrainte. Et puis je me ménage des journées entre deux cycles justement pour me relâcher. J’aime aussi bien manger ou boire une bonne pinte.

Tu nous dis donc qu’il est possible d’être coureur cycliste et d’aimer bien manger ?
Absolument ! (rires) Je me suis même mis à la cuisine depuis que j’ai plus de temps. Je fais mon marché, je choisis des produits frais et je me lance. J’essaie de créer des recettes que j’aime pour qu’elles soient adaptées à un sportif. Par exemple, je remplace une sauce. Ça me permet de garder l’aspect plaisir du repas.

Tu peux nous donner une de tes recettes ?
C’est compliqué comme ça (rires). Des petits nems au poulet avec une feuille  de brique. Un peu d’ail, du jaune d’œuf, le tout à faire revenir dans une poêle avec un filet d’huile !

Et un plat d’hiver ?
Alors là, je dirais plutôt un bon burger ou une pizza. Sans trop déborder je m’autorise aussi un bon bar à vin, tapas avec des amis !

« L'AN DERNIER J'AURAIS EU PEUR DE PERDRE »

Revenons sur ta saison. T’es-tu surpris ?
Oui et non. Au fond de moi, j’y ai toujours cru. Même si je n’ai jamais été dans les meilleurs français chez les jeunes, je n’ai jamais lâché. J’ai toujours travaillé et ça a payé. Est-ce que j’ai eu un déclic ? Je ne sais pas trop. Evidemment, le fait de gagner très tôt m’a aidé (lire sa fiche). J’ai aussi progressé physiquement après la saison dernière. C’était la première année où je me consacrais uniquement au vélo. J’ai tout de suite senti la différence.

Parmi tes nouveaux rôles, tu as endossé celui de leader sur certaines courses à étapes...
J’ai assumé mon rôle. Dans la même situation, j’aurais peut-être paniqué l’an dernier… Ou j’aurais eu peur de perdre et de ne pas conclure le travail de l’équipe. Mais cette année ça ne me dérange pas. Le fait d’avoir gagné très vite m’a libéré et m’a donné de la confiance. Après c’est un cercle vertueux. Tu enchaines, tu es motivé et ça te pousse vers le haut.

Ces victoires, ce nouveau statut, est-ce que ça t’a changé ?
Non pas du tout ! En tout cas je n’espère pas. Mes parents m’ont appris à rester humble et c’est ce que je m’applique à faire. Sincèrement, je pense être resté le même. J’espère d’ailleurs pouvoir rendre la pareille à mes coéquipiers du Vendée qui m’ont aidé pendant ces dernières semaines. J’adore aussi rouler en tête de peloton pour un coéquipier. Et j’ai déjà eu ma part de gâteau (rires).

Stagiaire professionnel, Champion de France Espoirs, tu vis un sacré mois d’août ! Est-ce que tu en es conscient ?
Oui tout s’enchaine assez vite je dois dire ! La Marseillaise, le maillot, ce sont des rêves. Même si j’y pensais au fond de moi. Tout ce qui  m’arrive dépasse mes espérances. J’ai gagné une Classe 2, des classements généraux. Ce sont des ondes positives et ça n’entraine que du bon.

« C’EST UN REVE D’ENFANT DEVENU UNE REALITE »

Et le stage chez Direct Energie, tu l’attendais ?
Forcément, en étant au Vendée U, ça devenait un objectif. Au Tour du Limousin, j’ai pu toucher du bout des doigts ce monde qui m’a toujours fait rêver. C’est un rêve d’enfant. Il y a quelques années, c’était encore un rêve, c’est vraiment devenu une réalité quand j’ai couru en DN1 et encore plus au Vendée U.

Où te vois tu dans 5 ou 10 ans ?
Je serai dans le vélo. C’est ma passion et je continuerai quoiqu’il arrive. Avec mes résultats, j’envisage la suite sereinement. Si je passe professionnel cet hiver, je sais que le plus dur reste à venir. Et puis après, je m’imagine entraineur. Je continuerai à rouler en 2e ou en 3e catégorie !

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