Pierre-Maurice Courtade : « Si on n’est pas là… »

Crédit photo Zoé Soullard - DirectVelo

Crédit photo Zoé Soullard - DirectVelo

Le podium de la première édition de la Maurienne Classic (1.2) a de la gueule. L’épreuve aux 4400 mètres de dénivelé a vu la victoire de l’Australien Matthew Dinham, devant l’Italien Davide Piganzoli et son coéquipier Samuel Jenner. Mais la course d’une journée qui a succédé en avril dernier au Tour de Savoie Mont-Blanc est née dans la souffrance. Au départ de la Tour-en-Maurienne, il y avait un plateau famélique de neuf équipes pour à peine 56 coureurs. De quoi mettre la larme à l’oeil à ceux qui ont connu l’ancien Tour de Savoie Mont-Blanc, alors l’une des Classe 2 les mieux organisées de la saison. Patron de la course depuis 2020, Pierre-Maurice Courtade a essuyé ces derniers jours de nombreuses critiques. Il fait le point avec DirectVelo.

DirectVelo : La Maurienne Classic s’est élancée avec neuf équipes et 56 coureurs…

Pierre-Maurice Courtade : Je le vivais moyennement bien jusqu'à hier. Il faut essayer de comprendre pourquoi. Mais quand je vois la course d’aujourd’hui… J'ai parlé avec le directeur sportif de Tudor qui me disait : "Hier, on se demandait ce que la course allait donner avec juste neuf équipes et en fait, la course a été magnifique”. Mais bien sûr avec le recul, on ne peut pas s'en satisfaire. Mais on connaît les raisons.  

Quelles sont-elles ?

C'est difficile d'organiser une classique à cette période car le calendrier est complet. Le parcours était peut-être un peu trop exigeant et on voit que dans la composition des équipes, les N1 n'ont pas les moyens. J'ai une opinion et on m’en voudra peut-être mais tant pis. Aujourd'hui, pour les clubs de N1, c'est super difficile de venir faire une classique. Je m'en suis rendu compte là en fait. Un club que je ne nommerai pas me dit : "Désolé, on ne viendra pas car aller courir plus loin nous coûte moins cher que de courir une classique, avec la prise en charge de nos hébergements”. On a un souci aujourd'hui, ce n'est pas évident, j'en parlais avec le président du collège des commissaires. On n'a pas plus de demandes que ça. Sur les 15 derniers jours, j'ai essayé d'appeler des équipes et elles m'ont dit qu'elles n'ont pas les coureurs pour venir. Il y a une vraie question à se poser en Classe 2. 

« ÉNORMÉMENT DE DIFFICULTÉS À SORTIR CETTE COURSE »

N'y-a-t-il pas eu des erreurs de votre part, notamment sur la communication ?
On a eu énormément de difficultés à la sortir, cette course. Je ne veux pas qu'on communique sur des choses qu'on ne peut pas faire. Par exemple, communiquer un parcours était impossible car on a eu la réponse de la préfecture il y a dix jours. Le simple petit tronçon de la départementale, on ne pouvait pas l'utiliser. Il y avait un décret ministériel qui l'empêchait. Il a fallu batailler et on a réussi… On aurait certainement pu communiquer davantage. On fera notre debriefing pour savoir comment on peut améliorer ça. C'était surtout cette transition d'un tour à une classique qu'il fallait appréhender. Hier soir, j'étais plus inquiet qu'aujourd'hui.

As-tu pensé à annuler la course ces derniers jours ?
Pas ces derniers jours, mais il y a deux mois oui. J'ai vu des critiques me concernant sur les réseaux sociaux. Les gens oublient vite certaines choses. Il y a deux ans, si on n'est pas là, il n'y a pas de Tour de Savoie Mont-Blanc. On a décidé de le faire et on a perdu énormément d'argent. L'année dernière, on a recommencé à tomber dans une zone de vigilance avec le Covid. Ça nous a de nouveau coûté de l'argent parce qu'on ne peut pas anticiper les choses. On a eu deux années très dures financièrement. On n'aurait pas pu se permettre une troisième. Ce sont les raisons qui ont fait. Ce qui est certain pour moi, c'était d'aller jusqu'au bout. Il y a deux mois, je me suis grandement posé la question. Sur une Classe 2, tu ne gagnes pas de sous. Le Tour de la Provence, tu peux le valoriser, il évolue très bien, ça devient du business. Là, on en est loin.

« JAMAIS AVOIR DE REGRETS »

Tu ne regrettes pas d'avoir repris la course ?
Non. Bernard Tapie m'a fait devenir organisateur. Il m'a dit qu'il ne faut jamais avoir de regrets. Je pense qu'il a vraiment raison. Je n'ai aucun regret. Cette course est magnifique, le Tour de Savoie Mont-Blanc l'était également, à nous de trouver le mécanisme. Quand on a décidé de passer en classique, la toute première personne que j'ai appelée est Patrice (Pion) et non les élus. Je lui ai dit : "qu'est-ce que tu en penses ?" Il m'a répondu "oui, tu as raison, ça devient peut-être compliqué". Il faut savoir que c'est une course où on n'a pas le soutien des forces de l'ordre. On paie 5000 euros pour sept gendarmes. Ils ne peuvent pas faire autrement parce qu'avec cette date, il n'y a pas de forces de l'ordre. Aujourd'hui, faire un tour dans cette région-là, c'est beaucoup plus dur que dans le sud.

Mais la date, c’est vous qui l’avez choisie...
Non. Quand on la reprend en 2020, tu as le Covid. Quand je vois des critiques hier soir... Quand on est là en juin 2020, on peut garder la date. On ne la fait pas et je ne perds pas 200 000 euros. Je suis très bien, je reste chez moi tout l'été et je pars en vacances. La date a changé pour cette raison-là. L'année dernière, on m’a dit de rester à cette même date. On essaie mais on s'aperçoit qu'il y a plein de complexités. Premièrement, il y a le problème de l'hébergement, c'est quelque chose de fou. Lundi, on espère avoir trouvé une nouvelle date pour 2023 et que ça se confirme.

« PAS DU TOUT CE QU’ON VEUT FAIRE »

Quel est l’avenir de cette course ?
L'avenir, c'est d'optimiser. Ce samedi, on est très satisfaits, on est contents mais ce n'est pas du tout ce qu'on veut faire. Il faut être lucide. Aujourd'hui, ce qui était important, c'est de voir si les bases sont là ou non. Ce soir, je peux le dire, les bases sont plus que là. C'est la première fois sur un territoire où j'ai des élus qui sont autant concernés. Ce matin, les élus ont mis les tables sur la ligne d'arrivée. Ils ont fait la course avec moi. Ils me disent, on va essayer et changer telle ou telle chose. C'est ça qui est bien. Les élus ne vont pas attendre janvier. On va se rencontrer en septembre. On va poser les bases. L'objectif l'année prochaine est d'optimiser tout ça. Déjà, on a inversé ce qu'on traverse depuis deux ans avec le Covid. On retrouve une course qui commence à avoir du potentiel et à pouvoir se développer.

Ces derniers jours, certains ont dit que tu avais tué le Tour de Savoie-Mont-Blanc. Qu’as-tu envie de leur dire ?
On ne peut pas être satisfait de lire ça, on le vit mal. Quand je vois certaines personnes.... Il y a 5000 abonnés sur la page Facebook de la course. Il y a 26 commentaires dont ces quatre personnes qui ne font plus partie de l'organisation. Il faut relativiser tout ça. Après, je comprends les gens qui sont déçus car ce n'est plus ce qu'ils ont connu. Mais est-ce que le gars qui a gagné le Tour de France il y a 20 ans se retrouve aujourd’hui dans le Tour de France ? J'organise le Grand Prix de France de Formule 1. Est-ce que le gars qui a suivi la carrière de Prost se retrouve dans celle de Verstappen ? Je ne pense pas. Je trouve que c'est juste dur car rien ne me pousse à le faire. Je n'ai aucun intérêt à prendre ça. Ça fait deux ans qu'on aurait pu dire non. Beaucoup l'ont fait et ont eu raison parce que derrière, c'est dur et il faut l'assumer. Ça te touche parce tu en chies et tu as envie de leur dire "venez". On a remplacé certaines personnes à certains postes de l'organisation. Je ne veux cibler personne pour ne pas que ça aille encore dans tous les sens sur les réseaux. Tu as des jalousies etc... Ce qui était marrant, c'est qu'une des personnes qui nous a critiqués hier nous a envoyé ce matin un super message pour nous féliciter de cette belle course. C'est vrai que ça t'empêche de dormir mais c'est la vie. Avec Bernard Tapie, je me suis lancé là-dedans, et lui, il n'y a pas que des gens qui l'ont aimé. Il faut relativiser et apprendre à vivre avec ça.

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