Alexys Brunel et Bas Tietema, si proches et si loin dans la galère

Crédit photo James Odvart - DirectVelo

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Le visage plein de poussière, Alexys Brunel et Bas Tietema ont été les deux derniers à couper la ligne du vélodrome de Roubaix. Le Français d'UAE Team Emirates en a terminé 43 minutes et sept secondes après le vainqueur Dylan van Baarle (INEOS Grenadiers), tandis que le Néerlandais, en larmes, est arrivé encore 19 minutes plus tard (voir classement), soit une heure, deux minutes et vingt-et-une secondes après le vainqueur du jour, pour être précis. "Plus d'une heure de retard ? Ça fait beaucoup quand même, c'est un peu symbolique d'avoir un Néerlandais premier et dernier", lâche Bas Tietema, un peu gêné au micro de DirectVelo. Du coup, le sociétaire de Bingoal-Pauwels Sauces-WB ne comprenait pas trop les félicitations. "Je ne comprends pas pourquoi... D'accord, c'est Roubaix, mais je n'ai pas gagné, je termine mais je suis plus de trente minutes hors-délais (les délais étaient fixés à 26'58", NDLR). J'espérais quand même faire mieux". Alexys Brunel ne savait même pas qui avait gagné. "C'est Dylan van Baarle ? D'accord, j'aurais préféré quelqu'un d'autre. Mathieu Van der Poel, j'ai vu tout de suite qu'il était moins bien". Quand il a entendu qu'il s'agissait de « l'Enfer du Nord » le plus rapide de l'histoire (moyenne : 45,78 km/h), il était estomaqué. "Pardon ? Je pense que, pour moi, ce sera l'un des Roubaix les plus lents du monde", plaisante-t-il avant de reprendre son sérieux. "C'est le cyclisme moderne aussi, ça roule de plus en plus vite".

Il faut dire qu'avant même les premiers pavés, la course avait été rendue difficile avec cette bordure orchestrée entre autres par la formation INEOS Grenadiers, piégant des favoris comme Mathieu Van der Poel, Wout van Aert ou Mads Pedersen. "J'avais encore de super jambes à ce moment-là", surprend Alexys Brunel, tandis que le Néerlandais était déjà dans le rouge. "Après trois heures de course, ça roulait comme dans un final de course alors que ça devait encore débuter. Les Alpecin-Fenix vissaient pour rentrer sur le premier peloton, l'allure était folle", concède-t-il.

LE MÊME PROBLÈME MÉCANIQUE

Dans le premier secteur pavé à Troisvilles, le Néerlandais a "pété" tandis que les ennuis mécaniques commençaient déjà pour Alexys Brunel, 6e d'un Paris-Roubaix chez les Espoirs par le passé. "Ma manette droite de guidon a complètement lâché et il n'y avait pas moyen de passer une vitesse. J'étais bloqué au 54-13 dans un secteur pavé montant. J'ai forcé, puis me suis retrouvé de plus en plus à l'arrière... J'ai changé de vélo, mais la pression des pneus n'était pas la même. Je me suis éclaté les mains. Arenberg était compliqué". Comme un symbole, Bas Tietema a rencontré le même problème quelques kilomètres plus loin. "Mon guidon a rendu les armes. Je me suis retrouvé dans un groupe de lâchés et puis, ce groupe s'est réduit, réduit, jusqu'à me retrouver tout seul". 

Alexys Brunel et Bas Tietema se sont retrouvés seuls à plus de 100 kilomètres de l'arrivée sans jamais se rejoindre. "Je ne sais pas combien de fois je me suis retourné en espérant voir quelqu'un... Et je n'ai jamais vu personne ! J'aurais voulu juste un gars, déjà rien que pour parler, « ça va ? Pourquoi t'es là ? ». J'ai appris qu'il y avait encore un gars à 15 minutes, mais lui, je ne voulais pas l'attendre, c'est mort !", explique Alexys Brunel. Ce coureur en question était... Bas Tietema. "Dans la Trouée d'Arenberg, c'était compliqué mentalement mais j'ai continué. J'ai eu des bidons des dernières voitures, de fans et de policiers. Ça m'a remotivé". Alexys Brunel a pu compter sur les supporters pour boire. "J'ai eu un seul bidon sur le bord de la route. Puis trois personnes m'ont sauvé avec du coca. J'étais trop heureux. C'était les meilleurs coca de ma vie. Sans caféine en plus, merci à cette personne !". Pour manger, il avait anticipé. "J'avais encore du ravito. Je planque tout dans ma poche, elles sont hyper pleines. Je déteste prendre les musettes". 

TOUT SAUF UNE CREVAISON

Alexys Brunel et Bas Tietema imploraient le ciel pour ne pas crever. "Étant seul, je n'avais pas la possibilité d'être dépanné. Avoir une crevaison aurait été la pire des fins. Dans le secteur du Camphin-en-Pévèle, j'ai entendu un bruit bizarre dans ma roue, j'ai cru que le pire allait arriver mais finalement, ça n'a pas craqué", narre Bas Tietema. Le Français avait encore la lucidité pour "rester au milieu du pavé pour limiter les risques. Je me disais aussi que tel ou tel secteur, je les connais, ils ne sont pas très durs, tu peux les passer... J'ai dû me motiver quand même". Étant de la région, le Nordiste savait en outre ce qui l'attendait, notamment dans le Carrefour de l'Arbre. "J'avais des copains à Camphin-en-Pévèle, j'avais la famille à la sortie de Mons-en-Pévèle, ma copine était là. C'était chouette de les voir ! Dans le Carrefour de l'Arbre, c'était incroyable. Ça m'a tellement poussé que je l'ai fait à bloc. Je me suis demandé si je n'étais pas un peu con sur le coup (sourire)". 

Très clairement pour Alexys Brunel, "si ça avait été n'importe quelle autre course, j'aurais bâché. Mais c'est Roubaix... J'ai trop d'amour pour cette course." Le Français attend avec impatience la prochaine édition. "C'est la course de mes rêves. J'espère que ça se passera mieux à l'avenir. Paris-Roubaix, ce n'est pas que la gloire, c'est aussi la galère". 

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