Thibault Guernalec : « Je n’y trouvais pas mon compte »

Crédit photo Nicolas Mabyle / DirectVelo

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L’air de rien, Thibault Guernalec est en train de changer de profil. Doucement mais sûrement, le bagage du coureur breton s'étoffe. Durant ses premières saisons professionnelles, son équipe Arkéa-Samsic l’a imaginé capable de bien figurer sur les courses du Nord, type Classiques, notamment du côté de la Belgique. Mais le coureur de 24 ans s’est découvert, l’an passé, des qualités inexplorées et de nouvelles envies, avec un appétit grandissant pour la montagne. Non pas avec la prétention de pouvoir un jour devenir un grand grimpeur, mais bercé par la conviction d’être capable de jouer le classement général sur de belles courses par étapes d’une semaine tout en se portant candidat à devenir un équipier dit “de luxe” pour ses leaders sur les plus grosses courses du calendrier mondial. Cette évolution progressive, il l’a mise en évidence le week-end dernier en décrochant un accessit intéressant au sommet du Mont Bouquet, lors de l’Étoile de Bessèges (2.1). Ce résultat, couplé à un très solide contre-la-montre (5e), le lendemain, aurait pu lui permettre de décrocher un très bon classement général s’il n’avait pas été gêné par une chute dès le premier jour. Voilà en tout cas de quoi le conforter dans ses idées. Et c’est prometteur. Entretien.

DirectVelo : Tu as réalisé un week-end solide sur l’Étoile de Bessèges ! T’es-tu surpris dans le Mont Bouquet ?
Thibault Guernalec : Oui, je me suis surpris. Cela dit, j’ai travaillé pour. Depuis un an, j’essaie de m’améliorer en montagne, j’ai d’ailleurs fait plusieurs stages en altitude avec cet objectif. Je sens que je prends de plus en plus le coup de pédale dans les ascensions. Quand je suis en forme, ça se passe bien. Sur le Mont Bouquet, j’ai aussi sûrement été aidé par le fait de prendre la bonne roue, celle de Benjamin Thomas. Il aime les efforts lissés dans les montées, comme moi. Je dois avouer que c’était grisant de voir de grands noms s’écarter avant moi dans le groupe des favoris (Richard Carapaz ou encore Thibaut Pinot, NDLR). C’est toujours bon pour le moral, ça fait plaisir et ça motive. Au final, j’ai pu décrocher un accessit (voir classement). C’est pas mal.

En tant que pur rouleur qui se plaît dans les ascensions, tu as dû beaucoup apprécier le chrono final, entre le centre-ville d’Alès et le sommet de l’Ermitage ?
J’aime bien les contre-la-montre vallonnés mais l’an dernier, j’ai vu et senti que j’étais également capable de performer sur les chronos tout plat, où il faut vraiment être puissant. C’était le cas à Valence (3e) ou au Tour de Belgique (6e). Tout me va. J’ai l’impression de pouvoir espérer des résultats convenables sur tous les types de chronos, sans prétention aucune.

« JOUER LE GÉNÉRAL DE COURSES D’UNE SEMAINE »

Si tu n’avais pas été piégé par les bordures le premier jour, tu aurais potentiellement pu décrocher un excellent résultat au classement général !
J’ai des regrets car je n’ai pas vraiment été piégé. Il y a eu une chute et j’ai dû poser le pied à terre. J’ai tout juste eu le temps de rentrer sur la queue du peloton mais c’est à ce moment-là, justement, que ça a cassé. Il était impossible de remonter 30 ou 40 mecs en file indienne, même en ayant les jambes. Honnêtement, je pense que j’avais les cannes pour être devant. C’est décevant mais en faisant les comptes, je me dis que je n’aurais pas pu jouer la gagne pour autant. J’aurais sûrement fini 5e du général, environ, je pense. Donc ça laisse malgré tout moins de regrets que si ça m’avait empêché de jouer la victoire.

Tu expliques avoir fait le choix de te perfectionner en montagne : dans l’optique de jouer le classement général sur des courses par étapes d’une semaine ou avec l’idée de devenir l’un des lieutenants des leaders de l’équipe sur les plus grosses épreuves WorldTour du calendrier ?
Déjà, je pense en effet être capable de jouer le général de courses d’une semaine. Pas forcément au plus haut niveau, mais en Classe 1 et en ProSeries. Je pense donc à Bessèges mais aussi à une course comme le Tour d’Algarve, que je vais refaire dans quelques jours (6e du général en 2021, NDLR). Sur la plupart de ces courses-là, il y a un chrono mais aussi des arrivées en bosse ou de petits cols. Il faut donc être capable de se débrouiller dans les ascensions si on veut jouer le général, c’est obligatoire. Mais c’est vrai, aussi, que je pourrais me transformer en équipier pour les grimpeurs de l’équipe.

« J’AIMERAIS DÉCOUVRIR UN GRAND TOUR »

Tu viens de débuter ta quatrième saison complète chez les pros. Qu’est-ce qui t’a poussé à opérer ce changement de cap ?
Je crois que la réflexion est née dans ma tête au moment de Tirreno-Adriatico, l’an passé. Je me suis rendu compte, à ce moment-là, que je pouvais me faire plaisir en tant qu’équipier sur des étapes dures. Je sais bien que je ne vais pas jouer dans le dernier col quand la guerre est déclarée entre les favoris. Mais j’ai envie d’accompagner Nairo (Quintana) ou Warren (Barguil) le plus loin possible. C’est un rôle intéressant et plaisant qui te permet de te battre pour de grands noms, des coureurs qui peuvent jouer la victoire régulièrement. Et ça peut aussi être l’occasion de participer aux plus grandes courses. D’ailleurs, j’aimerais découvrir un Grand Tour cette saison.

Jusqu’à présent, tu ne t’étais pratiquement jamais retrouvé dans ce rôle. Pourquoi ?
En tant que bon rouleur, l’équipe a considéré que j’étais capable de marcher sur les courses belges, notamment. Mais je n’y trouvais pas mon compte et c’est devenu de plus en plus évident qu’il fallait changer cette façon de faire. Il me manquait quelque chose. J’en ai parlé avec le staff en leur disant que je voulais me tourner vers un autre type de courses. Plutôt qu’un pur rouleur, j’ai ressenti l’envie de devenir une sorte de “rouleur-grimpeur”. C’est le meilleur moyen de me faire plaisir et d’être performant. En tout cas, je le ressens de cette façon. Maintenant, je vais devoir trouver le bon équilibre. L’idée n’est pas de perdre trop de poids et donc de puissance. Si c’est pour aller faire 10e en haut d’une bosse mais perdre mes qualités sur le chrono, ce n’est pas la peine. Je pense avoir d’ores-et-déjà trouvé le bon compromis. Je vais continuer en ce sens.

« IL NE FAUT PAS SE DISPERSER »

Après le Tour de Murcie et la Clasica de Almeria, tu retrouveras une course par étapes similaire à Bessèges lors du Tour d’Algarve. Avec, encore, des ambitions ?
La situation sera différente car Warren (Barguil) sera là. Il ne faut pas se disperser. Je peux avoir des ambitions sur certaines courses mais je suis d’abord là pour aider les leaders de l’équipe. Le but au Portugal, ce sera de l’aider le plus longtemps possible. Mais je m’appliquerai aussi à faire un bon chrono.

Cet hiver, tu t’es fait enlever une plaque dans le fémur que tu avais depuis septembre 2020. Faut-il y voir un autre élément de réponse à ta solide reprise des compétitions ?
Cette plaque ne me faisait pas mal alors s’il y a une évolution, elle n’est pas physique mais uniquement psychologique. Pour autant, c’est vrai que je ne me pose plus la question de savoir si je vais tomber sur la hanche et donc sur la plaque. J’avoue que ça me faisait peur. Peut-être qu’inconsciemment, ça me freinait un peu. Maintenant, je n’y pense plus du tout. C’est derrière moi et c’est une bonne chose de faite. 

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