Cofidis : « Être stratèges » pour décrocher l'Étoile

Crédit photo Nicolas Mabyle / DirectVelo

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Alain Deloeuil est un homme satisfait et il a vraiment de quoi l’être. Depuis deux jours, le directeur sportif de l’équipe Cofidis a vu les deux recrues phares de la WorldTeam nordiste l’emporter tour à tour à Rousson puis à Bessèges, sur les routes de l’Étoile du même nom. Bryan Coquard et Benjamin Thomas ont réalisé deux jolis numéros mais la (déjà) riche semaine des rouge-et-blanc est encore loin d’être terminée. Un maillot de leader est désormais à défendre, et une victoire finale - trois ans après celle de Christophe Laporte - est devenue clairement envisageable. Entretien.

DirectVelo : Voilà un bien joli début de saison pour l’équipe Cofidis !
Alain Deloeuil : Oui, on est en train de vivre ce qu’on vit parfois, c’est-à-dire une réussite totale. C’est bon à vivre. Dans le monde du sport de haut-niveau, il y a des moments de galère, des moments sans rien de particulier et des moments de grâce. On est en plein moment de grâce et il faut en profiter. 

« JE CROIS QUE BENJAMIN (THOMAS) EST LUI-MÊME EN TRAIN DE SE DÉCOUVRIR »

Benjamin Thomas affiche une grande condition depuis sa rentrée sur le Grand Prix de Marseille-La Marseillaise, dimanche dernier, et il s’est montré particulièrement impressionnant ce vendredi…
Il est en jambes. Avant l’épreuve, il avait spécifiquement coché cette troisième étape. Il nous l’avait dit, à Jean-Luc Jonrond et moi. Il voulait faire quelque chose sur l’étape de Bessèges, qu’il connaissait bien. On en avait pris note, c’était bon à savoir (sourire). Après ce qu’il avait fait sur les deux premières étapes, il s’était retrouvé placé au général et du coup, on ne l’imaginait pas vraiment pouvoir faire quelque chose aujourd’hui (vendredi). On s’était dit qu’il n’aurait pas de marge de manœuvre mais surtout, il ne fallait pas faire n’importe quoi et penser au général. Honnêtement, je n’avais pas imaginé qu’il fasse un tel numéro. On lui avait simplement dit de suivre certains coureurs costauds si ça bougeait et c’est ce qu’il a fait sur le haut de la dernière bosse en prenant la roue de Pierre Latour. Il n’est pas maladroit dans les descentes alors il a poursuivi son effort. Puis plus personne n’a pu l’arrêter quand il s’est lancé dans sa poursuite de trois kilomètres (sourire). Il a clairement profité de ses qualités de pistard et a remarquablement joué le coup.

Il semble déjà épanoui chez Cofidis…
Il m’épate. Il m’a surpris sur la 2e étape dans cette montée finale. En fait, c’est un coureur que l’on ne connaît pas très bien et que l’on continue de découvrir car dans son équipe précédente (Groupama-FDJ, NDLR), il était un peu cadenassé. On n’a pas véritablement de leader alors on donne sa chance à celui qui est devant. Chez nous, on a l’impression qu’il se libère. On le découvre mais je crois que Benjamin est lui-même en train de se découvrir.

Benjamin Thomas a également évoqué son envie de participer au prochain Tour de France. Avec ce qu’il est en train de réaliser, peut-on d’ores-et-déjà affirmer qu’il va faire partie des piliers de l’équipe Cofidis tout au long de la saison 2022 ?
On l’espère ! Benjamin fait déjà partie d’une liste élargie de candidats à une participation au prochain Tour de France. Il ne l’a encore jamais fait. Il est clairement en train de confirmer qu’il aurait sa place dans les plus grosses courses du calendrier. Il risque d’éclater cette saison s’il continue sur cette lancée.

« C'ÉTAIT IMPORTANT QUE BRYAN (COQUARD) GAGNE RAPIDEMENT »

Ce succès d’étape intervient 24h après celui de Bryan Coquard !
C’est une victoire qui a fait plaisir à beaucoup de monde, me semble-t-il. Bryan a répondu à la pédale à certaines critiques et c’était la meilleure façon de le faire. On espérait déjà qu’il gagne à Marseille mais il y a eu un petit couac dans le plan pré-établi. Tout ne s’était pas déroulé comme prévu car un coureur n’a pas forcément respecté la consigne.

On imagine qu’il s’agit de Guillaume Martin, qui a fait un joli baroud dans le final ?
Oui, ce n’était pas le plan qu’il tente sa chance de la sorte. Il n’avait pas à aller chercher (Diego) Ulissi à ce moment-là, ce n’était pas utile. On avait une autre idée en tête. Mais tant pis, c’est déjà du passé et il n’y a plus besoin d’en parler.

Bryan Coquard était dans une grande période de doute et on imagine qu’il était important de stopper l’hémorragie au plus vite ?
Totalement ! C’était important que Bryan gagne rapidement, pour lui mais aussi pour la confiance de ses équipiers qui travaillent et qui continueront de travailler pour lui. Quand on est sprinteur et qu’on ne gagne pas, on cogite. C’est comme pour un avant-centre qui ne marque pas en football. Cette victoire fait beaucoup de bien à tout le monde et va nous aider à avancer paisiblement.

« IL RISQUE D’Y AVOIR DES SURPRISES »

T’a-t-il surpris ?
Il nous avait dit, pendant l’étape, qu’il se sentait bien mais j’admets que comme il n’avait pas gagné depuis longtemps, je ne l’imaginais pas forcément être capable de gagner là-haut car c’était une arrivée vraiment dure. On peut dire qu’il a retrouvé sa giclette et toute sa confiance. Il avait une envie d’assassin. C’est super que ça marche aussi vite.

Ces deux victoires d’étapes consécutives étaient aussi le plus beau des hommages que l’équipe pouvait rendre à Bernard Quilfen, récemment décédé…
Bernard était un ami. J'ai débuté avec lui et Cyrille Guimard. J'ai passé de merveilleux moments avec lui. On ne le citait plus forcément souvent depuis qu'il avait pris sa retraite mais il y aurait tellement d'anecdotes joyeuses à raconter ! C'est une grande perte pour nous. Le monde du vélo pleure quelqu'un de passionné, d'adorable et de charmant. Bernard, c'était même plus que ça, c'était un père. On lui a rendu un bel hommage sur la ligne de départ.

L’Etoile de Bessèges est déjà réussie mais elle n’est pas encore terminée. D’ailleurs, Benjamin Thomas va prendre le départ de la 4e étape avec le maillot corail de leader sur le dos. Comment imagines-tu le week-end à venir ?
On pense forcément à la victoire finale. Pour l’instant, on prend un tout petit peu le temps de savourer ces deux victoires d’étapes. Bryan s’est remis sur les bons rails et a fait taire les mauvaises langues, et Benjamin a aussi montré tout son potentiel. Maintenant, place au Mont Bouquet. On sait que c’est très dur. Avec Jean-Luc Jonrond, on est allé le reconnaître en fin de journée (vendredi) car personnellement, je ne connaissais pas cette montée. Il risque d’y avoir des surprises. J’ai confiance en les capacités de Benjamin. Il pourra aussi compter sur un effectif solide : Jesus Herrada a attrapé la Covid fin décembre mais il s’est bien remis, Rémy Rochas fait un travail d’équipier remarquable, il chatouille les pédales, et notre autre petit nouveau, Alexandre Delettre, fait du bon boulot lui aussi. On a une équipe capable de cadenasser la course. On va faire le maximum pour se défendre. Il faudra être stratèges. On sait qu’il y a encore des adversaires solides capables de nous empêcher de gagner. Rien n’est fait.

 

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