CC : Une Coupe du Monde trop fournie ?

Crédit photo Alexis Dancerelle - DirectVelo

Crédit photo Alexis Dancerelle - DirectVelo

La Coupe du Monde de cyclo-cross 2021-2022 s'est terminée ce dimanche, à l'occasion du GP Adrie Van Der Poel à Hoogerheide (Pays-Bas). Cette épreuve était la quinzième et dernière manche du classement de régularité. Initialement, elle devait être la seizième mais après l'annulation du cross de l'Escaut à Anvers (lire ici), seules quinze manches étaient au programme. Comment les équipes ont-elles vécu cette Coupe du Monde longue de quatre mois ? DirectVelo tire, en compagnie de plusieurs interlocuteurs, le bilan de cette première Coupe du Monde "réformée" par Flanders Classics.

Lucinda Brand et Eli Iserbyt ont deux points communs. Le premier : ce sont les vainqueurs finaux de la Coupe du Monde de cyclo-cross 2021-2022. Le second : ils sont en tête du classement mondial. Quoi de plus logique de les voir gagner le classement de régularité le plus prestigieux ? "La Coupe du Monde a amené deux beaux vainqueurs. Il y a une logique dans le classement, c'est valorisant pour les coureurs qui l'ont emporté", souligne auprès de DirectVelo François Trarieux, le sélectionneur français. En revanche, son homologue batave, Gerben De Knegt, trouve lui que la Coupe du Monde a "perdu de son charme. Vous voyez maintenant que la dernière manche est moins importante. Auparavant, la victoire finale était souvent en jeu à Hoogerheide, mais ce n'est plus le cas", déclarait-il à Wielerflits en fin de semaine dernière. En effet, Eli Iserbyt et Lucinda Brand étaient assurés de gagner avant la finale.

« SEIZE (MANCHES), C'EST TROP »

La différence de suspense entre les catégories Elites et de jeunes est en partie liée au nombre de manches. En ne prenant pas en compte l'annulation de la manche anversoise, on en dénombre seize "chez les grands". Est-ce de trop ? "De nombreuses manches de Coupe du monde, c’est bien pour pouvoir se confronter au niveau mondial", déclare l'ex-Championne de France Amandine Fouquenet. "Il y a peut-être un peu trop de dates, mais je peux comprendre la volonté de l'UCI d'avoir un calendrier fixe avec des manches de Coupe du Monde et de pouvoir donner de la densité aux autres nations. Ça ouvre la possibilité de faire découvrir des nouvelles épreuves aux étrangers, et particulièrement en France avec les manches de Besançon et Flamanville. On a su rappeler que l'on était capables d'organiser de très belles manches en France", enchaîne François Trarieux.

D'autres avis sont toutefois plus nuancés, voire tranchés. "Avec l'enchainement de la saison de VTT, ce n'était pas évident", précise Hélène Clauzel (AS Bike Cross Team), qui a participé à 14 des 15 manches disputées. "Il y a plusieurs choses auxquelles penser. Pourquoi ne pas garder le même nombre de manches mais laisser des jokers, que toutes les manches ne comptent pas. Ça peut être une solution. Sinon, une dizaine de manches suffisent". Son manager, Guillaume Annoye, trouve aussi qu'il faut réduire le nombre de rendez-vous. "Seize, c'est trop. Ça nous oblige à faire l'impasse sur, par exemple, une manche de Coupe de France ou d'autres belles courses qui sortent des talents chaque année. Les coureurs en ont aussi besoin. De plus, la première année que nous sommes arrivés sur une Coupe du Monde, nous étions ébahis. Désormais, c'est une habitude. Je ne retrouve plus cette ferveur de la Coupe du Monde". Sven Nys, manager de Baloise Trek Lions et adversaire déclaré de l'étalement de la Coupe du Monde depuis le début, veut réduire la voilure. "Il y a beaucoup trop de manches. À mes yeux, la qualité des manches de Coupe du Monde diminue car il y en a énormément. La formule précédente, avec huit à dix manches, était parfaite". Adrie Van der Poel, de son côté, rappellait dimanche auprès de VTM que "le classement doit rester atteignable". Cette saison, toutes les manches entraient en ligne de compte pour le classement final. Pour gagner, il fallait donc participer à un maximum de manches, pour rapporter un maximum de points.

DES CHOIX STRATÉGIQUES

Cette densité du calendrier engendre des choix dans les équipes. Si Eli Iserbyt est l'un des rares à avoir pris part à l'entièreté du calendrier avec la volonté que "c'était faisable", comme il le déclarait à DirectVelo, nombreux sont ceux, ou celles, qui ont fait l'impasse sur plusieurs déplacements. Accomplir la totalité du calendrier de la Coupe du Monde relève alors du défi, comme le présente François Trarieux. "Hélène Clauzel a quasiment roulé tout le calendrier, ça lui fait un hiver très chargé. Seules des filles bien encadrées et quasiment professionnelles peuvent se le permettre. Pour les jeunes Belges ou Néerlandais, ça peut passer car ils ont quasiment tous les cross à proximité. Mais pour une fille comme Line Burquier par exemple, ce n'est pas possible. C'est aussi pour ça que ça engendre des choix". Hélène Clauzel reconnaît que "quand on est pro, c'est beaucoup plus facile. Je m'en suis rendu compte cette année. Je me sens beaucoup plus fraîche à cette période de la saison que l'année dernière. Si on répartit bien ou si on met des manches joker, ça peut être sympa".

Lucinda Brand, malgré sa victoire finale, était absente à Val di Sole et Flamanville. "Les coureurs ne trouvent plus la place dans le calendrier pour prendre du repos. Ici, on voit que Lucinda remporte le classement général sans disputer certaines manches. L'an prochain, on fera à nouveau des choix, et on n'ira toujours pas aux 14 ou 16 courses", prévient déjà son manager Sven Nys, suivi par son coureur Lars van der Haar. "L'année prochaine, il y aura encore des manches avec un plateau plus faible, j'en suis sûr. Si l'UCI veut quatorze manches de Coupe du Monde, ça détruira le sport et rendra le classement moins important. De cette manière, vous commencez à annuler des déplacements et à vous concentrer sur les courses qui vous conviennent". Une situation que regrette François Trarieux : "Si on veut que la Coupe du Monde ait de la valeur, il faut que tout le monde joue le jeu. Quand on regarde le plateau chez les Femmes à Flamanville, l'organisateur a de quoi être un peu déçu. On fait toujours l'effort de venir chez les autres, alors les autres doivent aussi venir chez nous".

UNE MEILLEURE RÉPARTITION DES CROSS

Alors, outre la réduction du nombre de manches, quelles autres solutions proposent les coureurs et managers ? François Trarieux en avance une : "Je suis plutôt partisan de libérer deux ou trois week-ends dans l'année. Ça pourrait permettre d'éviter des concurrences avec d'autres classements, comme pour nous avec la Coupe de France". En effet, Quelneuc s'était retrouvé face à Zonhoven, Bagnoles-de-l'Orne face à Tabor et Troyes face à Val di Sole. De plus, "enlever deux ou trois manches laisse le temps aux coureurs de se préparer et d'avoir des périodes de repos, et aussi pour préserver leur santé. Les Français, en particulier, ont passé beaucoup de temps sur la route comparé aux Belges et Néerlandais. Regrouper des manches sur un même week-end serait peut-être alors une bonne idée, tout en espaçant d'autres manches. Ça donnera plus de valeur encore à la Coupe du Monde", résume-t-il.

Lucinda Brand, elle, reste favorable à l'internationalisation mais propose d'améliorer le calendrier. "Ce serait bien de pouvoir garder autant de manches à l'étranger qu'actuellement. Pourquoi ne pas réfléchir à profiter de ces quelques longs déplacements pour disputer des épreuves sur place. De cette manière, ça vaudra davantage la peine de se déplacer". Hélène Clauzel ne s'oppose pas non plus à des voyages à l'étranger. "J'ai entendu qu'ils allaient essayer d'en faire dans tous les pays et c'est très bien. Le cyclo-cross, ce n'est pas qu'en Belgique et aux Pays-Bas. Il y a la Suisse, la France, l'Espagne, l'Autriche... On peut faire des belles choses en Europe, ça peut être sympa". Eli Iserbyt, vainqueur de la Coupe du Monde, n'est pas dérangé par les déplacements. "Voyager dans d'autres pays, ça fait partie du job. Ce n'est pas grand chose par rapport à être au travail du lundi au vendredi. Voir des pays étaient enrichissants. Pour moi, seize manches n'étaient pas de trop : ça me donne la possibilité d'en remporter beaucoup", plaisante-t-il, avant de reprendre son sérieux. "Ce qu'il y a à améliorer, c'est le système de primes et de revenus pour que chaque coureur veuille disputer cette compétition".

LA COUPE DU MONDE IDÉALE : DE HUIT À DOUZE MANCHES

À quoi ressemblerait alors la Coupe du Monde idéale ? Sven Nys se prête au jeu : "Elle doit regrouper la plus belle course de chaque pays. On ne doit pas courir six ou sept fois en Belgique... Une ou deux fois, c'est suffisant. Les autres semaines, il faut aller dans les autres pays pour promouvoir ce sport. C'est à mes yeux le rôle de la Coupe du Monde". Les déplacements hors de Belgique ne poseraient pas problème. "S'il n'y a qu'un total de huit à dix manches, ce n'est pas grave. Les équipes sont prêtes à investir pour ça". Adrie Van Der Poel, lui, partirait sur un programme de douze courses : "Huit d'entre elles seraient organisées par Flanders Classics, et il y a ensuite de la place pour quatre autres cross qui peuvent le faire à leur manière, éventuellement sous la supervision de Flanders Classics. La Coupe du monde veut être le classement le plus important, il faut donc se distinguer par l'emplacement, le parcours, les parkings". Guillaume Annoye pense de son côté que la formule s'établirait sur "neuf à dix manches. Ce serait un bon compromis. Les phases de récupération sont très limitées. Je préfère une Coupe du Monde avec des cross bien répartis sur le territoire, bien positionnés au niveau des dates et je suis certain que ça aurait de l'influence sur les résultats". Il reste à attendre le lever du voile sur le calendrier de la saison prochaine. Flanders Classics a d'ores et déjà promis un programme de quatorze épreuves.

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