Pas tous les jours dimanche pour le Championnat du Monde

Crédit photo Freddy Guérin - DirectVelo

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Le Centenaire du Championnat du Monde sur route cette semaine doit beaucoup à la piste. La création du Championnat du Monde sur route Amateurs en 1921, décidée par le Congrès de l'UCI en 1920, n'a tenu qu'à une "chaude discussion".

Au congrès d'Anvers à l'ouverture du Championnat du Monde 1920, la fédération hollandaise propose de modifier le Championnat du Monde Amateurs de fond disputé sur piste derrière motos en une course de 50 km sans entraîneur mais toujours sur piste. Depuis sa création en 1900, l'Union cycliste internationale a repris les Championnats du Monde sur piste instaurés par l'International Cyclist Association en 1893. Le programme du Championnat du Monde se résume alors aux deux Championnats du Monde de vitesse (pro et amateurs) et les deux courses de fond derrière motos. Les congressistes sont d'accord pour supprimer la course derrière motos des Amateurs mais la majorité vote pour la déplacer sur la route, et toujours sans entraîneur ni soigneurs, sur une distance de 150 à 200 km, avec quatre coureurs par pays au départ. Le choix de la course sans entraîneur (c'est à dire sans cyclistes ou motocycliste pour abriter le coureur dans son sillage) ne va pas encore de soi à cette époque. Par exemple, le Championnat de France sur route 1921 est encore couru derrière entraîneurs cyclistes (lire ici).

LA COURSE SUR PISTE DEPLACÉE SUR LA ROUTE

La fédération anglaise saisit la balle au bond et propose de faire la même chose pour les pros. Le Congrès refuse. Il faut dire que la finale du demi-fond remplit les tribunes du vélodrome qui organise le Championnat du Monde et donc aussi ses caisses. Voilà comment est né le premier Championnat du Monde sur route, comme un gourmand jailli du pied-mère du Championnat du Monde sur piste. C'est pourquoi les congressistes de 1921 auraient bien du mal à comprendre qu'on parle de centième anniversaire cent ans plus tard. Pour eux, le Championnat du Monde ne fait qu'un avec les épreuves sur piste et l'épreuve sur route. Et jusqu'en 1995, les Championnats du Monde route et piste seront attribués au même pays et auront lieu dans la foulée l'un de l'autre.

Pourtant les Championnats nationaux sur route existent déjà (depuis 1907 en France par exemple). En 1910, Henri Desgrange avance ses pions pour organiser le Championnat du Monde sur route. Mais reste à se mettre d'accord sur la formule. L'Auto propose de le disputer dans le cadre d'une course existante, plutôt en France et pourquoi pas dans une course par étapes, le Tour de France organisé par... l'Auto. Le Congrès de l'UCI accepte le principe d'un Championnat sur route mais la Belgique et l'Italie sont aussi sur les rangs pour le recevoir car l'idée à l'époque est d'organiser le rendez-vous mondial sur un parcours régulier tous les ans. En juillet 1910, la France propose Paris-Bordeaux, la Belgique Paris-Bruxelles et l'Italie, Gênes-Nice. Personne ne se met d'accord, alors on reste sur le statu-quo du Championnat du Monde professionnel de fond sur piste derrière motos.

LE DIMANCHE POUR LES SPORTS QUI RAPPORTENT

Le Championnat du Monde sur route doit alors trouver sa place dans le programme du "meeting" de l'UCI. Le premier et le dernier dimanche sont réservés aux sports "payants" : la vitesse pro et le demi-fond pro. En 1921, pour sa première édition, le Championnat du Monde des Amateurs est placé le mercredi. Puis ce sera le jeudi. C'est le cas en 1927 quand la course est ouverte aux pros sur proposition de l'Italie et l'Allemagne, approuvée par la France et la Belgique et refusée par la Suisse et la Grande-Bretagne. Les pays peuvent aligner six coureurs et deux suppléants, qui peuvent être aussi bien pros ou amateurs. La finale du demi-fond a lieu le dimanche suivant, comme le clou du spectacle.

L'année suivante en 1928, les deux courses pros et amateurs sont séparées mais ont lieu le même jour. L'UCI refuse la création d'un troisième Championnat du Monde pour les indépendants. Il était temps que la fédération internationale décerne un titre officiel sur route pour la catégorie reine car d'autres s'en chargeaient officieusement avec leurs propres règles. À partir de 1922, le Grand Prix Wolber, organisé par l'Auto, invite les trois premiers des grandes courses disputées et les Champions nationaux. Il se veut le Championnat du Monde sur route et il offre 15 000 F au vainqueur, une belle somme. Les coureurs portent le maillot de leur marque de cycles et le nombre de coureurs par pays n'est pas limité. Mais les Italiens boudent la course et pour faire venir Girardengo, il faut faire tomber les lires. Le Championnat du Monde de l'UCI sonne le glas de la tentative du Grand Prix Wolber. En 1967, la Gazzetta dello Sport proposera un système de sélection pour Championnat du Monde basé lui aussi sur les places dans les grandes courses du calendrier sans limite de coureurs par nation.

L'INNOVATION DU CIRCUIT FERMÉ

En 1929, la course sur route a lieu le samedi, le dimanche est toujours réservé à la finale du demi-fond qui fait toujours le plein. La formule des équipes nationales sur la route montre ses limites quand la course est disputée en ligne et pas contre-la-montre. Cette année-là à Zurich, le Français Marcel Bidot et le Luxembourgeois Nicolas Frantz n'oublient pas qu'ils sont le reste de l'année équipiers sous le maillot bleu-ciel d'Alcyon. Régulièrement, l'ambiguité de la formule par équipes nationales pour le Championnat du Monde refait surface mais régulièrement, cette formule est conservée.

En 1933, le Championnat du Monde est organisé en France. Le 15 août tombe un mardi et va permettre un enchaînement de "clou du spectacle" trois jours de suite :  dimanche finale de la vitesse pro, lundi courses sur route (amateurs et pros) et mardi finale du demi-fond qui fait encore un tabac au Parc des Princes. Mais les Français innovent. L'U.V.F., la fédération française, l'organise sur le circuit de Montlhéry qui reçoit déjà le Championnat de France. Le gros avantage de ce circuit fermé est de pouvoir faire payer le public : 10 F pour être autour du circuit, 20 F pour être en tribunes et 50F pour les loges. C'est le même tarif qu'au Parc des Princes pour la piste où pour 20 F on est assis en tribune couverte. À partir du moment où la course sur route peut rapporter de l'argent, il faut l'organiser un jour où le public peut facilement venir. En 1935, la course sur route a lieu pour la première fois le dernier dimanche sur le difficile circuit de Floreffe en Belgique.

LE MÊME PROGRAMME PENDANT 60 ANS

L'édition de 1938 à Valkenburg va donner le visage du Championnat du Monde qui va durer plusieurs décennies, à quelques exceptions près comme en 1947 ou 1986,  la course des Amateurs a lieu le samedi en lever de rideau de la courses des professionnels qui s'impose le dimanche. Déjà, l'année précédente, à Copenhague, les Amateurs ne couraient plus le même jour que les pros mais c'était le mardi matin, avant la finale du demi-fond prévue l'après-midi. Depuis 2013, la course en ligne Espoirs, qui a succédé en 1996 à la course Amateurs, a lieu le vendredi après-midi.

Il faut attendre 1958 pour voir le programme s'enrichir d'une troisième épreuve : la course Dames qui voit le jour à Reims. En 1957, L'Equipe se réjouit du refus – temporaire – de l'UCI de décerner un maillot arc-en-ciel à ces Dames : "Le bon sens a triomphé (…) Elles devront se contenter des épreuves existantes et du cyclotourisme, ce qui correspond beaucoup plus à leurs possibilités musculaires". Une fois adoptée, la course féminine est tout de suite placée le samedi matin, en lever de rideau de la course Amateurs. La première porteuse du maillot arc-en-ciel, la Luxembourgeoise Elsy Jacobs confirme son titre quelques semaines plus tard en étant la première à crever le mur des 40 km du record de l'heure féminin.

LES FEMMES PASSENT DU MATIN À L'APRES-MIDI

À quelques exceptions près, les Dames vont occuper le samedi matin jusqu'en 1996. Toutefois, à Brno (Tchécoslovaquie), en 1981, les filles courent le vendredi après-midi. À Yvoir, en 1975, elles sont reléguées le mercredi, le jour du 100 km. En 1986, à Colorado Springs, l'épreuve s'élance le dimanche matin mais toujours avant les Amateurs. Et surtout, à partir de 1984 et jusqu'en 1992, la course Femmes sera absente du Championnat du Monde les années bissextiles car elle a rejoint le programme olympique, tout comme la course Amateurs et le 100 km. Depuis Saint-Sébastien en 1997, les Femmes sont promues le samedi après-midi malgré quelques retours en matinée à la fin des années 2000.

Présent aux Jeux olympiques depuis 1960, le 100 km contre-la-montre par équipes fait son apparition en 1962 au Championnat du Monde. Les Suédois le réclamaient déjà en 1956, plus de dix ans avant les frères Petterson. La nouvelle course s'installe en milieu de semaine. Le jeudi en 1962, le mercredi d'autres années. L'épreuve féminine est créée en 1987. La dernière édition, en 1994, a droit au dimanche pour clore le Championnat du Monde .... sur piste à Palerme. La route et la piste ne font encore qu'un.

DEUX DIMANCHES

Ce contre-la-montre par équipes est supplanté par le contre-la-montre individuel. À son entrée en 1994, alors que la séparation pros et amateurs existe encore, l'UCI abolit cette frontière obsolète et organise un seul chrono Open pour les Hommes, deux ans avant la licence unique. Il n'y a donc que deux courses le jeudi. Avec l'arrivée de la catégorie Espoirs en 1996 puis des Juniors, la semaine arc-en-ciel se remplit. Mais un autre contre-la-montre va faire déborder le vase.

L'UCI avait toujours su garder son Championnat du Monde disputé par équipes nationales même pour les pros. Mais en 2012, aux Pays-Bas, les groupes sportifs mettent le pied dans la porte. L'UCI leur offre un titre de Champion du Monde de contre-la-montre par équipes disputé le dimanche précédent la course sur route pour les Hommes et les Femmes. La semaine arc-en-ciel tient dorénavant sur deux dimanches. Mais ce Championnat du Monde sans équipes nationales n'attribue pas de maillot irisé. L'expérience, déjà boudée par plusieurs équipes, tourne court après l'édition 2018 en Autriche. Mais l'UCI ne veut pas perdre cette date du deuxième dimanche. Le Championnat du Monde de relais mixte, disputé par équipes nationales et qui offre un maillot distinctif, prend la place en 2019 au Yorkshire. Mais les meilleurs rouleurs préfèrent attendre le mercredi et leur chrono individuel. Alors pour 2020 la fédération internationale décide d'avancer le chrono Hommes Elites le dimanche et de terminer la série de contre-la-montre le mercredi avec le Relais mixte. L'épidémie de coronavirus repousse d'un an, à cette année 2021, l'application de ce nouveau programme pour les épreuves de vérité.

LES JUNIORS PRENNENT DE LA PLACE

L'arrivée des Juniors en 1997 à Saint-Sébastien densifie encore le programme du Championnat du monde. Avec les courses en ligne et les chronos, c'est quatre courses supplémentaires qu'il faut caser. Dix maillots arc-en-ciel sont attribués dans la semaine quand il n'y en avait cinq dix ans plus tôt. Le Championnat du Monde Juniors est créé en 1975. Déjà en 1966, la Pologne avait proposé un Championnat du Monde Juniors masculin et féminin. Pour ces coureurs censés aller encore à l'école, la course au titre se dispute pendant les vacances scolaires. Mais de 1997 à 2004, ils sont rattachés au Championnat des "grands" en octobre, et depuis 2011 ils sont revenus dans le programme. En 2012, le titre Juniors est même remporté par Matej Mohoric le matin de la course des pros mais depuis 2013, les deux épreuves sont courues le vendredi et le samedi matin.

La création d'un nouveau titre annoncé par l'UCI, celui des Espoirs Femmes, ne devrait pas modifier tout de suite le programme. David Lappartient va proposer qu'il y ait une course dans la course Femmes Elite puisque le nouveau maillot arc-en-ciel serait attribué à la meilleure Espoirs de la course féminine. En 101 ans, le Championnat du Monde sur route passerait ainsi d'un seul à treize titres distribués.

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