CDF Femmes : Grande surprise et grosse incompréhension à Civaux

Crédit photo Amélie Barbotin

Crédit photo Amélie Barbotin

Le dernier écart annoncé est à peine croyable lorsque l’on connaît le dénouement de la course : 1’30”, c’est la marge qu’avait, d’après plusieurs témoins et acteurs de la course, les trois filles de tête par rapport au peloton à trois kilomètres de l’arrivée de la première manche de Coupe de France Femmes, samedi dernier à l’occasion de la Classic Vienne Nouvelle-Aquitaine. Et pourtant, c’est un peloton groupé qui s’est présenté dans la dernière ligne droite, pour le plus grand bonheur de Valentine Fortin (St-Michel-Auber 93), la plus rapide lors de cet emballage massif. “Je ne pensais pas qu’on allait les reprendre !”, s’exclamait la lauréate juste après la ligne (lire ici). Un sentiment partagé par toutes les filles interrogées par DirectVelo après la course. Mais alors, que s’est-il passé ?

MÉSENTENTE TOTALE ENTRE VICTORIE GUILMAN ET LA DOUBLETTE DE LA ROCHELLE

Parmi les grands noms présents au départ, Séverine Eraud tenait à faire la course dans le but de retrouver des sensations après un début de saison très compliqué - elle est handicapée par de grosses d’allergies comparables à des crises d’asthme -. Alors la professionnelle du Stade Rochelais Charente-Maritime a fait une première sélection, puis une deuxième. Avant de s’isoler avec sa propre coéquipière India Grangier et Victorie Guilman, seule représentante de la FDJ-Nouvelle Aquitaine-Futuroscope sur cette compétition.

Ce solide trio composé de filles d’équipes UCI a rapidement pris une avance confortable sur un peloton où les formations de N1 ont tenté de se battre jusqu’au bout. Et pourtant : la forte mésentente a été fatale aux trois filles du groupe de tête.
“J'étais avec deux filles qui n'ont pas joué le jeu. C'est idiot comme stratégie, peste Victorie Guilman après coup en citant les deux filles du Stade Rochelais. Elles n'ont pas vraiment tenté de m'attaquer à tour de rôle. Si elles avaient fait ça, je l'aurais compris. C'était le jeu en étant en surnombre. Mais là, elles n'ont pas attaqué, et elles n'ont pas roulé non plus. C'était un peu bizarre”.

Séverine Eraud s’explique : “On avait une vraie chance de gagner devant en étant à deux contre une. On voulait attaquer chacune notre tour mais on n’est pas parvenues à sortir Victorie de la roue. On a donc pris le risque de se faire reprendre car on savait qu’elle était rapide au sprint et on se pensait battues. On a décidé de ne plus collaborer dans les derniers kilomètres en se disant que l’équipe aurait plus de chance de gagner avec Elodie (Le Bail) au sprint qu’avec nous devant”. Problème : Elodie Le Bail a de son côté été décrochée du peloton dans la dernière côte de la journée. “On ne le savait pas. On a juste respecté les consignes de notre directeur sportif Jean-Christophe Barbotin. Si on n’arrivait pas à sortir Victorie, on ne roulait plus”.

UNE JONCTION À 300 MÈTRES DE LA LIGNE

C’est ainsi que les trois filles à l’avant ont perdu plus d’une minute en deux kilomètres seulement. “C'est sûr que tout le monde a été un peu étonné du scénario, reprend Victorie Guilman. Je ne m'attendais pas du tout à ce que le peloton revienne à cette allure. On a mal manœuvré à l'avant, c'est évident. Je suis déçue de ne pas avoir anticipé le sprint... Elles voulaient que je mène le groupe mais je n’allais pas rouler avec deux filles de la même équipe dans la roue… Alors on a vraiment fait du surplace, comme sur la piste”.

Au panneau des 300 derniers mètres, et contre toute attente, le peloton reprend ainsi le trio (voir ici). La jeune Maylis Sarron (Team Centre Val de Loire), Espoir 1ère année, voit là l’occasion d’aller décrocher un premier Top 10 en Coupe de France (voir classement
). Non sans en être la première étonnée.J’ai fait le yo-yo à l’arrière du peloton dans les ascensions mais au final, j’ai pu m’accrocher et même faire le sprint. Je pensais que ça roulerait plus vite dans les bosses et que la sélection serait plus importante. En tant que pistarde, je n’avais pas peur de frotter dans le sprint”.

Dans la longue ligne droite d’arrivée, Valentine Fortin a lancé son sprint de très loin, au moment même où le paquet reprenait les attaquantes. Ce qui a surpris certaines athlètes, à l’image de Lucie Liboreau.J’ai été tassée durant le sprint, c’est un peu rageant. Je ne sais pas ce que ça aurait donné si je n’avais pas été gênée aux 150 mètres…”, s’interroge la toute nouvelle sociétaire de l’équipe Macogep, finalement 6e sur la ligne. Juste devant elle, Alison Avoine confirme son bon printemps avec un bon Top 5. Je savais que je n’allais pas trop mal au sprint sans être une grande sprinteuse pour autant. Je me sentais pas trop mal dans les derniers kilomètres mais je savais que Valentine (Fortin) était la plus forte. Quand elle a lancé son sprint, c’était difficile de rester dans la roue”, synthétise celle qui porte le maillot de l’UVCA Troyes.

LE STADE ROCHELAIS SE RATE

Et le Stade Rochelais, dans tout ça ? Alors que des places de 2 et 3 - dans le pire des cas - étaient assurées en cas d’arrivée à trois entre Séverine Eraud, India Grangier et Victorie Guilman, la formation charentaise a préféré jouer la carte du sprint massif. Avec pour meilleur résultat la… troisième place de Maëva Squiban, juste devant Manon Souyris. 3 et 4, donc, et la soupe à la grimace à l’arrivée. “Je n’étais pas bien dans les premiers tours mais ensuite, ça allait mieux. C’est une déception car on en avait deux dans l’échappée et c’est rentré au dernier moment. On ne le savait pas vraiment car on n’avait pas les bons écarts. Et quand on l’a su, c’était panique à bord. En plus, après, on n’a pas réussi à se retrouver pour le sprint…”, racontait Maëva Squiban à chaud. “On aurait largement pu gagner cette course. C’est partie remise mais c’est dommage, c’était une belle opportunité”.

Outre Valentine Fortin, bien sûr, l’autre grande gagnante de ce drôle de scénario se nomme Marie-Morgane Le Deunff. En grande difficulté sur les courses UCI belges depuis le début de la saison, la sociétaire du Team Arkéa s’était rendue dans la Vienne avec l’envie de retrouver les premiers rôles. Mais, en étant l’une des deux seules représentantes de sa formation au départ, il lui était impossible de peser véritablement sur le scénario de la course dans le final. Mais c’est bel et bien avec une place sur le podium (2e) que la Finistérienne a quitté la Vienne. Peut-être que si j'avais lancé mon sprint 50 mètres plus tôt... Si j'avais pris l'initiative... Et puis, Valentine (Fortin) m'a légèrement serrée contre les barrières. Si je n'avais pas eu d'appréhension, j'aurais peut-être pu passer quand même. Mais bon, ça reste une deuxième place qui me fait du bien au moral”.

Forcément très frustrée et déçue de ce scénario rocambolesque, Victorie Guilman avait encore du mal à comprendre, 48h après la course.
“J'étais vraiment motivée, je voulais gagner pour faire plaisir à tout le monde car j’étais à 40 minutes de la maison, devant mes supporters. Et puis, dans l’équipe, je n'ai jamais ma chance au milieu des grosses leaders. En Espagne, je devais tout le temps rouler ces derniers temps… Alors faire la course, attaquer, jouer la gagne, ça fait du bien au moral ! C'est important de se sentir forte”, souligne celle qui participera au Tour de Suisse le week-end prochain. Quant à Séverine Eraud, elle a finalement pris sa revanche dès le lendemain en remportant, en solitaire - sans doute pour éviter toute potentielle faute tactique - la Route de Loire-Atlantique.

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En savoir plus

Portrait de Alison AVOINE
Portrait de Séverine ERAUD
Portrait de Valentine FORTIN
Portrait de Victorie GUILMAN
Portrait de Marie-Morgane LE DEUNFF
Portrait de Lucie LIBOREAU
Portrait de Maylis SARRON
Portrait de Maeva SQUIBAN