Mayenne : six coureurs par équipe, ça change quoi ?

Crédit photo Freddy GUÉRIN / DirectVelo

Crédit photo Freddy GUÉRIN / DirectVelo

Ce jeudi, une partie de l’échappée est allée au bout à l’occasion de la première étape des Boucles de la Mayenne (2.Pro). Philipp Walsleben (Alpecin-Fenix) s’est ainsi imposé devant son dernier compagnon de fugue, Diego Rubio (Burgos-BH). Ce succès peut en partie s’expliquer par le fait qu’ils étaient six à l’avant, un nombre important d’autant plus que six, c’est aussi le nombre de coureurs par équipe sur l’épreuve mayennaise. Ce qui semble limiter les possibilités stratégiques des uns et des autres. “Il ne pouvait y avoir que cinq coéquipiers autour d’Arnaud Démare, donc ça ne fait pas beaucoup de monde pour rouler. Forcément, ça joue”, lance Maxime Urruty (Xelliss-Roubaix Lille Métropole), présent dans la bonne échappée du jour. “Il fallait être malin en étant six par équipe, car dans ces conditions on ne peut pas se permettre de tirer trop de cartouches, n'importe comment”, appuie Mathieu Burgaudeau (Total Direct Energie). Cette liste de partants à six coureurs par formation, Yoann Paillot y a lui aussi pensé pendant qu’il faisait la course en tête, une majeure partie de la journée. “Je savais qu'il y avait des chances de jouer avec six coureurs par équipe, c'est différent de sept. Il y a moins de monde à rouler, on l'a bien vu dans le final”.

Six par formation, c’est rare au plus haut niveau mondial, mais c’est loin d’être nouveau sur les Boucles de la Mayenne. L’organisateur, Pierrick Guesné, explique ce choix : “On n’ira jamais au-delà de six coureurs par équipe car c’est ce qui fait la course, et ce qui permet d’avoir une course ouverte. On est figé à six depuis très longtemps. On s’est posé la question de changer il y a trois-quatre ans, mais finalement, non… Il ne faut pas monter à sept car ça change déjà pas mal de choses, ça contrôle plus à sept qu’à six. On ne changera jamais, sauf si l’UCI nous y oblige”, concède-t-il auprès de DirectVelo. Tout en assurant que cette formule n’a jamais posé de problèmes à quiconque. En tout cas, personne ne s’en est jamais plaint. “Les équipes acceptent facilement cette règle. Jamais aucun directeur sportif ne nous a dit qu’il ne viendrait pas ou plus avec ses coureurs car il n’y a que six places…”.

CERTAINS VOULAIENT ÉPUISER LES COUREURS DE LA GROUPAMA-FDJ

Mais pour beaucoup, le fait qu’il n’y ait que six coureurs par formation explique en partie le fait que l’échappée soit allée au bout, mais pas totalement. “La FDJ a arrêté de rouler à 50 bornes de l’arrivée et on a perdu une minute d’un coup, rappelle Bram Welten. Le coureur d’Arkéa-Samsic explique la stratégie de sa formation : “L’idée, c’était de faire le sprint pour Dan (McLay) sans trop faire d’efforts avant. Mais si la FDJ décidait d’arrêter de rouler, il fallait qu’on assume et qu’on y aille aussi. C’est ce qu’il s’est passé et plein d’autres équipes avaient visiblement la même tactique”. En effet, durant la dernière heure de course, AG2R Citroën, Arkéa-Samsic, Bingoal-Pauwels Sauces-WB ou encore Uno-X ont mis un homme à rouler. Puis Total Direct Energie et B&B Hôtels sont également venus s’y mettre, encore plus tard. Mais pourquoi avoir tant tardé ? “On a respecté les consignes du briefing. Demain (vendredi) et après-demain (samedi), deux journées assez difficiles nous attendent. Il fallait garder de l’énergie pour les étapes qui arrivent”, répond Kévin Reza, coureur chez B&B Hôtels.

Dans les tous derniers kilomètres, les « Men in Glaz » ont semblé se lancer subitement dans la bataille avec plusieurs éléments qui ont roulé très fort. Pour tenter désespérément de rentrer, ou pour sauver une ambition pour le général final ? On a roulé pour l’étape, plutôt. Mais on est ici pour jouer le général aussi”, répond le natif de Versailles, pas mécontent d’avoir vu Clément Davy et Ignas Konovalovas (Groupama-FDJ) s’épuiser en tête de peloton toute la journée. "Il faut la jouer malin, et voir ce qu’on peut faire chaque jour. On a su rester discrets. Il n’y pas beaucoup d’écarts. Certes, la victoire nous a échappé, à nous et à tous ceux du peloton. L’échappée a été au bout, bravo à eux. Mais on a vu que Bryan est en bonne condition. Les équipes qui ont roulé aujourd’hui seront fatiguées demain (vendredi)”. Le Mayennais Clément Davy, qui évolue à domicile ce week-end, a fait du mieux qu’il pouvait, mais il se doutait qu’il ne pourrait pas ramener son leader Arnaud Démare sur la tête de course sans l’appui d’autres formations. “J’étais le seul à rouler derrière, avec « Kono » qui me soulageait à quelques moments. On attendait le soutien d’autres équipes. On a tiré la sonnette d’alarme pour que d’autres équipes arrivent. Ils l’ont fait, mais un peu trop tard”.

MOINS DE MONDE POUR ROULER CAR IL FAUT ENTOURER LE LEADER

Difficile donc de trancher pour savoir si le scénario de course est avant tout dû au fait qu’il y ait six hommes par équipe ou à la stratégie des différentes formations. En réalité, les deux semblent simplement liés, car la stratégie est aussi dûe à cette réduction des effectifs, justement. “Être six, je n’ai pas l’impression que c’est ce qui aide trop l’échappée à aller au bout même si, évidemment, avec sept mecs par équipe, tu mets plus facilement un gars à rouler”, assure Alexandre Delettre (Delko). “Le problème d’être six, c’est que tu ne peux mettre que deux mecs à rouler maximum car tu as besoin de garder de la main d'œuvre pour placer et protéger ton leader dans le final, pour aller frotter… Forcément, ça rend les équipes plus frileuses”, reprend Mathieu Burgaudeau. Qui avance même une troisième explication : “Je crois que c’est aussi et surtout dû aux particularités des routes de la Mayenne. Ce sont souvent des routes étroites qui favorisent vraiment les échappées. Si les mecs qui sont devant s’entendent bien, sur ces routes râpeuses, ça peut être dur pour le peloton. Car on n’a pas rigolé derrière. Par moments, ça faisait mal à la gueule. Mais sur ce type de routes, il vaut mieux être devant que derrière”.

Plus généralement, les coureurs apprécient-ils ce format à six ? “En course, c’est plus dur à gérer. C’est un peu plus ouvert qu’à sept mais perso, j’aime les courses ouvertes alors ça me va !”, répond le Néerlandais Bram Welten. Un avis partagé et appuyé par Kévin Reza : “Les stratégies sont totalement différentes. Je trouve ça intéressant, surtout dans ce vélo moderne… Mine de rien, ça nous sort d’une certaine zone de confort”. Et si le scénario d’un peloton qui joue « à toi à moi », avec une échappée solide à l’avant, se reproduisait dès ce vendredi ? “Pour les prochaines étapes, ça va donner des idées aux autres équipes et aux autres coureurs”, prévient Eddy Finé (Cofidis), présent dans le bon coup jeudi. “On a vu qu’il y avait moyen de piéger les équipes de sprinteurs !”. Attention tout de même : chat échaudé craint l’eau froide.

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