Adrien Guillonnet : « Garder le cap »

Crédit photo Nicolas Mabyle / DirectVelo

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Adrien Guillonnet prend son mal en patience, encore et toujours. Depuis son passage chez les pros, le sociétaire de St-Michel-Auber 93 n’a encore jamais véritablement eu l’occasion d’enchaîner les compétitions sans pépins. Entre Covid et blessures, le coureur de 27 ans avait déjà connu près de six mois sans disputer la moindre course, l’an passé, entre son abandon sur l’Étoile de Bessèges (6 février) et le début de la Route d’Occitanie (1er août). Cette saison encore, l’ancien du SCO Dijon s’est retrouvé plusieurs mois sur la touche puisqu’il ne s’est pas rendu sur la moindre épreuve professionnelle depuis le Tour des Alpes-Maritimes et du Var, fin février. DirectVelo fait le point avec celui qui sera présent au Tour du Gévaudan, dimanche.

DirectVelo : Tu as (enfin) pu reprendre la compétition le 1er mai, sur Châtillon-Dijon !
Adrien Guillonnet : Ce n’était pas gagné car l’équipe a dû déclarer forfait (lire ici). Mais on pouvait encore y aller individuellement. Je me suis décidé la veille. J’ai fait la route avec Baptiste Bleier et sa compagne (Charlotte Bravard, DS de l’équipe de N1 Femmes, NDLR) depuis l’Ile-de-France. C’était sympa de courir à Dijon. J’ai revu du monde, des têtes connues du SCOD. C’était aussi l’occasion de reprendre contact avec le peloton car je n’avais pas couru depuis le Tour des Alpes-Maritimes et du Var. Autrement dit, ça m’a pratiquement fait l’équivalent d’une coupure d’intersaison, encore une fois. Depuis que j’ai attrapé la Covid fin février, je n’ai jamais retrouvé 100% de mes moyens physiques. En ce moment, je suis simplement à la recherche de sensations et c’est pour ça qu’il est important de courir, même en Élites. J’ai pu faire des efforts sur Châtillon-Dijon.

« JE NE SAIS PAS COMMENT MON CORPS VA RÉAGIR »

Et tu t’apprêtes à en faire d’autres ce dimanche, lors du Tour du Gévaudan. Sur le papier, tu es l’un des favoris…
Je garde de bons souvenirs de cette course, où j’avais fait un Top 5 au milieu des pros, en étant encore amateur (voir classement). Pour dimanche, il faut voir où j’en suis. J’y arrive encore dans l’inconnu et avec des doutes. Le profil me convient bien, c’est sûr. Mais c’est assez court (113 kilomètres, NDLR). Ce sera sans doute très dynamique et la part endurance ne jouera pas un grand rôle, contrairement à une épreuve de 180 kilomètres, par exemple. Sur le papier, ça reste forcément intéressant et plus abordable que quand je joue face aux meilleurs mondiaux, même si le niveau est homogène et dense et que les N1 ont plus couru que nous ces dernières semaines. Quand on est en Conti et qu’on dispute une course au milieu des amateurs, c’est généralement pour tenter de la gagner. Ce sera le but. Mais encore une fois, les conditions seront particulières pour moi.

Il s’agit aussi d’un test intéressant sur une course au dénivelé important, avant les prochaines échéances montagneuses chez les pros !
L’équipe va faire l’effort d’aller à la Mercan’Tour Classic et au Mont Ventoux Dénivelé Challenge, même si ce sont deux courses qui ne conviennent pas à beaucoup de coureurs de l’équipe. Mais Stéphane (Rossetto) et moi-même avons des ambitions pour ces deux courses, on aimerait s’illustrer là-bas. Malheureusement, j’ai du mal à me projeter sur ces courses-là étant donné la situation actuelle. Je ne sais pas comment mon corps va réagir dans les prochaines semaines. Je prends les choses au jour le jour en ce moment.

« BEAUCOUP D’INCERTITUDES ET PEU DE CHOSES POSITIVES »

Cette semaine, Peter Sagan a déclaré avoir “tout perdu” en matière de condition physique au moment d’attraper la Covid, et qu’il lui a fallu près de deux mois pour retrouver sa meilleure forme. Tu sembles vivre la même situation…
Sur le coup, j’ai eu un peu de fièvre, mais sans plus. J’étais à 38°-38,5°C. J’avais quelques maux de tête mais sans plus. Ce qui m’a vraiment gêné, c’est un état de fatigue assez important sur la durée. Pendant deux semaines, j’étais rincé, j’avais du mal à sortir du lit le matin… Mais ça allait encore. En revanche, sur le vélo, ça m’a vraiment impacté et ça m’impacte toujours. Sur certaines sorties, je me promenais… Sans pouvoir faire la moindre intensité. Passer un pont ou doubler une voiture était devenu difficile. J’étais à bloc à 200 watts. Depuis un mois, j’ai retrouvé de la force et de la puissance, mais j’ai toujours du mal à encaisser les charges. Je récupère mal d’un jour à l’autre.

Ce qui doit être terriblement frustrant… 
Le plus dur, c’est de ne pas savoir de quoi demain sera fait. Une fois, j’ai mis deux semaines à récupérer d’une sortie. Sur Châtillon-Dijon, c’était compliqué. Je suis arrivé là-bas avec de mauvaises sensations. Avec tout le respect que j’ai pour les amateurs, je me dis que quand je vais retrouver les pros, ce sera encore autre chose… Mais bon, j’ai encore du temps pour que ça revienne. Je veux garder le cap sur les belles échéances qui arrivent. Oui, il y a beaucoup d’incertitudes et peu de choses positives pour moi sur le vélo en ce moment. Mais je vais tout faire pour retrouver mon niveau.

« JE N’AI PAS L’IMPRESSION D’ÊTRE À PLAINDRE »

Tu traînes régulièrement ta misère, pour diverses raisons, depuis ton arrivée chez St-Michel-Auber 93. Arrives-tu à prendre du plaisir sur le vélo pour autant ? Es-tu un coureur professionnel heureux ?
J’ai toujours dit qu’être pro n’est pas une fin en soi pour moi. Je prends la chance que j’ai d’évoluer à ce niveau pour vivre de belles expériences et essayer de voir jusqu’où je peux aller avec mes capacités. Or, depuis un an et demi, c’est compliqué. Il y a pas mal de paramètres qui viennent chambouler mes saisons : une fracture du poignet, la Covid, un calendrier allégé, une méforme... Il n’y a pas beaucoup de positif à retirer de l’an passé sur le vélo. Et cette saison, c’est reparti de la même façon. En début de saison, j’étais limité face aux meilleurs mondiaux, puis je me suis fait contaminer en course et depuis, c'est dur… Mais j’essaie de relativiser, je n’ai pas l’impression d’être à plaindre : je suis payé pour faire du vélo. On a un salaire même quand on ne court pas, contrairement à d’autres professions. Je suis, malgré mes pépins, en bonne santé de manière générale par rapport à d’autres. Je n’ai pas envie de m'apitoyer sur mon sort. Je suis fataliste, ça fait partie du vélo. On dit souvent qu’il y a beaucoup de moments négatifs pour peu de moments positifs. Là, je traverse pas mal de turbulences. Mais j’essaie de trouver le positif où il est.

Ça va tourner ?
Je l’espère ! De toute façon, il est sûr que je ne vais pas continuer comme ça indéfiniment. Ce n’est pas très constructif ou épanouissant. Ni pour moi, ni pour l’équipe. Je ne me sens pas bien sur le vélo en ce moment mais j’ai quand même le sentiment que ça commence à aller un peu mieux. Je commence à refaire des intensités. On verra bien où tout cela me mène.

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