Le Paris CO veut faire « entendre une autre voix »

Crédit photo Aurélie Tscheiller

Crédit photo Aurélie Tscheiller

L’annonce des dernières mesures pour le mois d’avril avait créé quelques remous (lire ici). Notamment pour les clubs hors N1 et les coureurs qui ne figurent pas sur les listes de haut-niveau, qui ne sont plus autorisés à courir - à ce jour - jusqu’aux premiers jours de mai. Il était ainsi temps pour la FFC et son président, Michel Callot, de pouvoir échanger avec l’ensemble des protagonistes. Le 13 avril dernier, à l’occasion d’une réunion avec les clubs, certains acteurs ont pu lancer des débats. Comme Tristan Horreaux, manager du Paris Cycliste Olympique. La formation d’Île-de-France est directement concernée puisqu’elle évolue en N2. Le dirigeant francilien, qui réaffirme son soutien envers la FFC, en dit plus pour DirectVelo, sur sa position, ses interrogations, mais aussi sur les débats et les réflexions qui attendent les acteurs du cyclisme dans les mois à venir.

DirectVelo : Comment le club vit cette situation, synonyme d’arrêt des courses pour le PCO ?
Tristan Horreaux : La situation est compliquée depuis le début de saison. Beaucoup de courses s'annulent. Il y a eu des problèmes sur l'organisation des stages aussi. Novembre, décembre, janvier ont été perturbés donc on n'a pas pu faire les stages comme on voulait. On devait commencer sur les Plages et ça ne s'est pas fait. Nos coureurs en sont peut-être à quatre jours de course pour ceux qui ont le plus couru. Alors qu’on est en avril. Donc ils sont sur une ligne de crête entre la faim et le découragement. L'idée est d'entretenir la motivation car cette ligne est étroite. Ils ont envie, mais les successions d'annulations entament leur moral. On était sur la route de Varennes quand on a appris l'annulation aussi. Ça fait pas mal de péripéties, comme tout le monde. Et les dernières nouvelles leur ont fait du mal. Là ils remballent et on ne sait pas pour combien de temps. Je veux bien croire au 15 mai. Mais on se pose quand même des questions depuis un an. Les pouvoirs publics nous disent ça repart, puis ça s’arrête encore. On ne peut pas miser sur la date de fin du tunnel.

Peux-tu détailler ton avis sur les récentes mesures qui concernent directement ton club ?
D'abord, je tiens à dire que la FFC fait le maximum, je ne suis pas là pour entretenir une polémique. Il faut féliciter Michel (Callot) et son équipe. Quand on voit les autres sports à l'arrêt, c'est quand même un tour de force qu'ils font avec le vélo. Quoiqu'il arrive je serai et je suis solidaire avec cette décision. Il n'y a pas de bonnes décisions car il y aura toujours des mécontents. Je ne dis pas qu'ils ont tort ou qu'il faut faire autre chose. Mais je veux faire entendre une autre voix. Le problème de l'équité sportive se pose. Les N1 peuvent courir, les autres non. Donc tu renforces l'écart entre les divisions. Alors qu’elles se retrouvent mélangées tous les week-ends sur toutes les courses. Le resserrement fait qu'on se croise souvent. On a 3-4 jours de course, certaines N1 en ont 10-15. Le déséquilibre existe déjà là, on risque de le renforcer. Je relativise aussi car on sait que cette pandémie est terrible, et qu'on parle de haut niveau Amateur, qui ne représente qu’une petite part des licenciés. Au PCO on a 250 licenciés, la DN ce n’est que 15 coureurs. Je pense à tous les autres passionnés, tous les jeunes, qui n'ont pas pu faire une seule course depuis le début de saison.

« ON SE DEMANDE CE QUE SERA LE COUP D’APRÈS »

Quelle est alors la nature de ton inquiétude ?
Dans la décision en tant que telle on se dit "on a déjà moins de moyens, les coureurs sont dans de moins bonnes conditions, et sur cette décision ils vont encore moins en faire". On se demande ce que sera le coup d'après. Il faut un mois de patience, ok, je suis solidaire et je joue le jeu. Mais si la situation persévère, je me demande ce qu'on fera si on doit avoir des contraintes au-delà. Le débat devrait s'ouvrir sur l'après pour anticiper. Si les mecs ont des courses, ils marquent des points, prennent de l'avance aux classements, et ça a des répercussions. Notamment sur les années futures. Ou les sponsors et l'attractivité de ton club auprès des meilleurs coureurs. En Île-de-France on n'a pas de courses parce qu'on ne peut rien organiser. On n'a pas de N1 donc les coureurs s'en vont. S'il y a des courses, et j'insiste là-dessus, ça nous met en risque.

Mais pour le moment, les courses qui se maintiennent d'ici le 15 mai peuvent se compter sur les doigts d'une main ou presque...
Bien sûr, factuellement ça relativise largement la situation ! Mais c'est symbolique. Pour cette année les N1 ne se sont pas faites sur critère sportif, puisque c'est sportif et financier. On voit qu'il y a plus de clubs en N1 et moins en N2. Donc ça pose une question aussi. Au regard de tout ça, tous les clubs vont vouloir se mettre en N1. Il n'y aura plus que ça. Si tu es un Junior 2 qui marche en Île-de-France et que tu veux être en DN, même si tu as une N2 en Île-de-France, tu vas aller chercher plus loin hors de la région pour trouver une N1. Ça va renforcer ce phénomène. Mon objectif est de monter une N1 l'année prochaine, mais je suis gêné car j'aimerais prouver sportivement qu'on a notre place en N1. La question de l'aspect sportif se pose.

« CETTE DÉCISION FAIT SYMBOLIQUEMENT MAL »

Du coup, les problèmes que tu soulèves sont davantage à long terme, et ne concernent pas des différences de niveau ou d'éventuelles craintes à la reprise au mois de mai ?
Exactement. C'est une tempête dans un verre d'eau. Mais ça vient s'ajouter quand même, symboliquement, au fait que des clubs de N2 et N3 ont plus de difficulté à trouver des courses que les N1. Car quand tu as un calendrier qui se resserre tu as forcément un nivellement par le haut. Donc tout ça se cumule, et en plus on s’interroge pour l'après. Surtout au regard de la façon dont se construisent les divisions nationales. Car là la FFC prend des décisions sur critère sportif mais les équipes épargnées, à savoir les N1, ne sont elles-mêmes pas désignées uniquement sur critère sportif, mais aussi beaucoup sur le financier. Donc c'est bizarre. J'aurais peut-être moins été gêné si les N1 avaient été désignées uniquement sur critère sportif. Il faut faire attention à tout ça. On risque de tuer l'intérêt de monter une N2 ou une N3. Tout le monde va vouloir être en N1, ça va stresser tout le monde. Les coureurs aussi. Il faut se mettre à leur place. Cette décision fait symboliquement mal mais on sera solidaire. On est tous assis sur la même branche, et si tu tues les divisions du dessous ça pose plein de problématiques.

Cependant tu ambitionnes également de monter en N1. Est-ce que cette nouvelle période compliquée, et les questions que tu soulèves sur l'aspect sportif au long terme peuvent te rebuter dans ce projet ?
Déjà l'an dernier, on a hésité à postuler en N1. On a décidé de rester en N2, car l'équipe est jeune et qu'on voulait prouver qu'on était compétitif sportivement à ce niveau avant d'aller à l'échelon supérieur. Réflexion faite, on aurait peut-être dû directement présenter le dossier N1 ! L'an prochain, je n'aurai pas d'états d'âme. Je ne fanfaronne pas, je présenterai humblement notre candidature. Si c'est retenu tant mieux, sinon je l'accepterai. Il faut vite préparer les prochains mois, c'est là-dessus que j'insiste.

« IL FAUT PENSER AU-DELÀ DU 15 MAI »

D'autant que la FFC ne peut pas aller contre les décisions gouvernementales...
Elle a fait le maximum oui. Le Ministère dit de réduire la voilure, ils le font. Après, n'y avait-il pas la possibilité dans une logique de classement individuel de concerner davantage de clubs ? En disant qu’on en prend 4-5 de chaque club et on va chercher un peu tout le monde. Mais à mon avis il n'y aura pas beaucoup de courses donc on s'en fiche au fond. C'est l'aspect symbolique qui est très important. La question de l'arrêt total aurait pu se poser. Mais je comprends l'argument et la stratégie de Michel Callot de dire qu'il ne faut pas le faire. Car si quelques courses se courent, on pourra repartir d'autant plus vite. Mais si ça traine en longueur, ça peut être un boulet. Il vise le 15 mai, j'espère que les pouvoirs publics l'autoriseront. Mais je crois qu'il faut penser déjà au-delà.  Quand on voit ce qu'il se passe dans le monde, il y a des signaux qui montrent que l'histoire n'est pas réglée. On soutient et j'espère que le pari sera bon. Mais préparons les choses et attention aux symboles. Avec un message comme ça on démotive beaucoup de jeunes.

Comment maintient-on les coureurs à flot en ce moment ?
On les maintient comme on peut ! Mais plus personne n'est dupe. C'est une épreuve mentale. On l'a vécue l'an dernier. Mais peut-être plus sereinement qu’actuellement car tout le monde était arrêté. Le cycliste est stressé (rires). C'est surtout dans la tête, mais quand ça lâche, ça lâche. On s'entraine, on se regroupe. Avec nos limites car nos gars bossent. On fait des séances, on prépare les chronos, comme l'an dernier. L'intérêt, c'est qu'on peut travailler cet exercice. Les gars m'épatent franchement. Ils ont un gros mental de rester concentrés. Et puis la trajectoire du club qui est plutôt vers le haut les motive. Maintenant, la motivation est sur le fil du rasoir. Et je pense que nous ne sommes pas les seuls dans ce cas là.

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