Elodie Le Bail : « Le vélo me manquait énormément »

Crédit photo DR

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Bien qu’elle pouvait espérer (encore) mieux, la prestation d’Elodie Le Bail sur le Circuit du Westhoek (1.1) va lui faire le plus grand bien. Et pour cause : après des mois à patienter à l’idée de pouvoir reprendre la compétition, la Morbihannaise - qui réside à Bubry - avait connu des débuts catastrophiques au Samyn (1.1) pour sa course inaugurale sous ses nouvelles couleurs du Stade Rochelais Charente-Maritime, le 2 mars dernier, en raison d’un problème mécanique. Cette performance encourageante à Ichtegem doit désormais mettre sur orbite l’athlète de 30 ans, qui retrouve le haut-niveau après une décennie loin des pelotons, elle qui faisait partie des meilleures Juniors tricolores à la fin des années 2000. Entretien.

DirectVelo : En ce mois de mars, tu as disputé tes deux premières épreuves de Classe 1 depuis… 2009 !
Elodie Le Bail : J’ai repris la compétition sur le Samyn mais j’ai cassé ma chaîne au bout de cinq kilomètres. Je n’ai pas pu être dépannée rapidement et après ça, c’était déjà foutu. Je n’ai pas pu rentrer ou même simplement continuer… Ma course s’est arrêtée après dix minutes. Autant dire que ce n’était pas vraiment une reprise… Heureusement, j’ai pu retrouver la compétition sur cette autre course belge (le Circuit du Westhoek, NDLR) récemment et ça m’a permis de faire ma vraie rentrée, et de me tester.

En début de saison, tous les coureurs parlent de “se tester” mais dans ta situation personnelle, pour ton retour à haut-niveau, ces mots prennent encore plus de sens…
Je n’ai pas couru sur ce genre d’événements depuis dix ans ! Forcément, je manque cruellement de repères, j’ai besoin de savoir où j’en suis et ce que je peux espérer pour les mois à venir. Pour une vraie première, c’était plutôt positif avec cet accessit (voir classement). L’objectif était de rester devant le plus longtemps possible. Malheureusement pour moi, j’ai fini par courir à contre-temps. Je n’ai pas su lire la course. Lorsque le bon coup est parti, aucune fille de la Drops n’y est allée, alors je ne me suis pas inquiétée. Je pensais qu’elles allaient rouler. Sauf que ça n’a jamais été le cas. J’ai essayé de relancer moi-même, un peu plus tard, mais ce projet de rentrer devant est vite tombé à l’eau. Même si j’espérais faire un Top 20, au final, c’est plutôt pas mal.

« J’AI DÛ FAIRE MA CRISE DE LA TRENTAINE »

Les plus jeunes ne le savent peut-être pas mais il y a une grosse dizaine d’années, tu faisais partie des meilleurs Juniors françaises, avant d’arrêter le cyclisme…
J’ai gagné la Coupe de France Juniors, j’ai participé au Chrono des Nations (3e chez les Juniors en 2007 derrière Audrey Cordon-Ragot et Jennifer Letue, NDLR). J’ai participé aux Championnats d’Europe et du Monde avec l’Équipe de France… Ce sont de bons souvenirs, bien sûr. Mais ensuite, je suis rentrée en école d’ingénieur et je n’ai pas réussi à maintenir un gros niveau de performance sur le vélo en parallèle. En 2009, pour ma première saison chez les Espoirs, je n’ai quasiment pas roulé de toute la première partie de l’année. Puis je me suis fait les ligaments croisés au ski. Cette blessure a marqué la fin de ma carrière, à ce moment-là.

Pourquoi avoir fait ton retour l’an passé, au CSM Puteaux ?
Comme je le dis souvent en rigolant, j’ai dû faire ma crise de la trentaine (elle a fêté ses 30 ans en mai dernier, NDLR). Au-delà du cyclisme, les deux dernières années ont été importantes pour moi. Je me suis posée beaucoup de questions sur ce que je voulais, et ce que je ne voulais plus, dans ma vie personnelle comme professionnelle. Le vélo me manquait énormément. Et puis, je n’avais plus de vie personnelle à cause de mon travail, qui me prenait tout mon temps. Je me suis donc lancé dans de nouveaux challenges, en reprenant le vélo et en changeant de travail, pour ne pas avoir de regrets plus tard. Je sais que j’avais des capacités pour le vélo, chez les jeunes, alors je voulais voir ce dont je suis capable aujourd’hui, à 30 ans.

Quelle profession avais-tu jusqu’alors ?
J’étais ingénieur d’affaires en génie mécanique. Je bossais dans les centrales nucléaires, un peu partout en France, avec beaucoup de déplacements. Désormais, je suis professeur de mathématiques. Cette situation m’a permis de retrouver un équilibre que je n’avais plus.

« ON NE POUVAIT PAS VIVRE DU VÉLO »

Après avoir pu disputer une poignée de courses l’an dernier, tu t’es engagée avec le Stade Rochelais Charente-Maritime pour 2021, l’occasion de retrouver quelques grands courses internationales…
L’an passé, je me suis fait repérer par l’équipe en gagnant un challenge régional devant des filles comme Cédrine Kerbaol ou Marie-Morgane Le Deunff. Via le bouche à oreille, l’équipe s’est intéressée à moi. Ils ont vu que j’étais dans le jeu et m’ont contactée. Je suis très heureuse d’être propulsée dans cette équipe et à ce niveau car l’an passé, je n’ai pas pu beaucoup courir. J’ai des ambitions mais sans véritablement avoir de repères. Pour le moment, je suis incapable de dire ce que je peux espérer à terme, même si, encore une fois, je connais mes capacités et que j’ai vu en Belgique qu'il est possible d'être dans le coup. Je pense avoir une grosse marge de progression.

Ce retour à la compétition a aussi été l’occasion de retrouver des filles avec lesquelles tu courais à la fin des années 2000…
J’ai retrouvé des filles comme Audrey (Cordon-Ragot), Aude (Biannic) ou Roxane (Fournier). On se battait ensemble chez les jeunes, c’est sympa de les retrouver en compétition. J’espère que ce sera le cas prochainement lors d’À travers la Flandre ou de Paris-Roubaix, si ce n’est pas annulé, ce qui ferait vraiment mal au cœur.

Ces dernières années, on a régulièrement évoqué la situation du cyclisme féminin et son évolution. On imagine qu’après une décennie passée loin des pelotons, tu as dû constater quelques changements ?
Complètement ! Rien que l’année dernière, sur les manches de Coupe de France, j’ai déjà vu la différence. Avant, il n’y avait que de petits clubs ou des sélections régionales. Maintenant, on voit des DN beaucoup mieux structurées, avec les camions etc. Il y a beaucoup plus de moyens, même si on peut encore améliorer tout ça. En tout cas, on va dans le bon sens, c’est évident. J’ai aussi constaté que c’était beaucoup plus médiatique, et le calendrier est beaucoup plus riche, avec des versions féminines d’un bon nombre de courses masculines. C’est aussi ce qui m’a motivée à reprendre la compétition. Lorsque j’ai arrêté la compétition en 2009, on ne pouvait pas vivre du vélo. Je marchais fort mais malgré ça, je ne me voyais pas d’avenir dans ce sport, professionnellement parlant. Depuis, le cyclisme féminin a changé.

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