Pierre-Maurice Courtade : « Le plus beau résultat de ma vie »

Crédit photo Nicolas Mabyle - DirectVelo

Crédit photo Nicolas Mabyle - DirectVelo

Le Tour de La Provence a tenu bon. Malgré le contexte sanitaire, l’épreuve coorganisée par Pierre-Maurice Courtade et Marion Rousse a pu avoir lieu. Pierre-Maurice Courtade revient pour DirectVelo sur les difficultés rencontrées ces derniers mois et au cours de ces quatre derniers jours. Il évoque également l’avenir de la course.

DirectVelo : Quel bilan sportif tires-tu de cette sixième édition du Tour de La Provence ?
Pierre-Maurice Courtade : Le bilan sportif est énorme. On a un Champion du Monde qui a fait le spectacle pendant quatre jours. Je pense qu’il y a très longtemps qu’on n’a pas vu un Champion du Monde rendre autant honneur à son maillot. S’il y a un titre à décerner à Julian Alaphilippe, c’est vraiment le combatif et l’acteur de ce Tour. La réussite passe essentiellement par lui. La victoire de (Ivan) Sosa est magique. Avec le podium complété par (Egan) Bernal, on ne peut pas rêver mieux. La course qu’il y a eu au Ventoux est stratosphérique selon moi. On a eu un scénario idéal sur les quatre jours.

« NOTRE MESSAGE VA AU-DELÀ DU VÉLO »

La course a finalement pu avoir lieu malgré la Covid-19…
Ce n’était pas une édition comme les autres. Il manquait beaucoup de choses comme le public. C’est la situation qui nous l’impose. Avant le côté sportif, je pense que ma plus grosse fierté est surtout d’avoir réussi à mener à bien ce Tour. C’est ma raison première cette année, même si je suis un patron de course heureux car j’ai eu une situation sportive idéale. On a pu boucler la course, on a refait travailler plus de 41 hôtels et on a pu démontrer qu’un évènement peut se tenir. C’est 700 000 euros dans l’économie locale. On ne sait pas ce qui va en être de la saison dans deux mois. C’est une fierté, on a réussi à le tenir. Mes confrères avant moi l’ont fait aussi. Franchement, bravo. Moi, c’est mon métier. Sur l’Étoile de Bessèges, ce sont des bénévoles qui font ça par passion et non pas par travail. 

As-tu été inquiet ces dernières semaines et mois ?
Franchement, ma vie a changé depuis trois mois. Il y a le stress de la situation sanitaire. Ce n’est pas comme quand vous n’arrivez pas à boucler un budget ou qu’il te manque une ville. Là, il y a une épidémie dans notre pays. Le sujet est grave. Il y a des gens qui décèdent dans les hôpitaux. Les hôpitaux sont saturés. Jusqu’à la dernière minute, on entendait parler de ces variants. Avec Marion (Rousse), on se disait : « Est-ce qu’on va pouvoir partir ? Est-ce qu’on va pouvoir le faire ? ». Quand tu reçois plein de coureurs ainsi que leur staff, tu leur dis : « vous savez que pour repartir chez vous il vous faut un test PCR de moins de 72 heures ? ». Il a fallu tout organiser en dernière minute. On a monté un laboratoire à Cassis. Le fait que ce soit fait et fini, et qu’on ait réussi à vaincre ça, c’est le plus beau résultat de ma vie. J’ai vraiment envie que cela donne de l’espoir à tous les gens de l’évènementiel, au-delà du vélo. Je pense que notre message va au-delà du vélo aujourd’hui. Il faut y croire, il ne faut pas baisser les bras. On va pouvoir vaincre cette situation. 

Le huis clos a-t-il bien été respecté ?
Je pense qu'il a été respecté. Les lignes d’arrivée sont propres. Je sais que le huis clos a créé des déceptions notamment chez les journalistes, les photographes. On n’avait pas le choix. J’ai vu des images depuis le début d’année où on voyait 25 photographes sur une ligne d’arrivée. On n’a pas le droit. La loi française, c’est six personnes. Il y a eu des moments où il y a eu plus de regroupements. On a mis les choses en place pour essayer de rattraper ça. Dans la montée du Ventoux, on ne pouvait pas surveiller à 100%. Le huis clos commençait à 8h du matin. Si on n’avait pas eu ce huis clos, je ne sais pas combien de dizaines de milliers de personnes on aurait eu. Les gens ne sont pas venus car on a communiqué sur un huis clos. J’ai parlé avec le député du Vaucluse qui m’a raconté qu’il s’est arrêté dans la montée. Il était un des nos invités dans une voiture pour venir voir ce qui se passe. Les gens, dans le froid, sont venus à 8h assis au bord d’une route. C’est énorme. Ca veut dire que le Tour de la Provence a franchi un vrai palier cette année et qu’il faut maintenant en tenir compte. C’est très important.

« LE PROBLÈME DE LA SÉCURITÉ VA PLUS LOIN QU’UN TWEET D’UN COUREUR SUR LES RÉSEAUX »

As-tu été touché par ces quelques remarques sur la dangerosité de certains finals d’étapes ?
Bien sûr. Nous, on a été franchement exemplaires cette année. Je n’en ai pas de honte. Je peux vraiment l’assumer et ça m’a vraiment fait mal au cœur quand je vois certains commentaires sur Twitter de certains coureurs. Sur la première étape, on a explosé le rond point à 400 mètres de la ligne pour 30 000 euros à notre charge. Le deuxième jour à Manosque, c’est quatre kilomètres d’îlots directionnels et de dos d’ânes qui ont été enlevés. À Salon-de-Provence, ce sont les quatre derniers kilomètres qui sont nickels. Ce budget-là, cette priorité-là, il faut réfléchir demain comment on peut l’anticiper et pas avoir à mettre tous les ans 300 ou 400 000 euros de travaux. Je pense que le problème de la sécurité va plus loin qu’un simple tweet d’un coureur sur les réseaux. C’est vraiment un problème auquel il faut s’adapter. On est un exemple pour le sport cycliste, mais on doit aussi être l’exemple de la mobilité. Avec Marion, on a une réflexion qui se pose sur comment laisser un héritage une fois qu’on est passé dans une ville. C’est très important. L’épreuve est finie, on est en train de tout remballer. Demain, on n’aura plus de traces de notre passage. La pratique du vélo est de plus en plus importante. Marion a eu une magnifique idée que je vais essayer de mettre en place avec elle et qu’on annoncera dans quelques jours pour pouvoir faire du cyclisme un exemple aussi par rapport à la mobilité et au développement durable.

Avez-vous des retours positifs des équipes ?
99% des coureurs et des équipes sont hyper satisfaits. Très peu d’organisateurs font ce qu’on a fait. L’arrivée à Six-Fours, si je ne casse pas le rond-point, je sais que j’ai une chute. Ce n’est pas un coureur qui va chuter mais 40 mecs par terre. Il y a très peu d’organisateurs qui auraient mis 30 000 euros sur la table pour payer ces travaux. Le lendemain, Matteo Trentin a parlé à Marion (Rousse) pour lui dire merci. L’histoire de cette polémique avec l’îlot, il nous dépasse largement. Sur cet îlot, il y a un gendarme. La photo ne montre pas le champ complet. C’est un gendarme de la garde républicaine qui fait le Tour de France. Donc ce ne sont pas des gens qui vont inventer quoi que ce soit. C’était signalé. On en a parlé, peut-être qu’il aurait fallu juste mettre une botte de paille, mais le problème aurait été le même. Il y aurait peut-être eu plus de chutes. Je ne veux pas rentrer dans ce jeu-là. Avec Marion, on a notre conscience tranquille. Si tout le monde fait ce qu’on fait, je serai rassuré. La polémique de ce coureur, ça me passe au-dessus. J’ai des relations et Marion encore plus avec des coureurs qui sont très proches. S’il y avait des choses qui n’allaient pas, on l’aurait su, on nous l’aurait dit.

Comment envisages-tu l’avenir ?
Déjà, il va falloir attendre encore quelques semaines avant de voir ce qu’il va se passer avec ce Covid. Personne ne peut prédire si dans un an, on en sera sorti. Le deuxième élément est qu’on se pose des questions sur le futur. Ça peut aller du nombre de jours à la catégorie de la course. On a des scores de télévision qui sont énormes. On réfléchit avec Marion si on doit franchir ce palier de déposer une candidature pour le WorldTour.

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