Rétro : Le sentiment d'injustice au moment du deuxième confinement

Crédit photo Amélie Barbotin

Crédit photo Amélie Barbotin

L’année 2020 restera dans tous les esprits. Un mot à lui seul pourrait résumer cette saison pas comme les autres : coronavirus. Organisateurs, staff, coureurs, bénévoles ou simples passionnés : toutes et tous ont été grandement impactés par ce violent tremblement de terre dont les premières grosses secousses ont été ressenties début mars, et qui n’a depuis guère laissé de répit. À l’occasion de ces derniers jours de l’année, DirectVelo vous propose de revenir sur quelques-uns des événements marquants de cette année pas comme les autres, afin de comprendre comment les acteurs du monde du cyclisme ont vécu cette période si particulière.
Dernier rendez-vous avec les coureurs de 2e catégorie de N2 et N3 qui ne rentraient pas dans les clous pour être autorisés à s’entraîner à l’occasion du début du deuxième confinement.

"Au début, j’ai trouvé ça un peu normal que les pros et les N1 puissent rouler. Mais je croyais que ça allait aussi passer pour nous au bout d’un moment. Lorsque j’ai compris que ce n’était pas le cas, j’avais un peu les boules." Pour DirectVelo, Fabian Lemoine (UC Cholet 49) résume en quelques phrases l’état d’esprit qui a traversé de nombreux coureurs cyclistes amateurs cet automne, à l’occasion du deuxième confinement. Celui de se retrouver à la marge, et de constater que les meilleurs bénéficient d’un traitement privilégié.

Tout est parti d'une dérogation, obtenue le 6 novembre dernier par la Fédération Française de Cyclisme auprès du ministère des Sports (lire ici), permettant d'élargir aux coureurs de N1 et de 1ère catégorie la possibilité, offerte depuis le début du confinement aux professionnels et aux sportifs de haut niveau, de s’entraîner en extérieur sans limite de temps ni de kilomètres. Cette situation a été mal comprise par ceux qui n'en bénéficiaient pas, dont les licenciés de 2
e et 3e caté. Parmi eux, Fabian Lemoine, 2e catégorie à l'UC Cholet 49 en Nationale 2, forcé de rester à la maison, alors que son frère Gaëtan, sociétaire du VCP Loudéac (N1), pouvait rouler normalement.

« DÉJÀ QU'IL EXISTE UNE DIFFÉRENCE DE NIVEAU ENTRE NOUS...»

Un sentiment d’injustice ressenti par ces coureurs, qui s’entraînent autant que leurs collègues de N1, et disputent, comme eux, les Elite Nationale. "Ce sont des mecs que je vais affronter dès la reprise des compétitions, déplore Hugo Ferron, 22 ans, membre du VS Valletais (N2). J’ai vraiment trouvé ça injuste." La crainte, aussi, de prendre du retard dans leur préparation, dans une période de l’année qui marque, pour certains, la fin de la coupure hivernale. "C’est débile, estime pour sa part Davy Romian, licencié à La-Roche-sur-Yon Vendée Cyclisme (N2). Déjà qu’il existe une différence de niveau entre nous, alors si en plus on ne peut plus rouler…" Fabian Lemoine va dans le sens du coureur de 26 ans : "C’était comme s’ils prenaient déjà de l’avance sur nous…".

"Beaucoup de coureurs ont dû décaler leur reprise à début décembre, poursuit Davy Romian. Ça a nécessité des aménagements de la part des entraîneurs. Ils nous ont dit qu’il fallait prendre son temps, et ne pas s’affoler." Le Vendéen, qui revenait alors de vacances à La Réunion, a ainsi suivi ces conseils. "J’avais fait de la randonnée là-bas, et ça m’avait bien plu. C’est quelque chose que je ne faisais pas avant. Du coup, j’ai recommencé en rentrant chez moi pour compenser."

En plus du physique, il a également fallu gérer l'aspect mental d'un nouveau confinement, qui apporte son lot d’angoisses et d’incertitudes pour ces compétiteurs. Fabian Lemoine l'a particulièrement ressenti, à l’inverse d'ailleurs d’un Hugo Ferron qui confesse ne pas avoir été "particulièrement chamboulé". Le coureur de l’UC Cholet 49 développe : "J’ai réussi à prendre sur moi, mais il ne fallait pas non plus que ça dure trop longtemps. Un mois, ok, mais pas trois ou quatre." Il tente toutefois de retirer du positif de cette situation. Selon lui, "heureusement que c'est tombé au mois de novembre, et pas en février avant de reprendre les courses. Là, ça aurait été beaucoup plus gênant."

HOME-TRAINER ET COURSE À PIED POUR COMPENSER

La nécessité de trouver des alternatives aux sorties sur route, à trois mois des premières courses, s'est alors rapidement imposée. Et elles ne manquaient pas. Pour beaucoup, c’est le home-trainer qui a été privilégié. "Il m’a bien servi lors de ces deux confinements, reconnaît tout de même Fabian Lemoine. J’étais sur Zwift, ça m’a permis de travailler différemment. Je profitais aussi de l’heure de sortie réglementaire pour faire des petits critériums autour de chez moi. J’ai pu redécouvrir certains endroits de ma ville." Des exercices dans le garage qui n’ont toutefois pas plu à tout le monde, à l’instar d’Hugo Ferron, alors réticent à l’idée de repartir sur un long cycle d’entraînement en intérieur. "J’en ai trop fait lors du premier confinement, avance-t-il. Ça ne m’amusait plus. J’avais surtout envie de conserver ce côté ludique dans la pratique sportive."

Il a ainsi mis à profit son service-civique au sein d’un organisme sportif pour se détourner un temps du cyclisme sur route, en animant "des ateliers VTT dans les collèges et les lycées. Ça m’a permis de m’entraîner avec des jeunes, tout en maintenant ma condition physique." Et histoire de "varier les activités", Hugo Ferron a également repris la course à pied, une discipline qu'il a "l'habitude de pratiquer l'hiver." L’occasion, enfin, d’axer davantage sur la PPG, la fameuse Préparation Physique Générale d’avant-saison, importante pour muscler le corps après une période de coupure. "Je l’ai prise plus sérieusement que les autres années, poursuit-il. J’y prends plus de plaisir qu’avant. Ça m’a permis de mieux connaître mon corps."

Le retour sur route est finalement arrivé le 28 novembre, après l'élargissement du rayon des activités physiques, qui rendait possible une sortie sur route de 3 heures. "Une vraie joie", pour Fabian Lemoine. Et le petit retard de préparation par rapport aux 1ère catégorie ne semble d'un coup plus insurmontable. Davy Romian se dit "serein" sur sa capacité à arriver en forme pour la saison 2021. "On ne sait pas trop quand les compétitions vont reprendre, du coup, ce n’était peut-être pas plus mal. Il n’y a pas à s’affoler. On verra peut-être des différences au début, mais ça va vite se combler." Hugo Ferron abonde : "J'espère que je vais avoir le temps de rattraper ce retard. Je suis optimiste".

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