Rétro : Ils ont zwifté sur la vague

Crédit photo Zwift

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L’année 2020 restera dans tous les esprits. Un mot à lui seul pourrait résumer cette saison pas comme les autres : coronavirus. Organisateurs, staff, coureurs, bénévoles ou simples passionnés : toutes et tous ont été grandement impactés par ce violent tremblement de terre dont les premières grosses secousses ont été ressenties début mars, et qui n’a depuis guère laissé de répit. À l’occasion de ces derniers jours de l’année, DirectVelo vous propose de revenir sur quelques-uns des événements marquants de cette année pas comme les autres, afin de comprendre comment les acteurs du monde du cyclisme ont vécu cette période si particulière.
Ce vendredi 26 décembre, coup de projecteur sur les plateformes virtuelles qui ont occupé une grande partie du confinement des coureurs.


Volcan, mer ou encore jungle… Plongés dans un univers virtuel, les coureurs ont pu oublier - en partie - pendant deux mois la morosité du quotidien. Dès le confinement, le 17 mars dernier, Watopia a été le nouveau terrain de jeu des cyclistes privés de sorties sur la route. Si Zwift connaissait déjà un fort succès dans les pays anglo-saxons, l’application créée en 2014 en Californie avait plus de difficultés à décoller en France. Romain Campistrous a lui été un pionnier du home-trainer connecté. "J’en fais depuis quatre ans. A l’époque, tout le monde disait que c’était nul, et aujourd’hui ce sont les mêmes qui me demandent des conseils", confiait le pensionnaire de l’AVC Aix-en-Provence, au printemps dernier. Avec le confinement, les home-trainers se sont arrachés. Comme les abonnements en ligne où professionnels, amateurs, cyclosportifs ou monsieur tout-le-monde ont pu s’affronter sur Zwift ou Bkool notamment.

DES NÉOPHYTES FACE AUX HABITUÉS

Zwift n’avait aucun secret pour Louis Coqueret (UVC Charleville-Mézières), un des coureurs amateurs les plus efficaces sur la plateforme. “J’en ai fait pas mal ma première année Juniors, en 2018, après les cours. Je n’avais pas trop le temps de m'entraîner avec le lycée. Ça m’avait bien plu, alors dès le début du confinement je m’y suis remis”, indique l’Ardennais de 19 ans. Mathieu Pellegrin, adepte lui aussi avant la Covid-19, avait beaucoup pratiqué il y a deux ans après s’être cassé les deux épaules. “En règle générale, je passe pas mal de temps sur mon vélo cloué sur le sol de mon salon, fait savoir le sociétaire du SCO Dijon. Je faisais déjà partie avant le confinement des gars qui n’étaient pas dérangés par le home-trainer. Quand le temps est mauvais, ce qui arrive souvent à Dijon, je ne me pose pas très longtemps la question…”.

Ce printemps, d’autres n’ont pas hésité longtemps à prendre un abonnement aux différentes plateformes virtuelles pour rendre l’entraînement moins rébarbatif. “J’ai découvert Zwift pendant le premier confinement. Avant, je ne connaissais pas, et je dois dire que j’ai beaucoup apprécié !”, assure Jacques Lebreton qui s’est rapidement fait remarquer par ses performances virtuelles. Certains néophytes n’ont pas eu la même réussite. "En fait, le niveau est bien plus élevé sur les courses amateurs virtuelles que sur le Tour de France”, avait ironisé Lilian Calmejane le 29 mars, dans un message sur l’application Strava. Ce jour-là, le coureur de Total Direct Energie avait abandonné lors d’une course appelée « La frenchy Fusion Fondo ». 1300 cyclistes y participaient, et plusieurs professionnels ne comprennent alors pas comment ils ont pu être dominés par des coureurs dont le cyclisme n’est pas le métier.

DE LA TRICHE ?

Les performances de certains athlètes étaient clairement remises en cause. “Je ne prends pas à cœur le fait que l’on puisse m’accuser de tricherie. Je ne me vexe pas, ça me fait même plutôt rire. Les pros dominent leur discipline sur la route mais ici, c’est un autre environnement qu’ils ne connaissent pas”, avait expliqué à DirectVelo Pierre Almeida (Charvieu-Chavagneux IC), très à l’aise sur les plateformes virtuelles. Contrairement aux apparences, pédaler sur Zwift, c’est très tactique insistent les puristes. “Si vous êtes en peloton et que vous avez le malheur de prendre dix mètres, contrairement à la route, ce sera quasiment impossible de revenir dans les roues”, avait expliqué Romain Campistrous au site medium.com. “Il ne faut pas oublier que ça reste un jeu vidéo”, précise Thomas Chassagne pour DirectVelo. “Il faut avoir bien compris comment fonctionne l’appli. Ce n’est pas comme du vrai vélo. C’est pour ça qu’il peut y avoir une grande différence de niveau sur Zwift pour des coureurs avec des qualités similaires”, ajoute Jacques Lebreton.
Thomas Chassagne, qui pratiquait depuis trois ans, a choisi d’arrêter les courses virtuelles. “Tu disputes des courses avec Luis Leon Sanchez ou d'autres pros, et tu finis devant eux, sourit-il. Alors pour moi, ce n'était pas du tout représentatif du vélo sur route. Il faut garder les pieds sur terre”.

Si les professionnels ont pu être battus à la pédale, toutes les performances n'ont pas été honnêtes. Le 5 avril, Romain Feillu met en ligne une vidéo où il fait avancer son avatar grâce à un aimant posé dans un panier à salade. L’ancien maillot jaune du Tour de France apporte alors la preuve qu’il est simple de performer sans transpirer. Pour ceux qui ne disposent pas d’une essoreuse, il suffit de diminuer son poids. “Tu le baisses de cinq kilos et ton avatar s’envole dans les bosses, se marre Mathieu Pellegrin. A partir du moment où il y a un classement, il y a des mecs qui sont tentés de tricher !”.

Un groupe de cyclistes amateurs s’est fait épingler fin avril. “On a fait de la merde. On a trouvé une astuce pour débloquer des vélos (Les coureurs cumulent des points et débloquent des niveaux et des équipements, NDLR). Mais ça s'est vu”, indique un des garçons concernés. “Après cette histoire, nous sommes repartis avec le matériel de base. Et on a quand même gagné des courses Zwift”, tient à préciser Thomas Chassagne qui faisait partie de la petite bande.

DE LA FIERTÉ

Pour Jacques Lebreton, il y a toutefois peu de triche volontaire. “Il peut y avoir tellement de différences entre deux home-trainers que ça joue beaucoup sur les courses”. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il faut selon lui relativiser chaque performance. “Mais tu te prends vite au jeu, reconnaît de son côté Mathieu Pellegrin. Quand tu prends le départ d’une course Zwift, même si tu sais que ce n’est pas la vie réelle, tu as le cœur qui monte avant de t’élancer. Quand tu te donnes à 100%, que ça soit dans la vie de tous les jours, sur le bitume ou sur Zwift, et que ce que tu entreprends fonctionne, tu es fier de toi”. Louis Coqueret reconnaît le “plaisir d’avoir un résultat” tout en tempérant. "Ça n'a quand même rien à voir avec une vraie course”, estime le futur coureur de Leopard Pro Cycling.

Le niveau, très élevé pendant le printemps, a embelli les victoires. “80% du peloton utilisait la plateforme et en plein mois d’avril, beaucoup étaient en forme, rappelle Jacques Lebreton. Le niveau était incroyable. Il est donc clair que lorsqu’on faisait un résultat on était content même si au final, je pense qu’il faut rester plus dans un esprit de « jeu divertissant » plutôt que de vraie compétition”.

4100 KILOMÈTRES SUR ZWIFT

Le piège de trop en faire existait bel et bien selon plusieurs coureurs. “Des records de puissance sont tombés pour pas mal d’athlètes et ça a motivé des mecs à continuer de progresser encore davantage, pense Jacques Lebreton. Vu qu’on a appris la date de reprise assez tardivement, peut-être que certains voulaient garder la forme et ont couru quasi tous les deux jours….”. Lui a préféré se limiter à deux courses maximum par semaine. “Nous ne sommes pas forcément habitués à faire autant de home-trainer et entre la position et les sels minéraux qu’on perdait... L’effort est extrêmement violent sur 45min à 1h en moyenne”, fait savoir le grimpeur de l’EC Saint-Etienne Loire.

Mais difficile de se freiner alors que la saison sur route avait à peine débuté. Du côté du SCO Dijon, l’entraîneur Paul Herman avait demandé aux coureurs de couper une semaine au début du confinement. Mathieu Pellegrin a réussi à respecter le plan une journée avant de monter sur son home-trainer. “J’avais besoin de consommer mon énergie !”, confie le Réunionnais. Pendant le confinement, il a fait 120h et 4100km de Zwift. “Dans mon entourage, je ne connais personne qui a passé plus de temps sur son home-trainer. Ce n’était pas forcément dans un but de progression mais plutôt car j’en avais besoin. Rester enfermé et assis sur mon canapé toute la journée m’est impossible”. Alors il a fait jusqu’à trois courses par jour pendant une semaine. “C’est bien moins long qu’une course sur le bitume mais plus intense. A la fin de la semaine, j’étais cuit. J’ai dû lever le pied au moins quatre ou cinq jours pour récupérer !”. Car si les courses sont virtuelles, l’effort est lui bien réel. 

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