Léo Vincent : « Je n’ai pas envie de baisser les bras »

Crédit photo Zoé Soullard / DirectVelo

Crédit photo Zoé Soullard / DirectVelo

Retour à la case départ pour Léo Vincent. Suite à quatre saisons passées au plus haut niveau mondial, à la Groupama-FDJ, le Bisontin a appris qu’il n’était pas conservé par la structure WorldTour. Après avoir furtivement envisagé de mettre un terme à sa carrière à la suite de cette déception, l’athlète de 25 ans a fait le point et s’est décidé à continuer la compétition en N1 dans un club qu’il connaît très bien, le CC Étupes, où il évoluait déjà avant de passer pro. L’objectif est clair pour l’ancien vainqueur d’étape sur la Ronde de l’Isard ou le Tour des pays de Savoie : retrouver une place chez les pros dès 2022. Mais la tâche s’annonce ardue et l’ancien 18e d’un Critérium du Dauphiné en a bien conscience, raison pour laquelle il va également se lancer dans une formation en parallèle de sa pratique du cyclisme. Histoire d’assurer ses arrières. Entretien.

DirectVelo : Ton aventure chez les pros s’est arrêtée il y a tout juste un mois, sur les routes de Paris-Tours…
Léo Vincent :  J’ai connu une saison 2019 compliquée à cause de problèmes digestifs. Je n’ai pas pu m’exprimer à 100%. On n’a pas forcément trouvé de raison médicale à ces problèmes de ventre. J’ai fait un malaise sur une étape du Tour de Pologne 2019. C’est un mauvais souvenir. Je me suis écroulé juste après la ligne et je suis tombé dans les pommes. On a cherché les raisons de ce problème mais on n’a rien trouvé. J’étais vraiment mal pendant plusieurs semaines, je n’ai pas fini une course sur la fin de saison, après ça. Il m’a fallu pratiquement cinq semaines de repos complet à la maison pour récupérer car malgré des nuits de dix heures, j’étais toujours fatigué et presque incapable de faire quoi que ce soit. L’hiver suivant s’est plutôt bien passé malgré tout. J’ai pris le temps de bien couper puis je me suis concentré sur 2020. Mais il y a vite eu ce confinement et ça a commencé à me foutre la trouille car je me savais en fin de contrat. Je n’ai pas eu le temps de bien m’exprimer sur la fin de saison mais je pense que c’est surtout cette fameuse saison 2019 qui m’a fait du tort.

Quand as-tu compris que tu n’allais pas être conservé à la Groupama-FDJ ?
J’ai appelé Marc (Madiot) deux fois pendant le confinement pour connaître la situation. Une semaine avant la reprise des courses, il m’a dit qu’il y avait plus de chance que ce soit “non” que “oui” pour une prolongation de contrat. J’ai donc pris un agent, Christophe Le Mével, pour qu’il me mette en lien avec d’autres équipes car je n’avais aucun numéro de téléphone… J’avais besoin d’aide et de conseils. Mais malheureusement, tout ça s’est fait assez tard. J’ai appris que je n’allais pas être conservé durant le Binck Bank Tour, début octobre.

« ON M’A LAISSÉ DANS LE FLOU »

Lors du dernier mois et demi de compétition, tu as principalement disputé des courses d’un jour françaises...
Initialement, mon programme était vraiment bien. Je devais faire le Tour de Lombardie et le Tour d’Italie. Mais je me suis cassé la gueule la veille de ma course de reprise, les Strade Bianche. C’était une belle “boîte”. Je me suis retrouvé dans le dur. Puis on m’a fait courir alors que j’étais malade et fiévreux, sur la Brussels Classic. Par la suite, on a jugé que je n’étais pas apte pour le Tour d’Italie, je suis sorti de la sélection. Il a ensuite été envisagé que je sois sur le Tour d’Espagne mais là aussi, je me suis retrouvé remplaçant et même complètement écarté d’une possible sélection.

Il y a encore deux ans, tu enchaînais les grandes courses WorldTour du calendrier : Tour du Pays Basque, Flèche Wallonne, Liège-Bastogne-Liège, Tour de Romandie, Critérium du Dauphiné ou encore le Tour d’Espagne où tu avais accompagné Thibaut Pinot…
J’ai toujours navigué de groupe en groupe, mais ça me plaisait. J’ai bossé avec Thibaut (Pinot), souvent avec David (Gaudu), Rudy (Molard), mais aussi avec Arnaud (Démare) ou Marc (Sarreau). J’aimais ces différentes expériences. Mais ces derniers temps, j’ai bien senti que je sortais du “groupe”. C’est comme ça… Ce qui me déçoit surtout, c’est la façon dont ça s’est terminé.

C’est-à-dire ?
Je n’ai pas eu un coup de téléphone depuis la fin de saison. Je ne comprends pas trop d’avoir été écarté comme ça… Je peux comprendre que l’on ne me conserve pas. Avoir un sportif qui dit avoir des problèmes d’estomac et que l’on doit croire sur parole, ce n’est pas simple. Mais j’aurais aimé qu’il y ait un dialogue, ou que l’on me dise plus tôt, dès le confinement, que ça n’allait pas le faire. On m’a laissé dans le flou.

« DANS MA TÊTE, C'ÉTAIT FINI »

Tes résultats n’étaient sans doute pas suffisants...
J’ai envie de me relancer et de me tester à nouveau sur une année complète. Le niveau, je pense que je l’ai. Mes performances étaient sans doute en dessous de ce que l’équipe pouvait attendre de moi mais c’était une année compliquée pour tout le monde. J’aurais aimé avoir le soutien de l’équipe. Tout ça aurait pu m’aider. Là, j’avais plutôt le sentiment de courir après quelque chose que je n’allais pas avoir. Peut-être qu’avec un vrai soutien, ça se serait passé autrement. Vu les problèmes que j’ai connus, on aurait pu me laisser une deuxième chance. Juste une année pleine, pour voir.

As-tu eu le temps d’espérer convaincre une autre formation professionnelle avant de t’engager dans une N1 ?
J’avais quelques touches, mais c’était une période spéciale. Sur les dernières courses, je pensais plus au fait d’obtenir un contrat qu’aux courses elles-mêmes. Je n’y allais pas avec la grosse rage nécessaire. J’étais partagé, je me demandais ce que j’allais faire si je ne signais pas un nouveau contrat professionnel. Ce n’était pas une période évidente à gérer. Quand j’ai su que ça ne le ferait pas chez les pros, je comptais arrêter. Sur les toutes dernières courses, dans ma tête, c’était fini. J’avais énormément de mal à aller m’entraîner, je n’arrivais pas à me dire qu’il faudrait retourner chez les amateurs.

Qu’est-ce qui t’a décidé à changer d’avis ?
J’ai posé le vélo pendant un moment. J’ai coupé et j’ai pris le temps de réfléchir, avec mes proches. On en est arrivé à la même conclusion : ce serait dommage de mettre un terme à ma carrière si jeune, car je ne suis pas encore vieux (sourire). J’ai pesé le pour et le contre et je me suis dit qu’il fallait essayer.

« PROUVER ASSEZ VITE QUE MA PLACE EST CHEZ LES PROS »

Tu t’es engagé avec ton ancien club, le CC Étupes. Était-ce une évidence ?
J’ai vite contacté Boris (Zimine, directeur sportif du CC Étupes, NDLR). Mais j’ai aussi été en contact avec Bourg-en-Bresse (avec Christian Milesi, NDLR). Je les remercie tous les deux de m’avoir fait confiance. Je suis heureux de retrouver mon ancien club. J’ai envie de repartir de l’avant. Si j’avais été remercié du monde pro parce que je n’avais plus le niveau, j’aurais arrêté le vélo. Mais ce n’est pas le cas. Je suis loin d’être à l’agonie. Je me sens encore capable de faire de bonnes choses, je n’ai pas envie de baisser les bras. Je veux montrer ma vraie valeur. Je pense être en mesure d’avoir une deuxième chance chez les pros.

Comment imagines-tu ce retour dans le peloton des amateurs après quatre saisons en WorldTour ?
Ce sont deux mondes différents. Il va sûrement y avoir un temps d’adaptation. Et puis, il y a toujours ce covid qui pourrait perturber la saison amateur. J’espère que le calendrier ne sera pas trop impacté. Il va falloir être prêt tôt et prouver assez vite que ma place est chez les pros. Je vais bosser dur, encore plus dur que je ne le faisais jusque-là. Je vais tenter de nouvelles choses, en incluant par exemple des séances de musculation dans mon programme, ce que je ne faisais jamais jusque-là. Je pense aussi inclure de longues sorties collectives à l’entraînement, avec d’autres mecs d’Étupes, pourquoi pas (il habite toujours à Besançon, NDLR). Je sais que chez les amateurs, il faut être complet. Il n’y a pas forcément besoin de cibler une course ou une autre en particulier. Il faudra prendre toutes les courses comme elles viendront. Mais je n’aurai pas de temps à perdre. Si je veux repasser pro, ce doit être en 2022 et pas plus tard. Il faudra tout donner.

Il pourrait donc aussi s’agir de ta dernière saison sur le vélo…
Je vais jouer sur les deux tableaux. Ma carrière peut s’arrêter très vite, j’en ai conscience maintenant que je suis devant le fait accompli (sourire). Je ne ferai pas du vélo à 100% l’an prochain. Je vais entamer un processus de formation pour préparer une éventuelle reconversion. Je ne sais pas encore exactement dans quel domaine. J’ai deux-trois idées, des envies, mais il est trop tôt pour prendre une décision. Ce qui est sûr, c’est que je vais concilier une formation et le vélo.

Mots-clés

En savoir plus

Portrait de Léo VINCENT