Daniel Mangeas : « Le lien social me manque »

Crédit photo DirectVelo

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Daniel Mangeas prend son mal en patience, lui aussi. Présent aux quatre coins de l’Hexagone depuis près d’une demi-siècle pour commenter les courses cyclistes, le speaker normand n’a pas pu se rendre sur la moindre course depuis plus de deux mois. Contraint et forcé au repos, à la maison, il n’a qu’une hâte : retrouver les courses en août prochain. “Si tout va bien”. Entretien pour DirectVelo.

DirectVelo : Te voilà contraint de rester à la maison, privé de compétitions et donc de micro !
Daniel Mangeas : Je n'ai jamais connu une telle période de vacances depuis mon adolescence (rires). J'ai eu le temps de faire toutes les épreuves françaises de février, puis le Samyn, le GP de Lillers, et c'était fini. J'ai profité de cette période pour faire du sport, de la lecture... Je me suis occupé comme j’ai pu mais forcément, ça fait drôle. Je n'ai pas souvenir d'avoir connu une période si longue sans aller sur le terrain.

Comment vis-tu cette situation ?
Le vélo me manque. Le fait d'être aux commentaires, bien sûr, mais aussi tout simplement le fait de ne pas voir tous ces gens qui avec je me suis lié d'amitié au fil de ces 45 années dans le métier. Que ce soit avec les organisateurs, les bénévoles, les anciens coureurs, les coureurs actuels... Le lien social me manque.

As-tu trouvé de quoi t’occuper durant ces deux mois de confinement ?
Je me suis mis à faire du sport deux heures par jour ; du vélo d'appartement, de la marche... Je m'occupe bien. C'est surtout ma valise qui est sous-antidépresseurs car elle avait l'habitude d'être sur les routes sans arrêt (rires).

« RÉ-APPRENDRE À RÉGIONALISER LE CYCLISME »

Cette période t’a-t-elle donné des éléments de réponse quant à une possible retraite, et donc à une vie sans micro ni podium protocolaire ?
Je suis pris par deux sentiments. D'un côté, il y a un mois, je me disais que finalement, c'était “bien”. Je me suis retrouvé dans la vie d’un retraité, avec mes petites habitudes et mon calendrier bien établi. Mais depuis que les premières dates du nouveau calendrier de l'UCI sont sorties, je me suis à nouveau projeté sur la suite. Je pense qu'il me faudrait un dosage entre les deux : ne plus avoir une vie aussi trépidante que par le passé, mais sans complètement arrêter non plus. Le cyclisme est une telle passion pour moi ! J'en ai besoin. Même si j'avais un dimanche à la maison, sans course, je prendrais du plaisir à aller sur une 2.3.J près de la maison. Des plus grandes aux plus petites courses, je prends toujours le même plaisir à me déplacer et à voir les copains. Pas en tant que commentateur, mais simplement en tant qu'amoureux du vélo.

Tu as dû profiter de ces longues semaines à la maison pour revoir quelques rétrospectives diffusées à la télévision…
J'ai revu avec plaisir des étapes qui m'ont marqué à l'époque. Je pense au chrono entre Fignon et Lemond de 1989, à l'arrivée entre Lemond et Hinault à l'Alpe d'Huez, ou encore aux différents succès d'étapes de Richard Virenque... En revoyant des étapes du Tour de France des années 70 ou 80, j'ai réalisé à quel point il était plus facile à l'époque d'identifier les coureurs, en tant que téléspectateur. Sans le casque ni les lunettes, on ressentait bien mieux l'émotion sur le visage des coureurs.

Comment imagines-tu la future reprise des compétitions ?
Peut-être faudrait-il en profiter pour ré-apprendre à régionaliser le cyclisme, notamment chez les amateurs. À une certaine époque, les coureurs amateurs étaient de vraies stars en Bretagne ou en Normandie, car ils étaient tout le temps dans le coin pour performer et se montrer. Aujourd'hui, les clubs amateurs sont aux quatre coins de la France sans arrêt. Pour les partenaires qui n'ont pas une envergure nationale, c'est sans doute plus dur de s'y retrouver maintenant. Il faut renouer avec nos racines, même s'il y a du bon et du moins bon à toutes les époques. Il ne s'agit pas de dire que c'était mieux avant. Il faudrait simplement recréer un lien plus fort entre le public local et les champions du coin. Comme avant, lorsque tous les coureurs d'une région pouvaient profiter d'un cyclisme de proximité et s'identifier aux grands noms de la région... Actuellement, il arrive que certains coureurs ne disputent pratiquement aucune course dans leur région et je trouve ça dommage.

« CES MOMENTS D'INACTIVITÉS REMOBILISENT »

D’un point de vue économique, comment vois-tu les mois et les années à venir dans le monde du cyclisme ?
J'imagine que ça risque d'être encore compliqué en 2021 pour certaines équipes ou certains organisateurs. Il faudra du temps pour que tout se remette en place, mais je pense que ça ira. Mais, encore une fois, il est plus que jamais urgent d’entretenir les racines. J'aimerais que l'on redonne des couleurs au cyclisme régional. D’une façon globale, je reste confiant. Ces moments d'inactivités remobilisent. Nous allons avoir des organisateurs surmotivés et prêts à repartir de plus belle l’année prochaine.

La Polynormande, épreuve qui t’es particulièrement chère, n’aura finalement pas lieu cet été…
C’est une fête populaire. Il y a la compétition mais aussi le côté festif. Ces deux aspects sont indissociables, d'où le fait d'avoir annulé l'édition 2020. L’organisation ne pouvait pas se permettre de faire les choses au rabais. Ce sera partie remise pour 2021 !

T’imagines-tu sur les routes en août prochain ?
De ce qu'on en voit depuis quelques jours, on a l'impression que ça s'améliore, même s'il faut rester prudent. Alors oui, si tout va bien, c’est le but. Je ne me fais pas de soucis pour des courses comme le Tour de France ou le Critérium du Dauphiné. Plus généralement, je ne suis pas trop inquiet pour la fin de saison et notamment pour ce mois d'août très chargé en France. Je me prépare déjà pour les prochains rendez-vous. Je vais vite prendre mon billet de train pour l'Occitanie (sourires), puis pour le Mont Ventoux, pour le Tour de l'Ain...  Retrouver un peu de vélo, ça va signifier retrouver un peu de vie, en quelque sorte. On a besoin de vivre de passion et pour l'instant, on est privé de notre passion... Le calendrier sera intense. Tout va s'enchaîner très vite, y compris entre la route et le cross. De mon côté, ça va. J'ai l'impression que toutes les pièces du puzzle s’emboîtent parfaitement les unes dans les autres et il ne devrait pas y avoir de doublon dans ce nouveau calendrier.

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