Emilien Viennet : « Ça serait une belle histoire »

Crédit photo Jean-Michel Ruscitto - DirectVelo

Crédit photo Jean-Michel Ruscitto - DirectVelo

Emilien Viennet est de retour. Du moins, virtuellement pour le moment. Absent des pelotons depuis juin 2016, le Franc-Comtois de 28 ans a fait parler de lui ces derniers jours sur les plateformes virtuelles. Devenu restaurateur, l’ancien coureur de la FDJ s’est fixé un défi : reprendre la compétition et aller le plus loin possible. “J’ai réussi professionnellement. Pourquoi pas désormais réussir un beau défi dans le vélo ? J’ai envie d’aller au bout des choses”, confie-t-il à DirectVelo.

DirectVelo : Tu as fait parler de toi ces derniers jours !
Emilien Viennet : Je fais du vélo en ligne depuis six mois. En fait, j’ai ouvert un restaurant à Besançon il y a un an, et je n’avais pas trop de temps pour faire du sport en extérieur. Le home-trainer est un moyen rapide pour se dépenser. Zwift est ludique. Comme tous les compétiteurs, je me suis vite pris au jeu. Je fais des courses sur des plateformes depuis février. Au début, je faisais ça avec deux-trois potes puis j’ai retrouvé des coureurs fréquentés quand je courais. C’est marrant. Il y a par exemple un coureur comme Samuel Plouhinec avec qui je croisais le fer quand j’étais au CC Étupes. 

Tu viens même de gagner une course par étapes...
En voyant qu’il y avait un bon niveau, je me suis inscrit à cette course. C’est moi qui ai donc mis le moins de temps à faire les différentes courses. C’est rigolo. Le format, avec un effort d’environ une heure, me correspond bien. On peut comparer ça au cyclo-cross. J’ai toujours eu ces qualités, alors je me suis assez rapidement adapté. On entend beaucoup de choses sur Zwift. Personnellement, je trouve que c’est un outil sympa. Je n’avais jamais fait plus d’une heure de home-trainer, et là je peux en faire deux heures sans voir le temps passer. Les courses, ça vaut ce que ça vaut… Il n’y a aucune comparaison à faire avec les épreuves sur route. 

« J’AI PLUS DE MATURITÉ »

Mais est-ce que ça ne te donne pas des regrets ?
J’ai arrêté le vélo précipitamment. Avec du recul, je me dis pas mal de choses… J’ai peut-être été trop pressé sur certains points. Je n’ai pas toujours fait les bons choix même si avec des si, on peut refaire l’histoire. Après ma carrière cycliste, j’ai voulu rebondir professionnellement. Aujourd’hui, j’ai un restau et des employés. Je suis un petit chef d’entreprise, je suis bien occupé. Mais je n’ai jamais arrêté de faire du sport. Bien au contraire puisque j’ai même l’impression d’en faire plus maintenant. Clairement, j’ai plus de maturité désormais.

Tu as manqué de maturité pendant ton passage chez les professionnels ?
Oui, je m’en suis rendu compte avec du recul (relire sa Grande Interview). J’avais la chance d’avoir des qualités physiques plutôt bonnes à 20 ans. Mais mentalement, je n’étais pas prêt à être pro. Je me rends compte que je n’ai pas perdu grand chose physiquement. J’ai le capteur de puissance qui me permet de le dire. J’ai toujours fait beaucoup de sports ces dernières années : de la course à pied, du trail, du ski de rando… Je me sens plus fort physiquement, et je suis donc plus mature. Alors je me dis “tiens…”. 

C’est-à-dire ?
Je me pose des questions quand je regarde mes données de puissance. Je ne suis pas loin des valeurs que j’avais au CC Étupes quand Julien Pinot m’entraînait. Pourquoi ne pas préparer des chronos par exemple. J’ai envie d’utiliser mes atouts pour viser quelques objectifs à moyen et long terme. Ça dépendra de la suite de cette crise sanitaire… Est-ce qu’il y aura des courses cette année ? Le sport risque de morfler. 

« VOIR JUSQU'OÙ JE PEUX ALLER... »

On pourrait t’imaginer courir d’ici la fin de saison ?
Oui (sourires), ça peut être une possibilité. Je ne vais pas le cacher, des clubs amateurs m’ont contacté ces derniers jours. Avant de vendre à emporter, nous avions fermé le restaurant pendant un mois, et ça m’a permis de faire du home-trainer à bloc. Physiquement, je suis bien surtout que j’ai fait beaucoup de ski de rando pendant l’hiver. J'ai la caisse. S’il y a des courses cet été, pourquoi pas profiter des beaux jours… J’ai envie de voir jusqu’où je peux aller. On ne sait jamais. Je suis encore jeune. Je suis plus mature et plus serein qu’à l’époque. J’ai fait des compétitions en ski de fond et en trail. Et même si j’avais des bons résultats, c’est sur le vélo où je me fais le plus plaisir. 

Tu dois avoir hâte de retourner t’entraîner sur la route…
J’ai pris du recul sur les choses. J’étais à fond dans le travail depuis que j’ai arrêté le vélo. Avec ma femme, on gère trois restaurants. Nous avons été la tête dans le guidon pendant trois ans. Avec le coronavirus, ce temps d’arrêt m’a rappelé l’importance de la compétition dans ma vie. Il y a un manque. Je vais revoir mes priorités quitte à embaucher un peu plus de personnes. Je vais m’autoriser plus de sorties de vélo. 

Avec quel objectif ?
Essayer de réussir à nouveau, aller au bout des choses. J’ai cette sensation de ne pas l’avoir fait. Je n’ai pas de regrets. J’ai grandi, et j’ai analysé les raisons de cet arrêt prématuré de la compétition. 

Pourquoi ça n’a pas marché ?
Chez les jeunes, j’ai eu la chance de réussir pratiquement tout ce que je voulais. Mais ça m’a joué des tours, en arrivant chez les pros, d’être dans la difficulté. C’est un monde différent. Il y avait un temps d'adaptation à respecter, et je n’ai pas été patient. Je n’étais pas serein, j’ai perdu pied. Ma première grosse claque dans le vélo est de ne pas avoir réussi mon passage chez les pros. Ça m’a bouleversé de me sentir régresser… Mais parfois, on progresse sans gagner. J’étais dans un engrenage, je n’avais aucun recul sur les choses. Avant je pensais que j’allais être bien si je gagnais, mais en réalité c’est l’inverse. On gagne que si on est bien dans la tête.

« SI J’AVAIS ÉTÉ MOINS TÊTE DE CON... »

C’est le discours d’un homme de 28 ans...
Je me sens mieux qu’à 20 ans, je suis moins fou-fou. Je n’étais pas du tout posé à l’époque. J’étais un gosse. Je n’étais prêt mentalement. Aujourd’hui, je sais ce que je veux dans la vie. Certains sont prêts à 20 ans… Pas moi. Je n’en veux à personne. Marc Madiot m’a toujours soutenu, il a eu des mots pour moi même après l’arrêt de ma carrière. Je me dis que si j’avais été moins tête de con, j’aurais fait des choses plus belles. Mais c’est la vie. 

Aujourd’hui, tu n’as pas besoin du vélo pour réussir dans la vie...
Ça m’enlève la pression qu’un jeune coureur peut avoir. J’ai réussi professionnellement. Pourquoi ne pas désormais réussir un beau défi dans le vélo ? J’ai envie d’aller au bout des choses comme je le disais. Mais, ça ne serait pas un échec de ne pas réussir. J’ai d’autres projets professionnels que je suis prêt à mettre en attente pour atteindre celui fixé dans le vélo.

Tu vas donc te donner du temps ?
Disons que je vais me donner les moyens, donc du temps. Je vais voir comment se passe la fin d’année. Je me suis donné du temps pour me préparer physiquement. Cette envie est venue naturellement. Je n’ai jamais été aussi affûté. Le trail m’a permis de développer des qualités. Je n’ai rien perdu. Un homme arrive dans la force de l’âge à 30 ans. Je ne suis pas non plus un vieux (sourires). Je me dis que ça serait con de ne pas en profiter. Je ne me mets aucune pression. Ça serait une belle histoire.

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