Stephen Delcourt : « Ne pas faire les difficiles »

Crédit photo Thomas Maheux

Crédit photo Thomas Maheux

La saison reprendra-t-elle cet été ? Voilà la question clef, dans le monde du cyclisme, à laquelle personne n’est actuellement capable de répondre. L’UCI, la FFC et toutes les différentes instances travaillent actuellement d’arrache pied pour tenter de proposer un semblant de saison aux coureurs, entre juillet et octobre. Mais, au vu de la situation sanitaire actuelle, rien ne peut garantir que le Tour de France ni toute autre course se déroulera comme espéré en 2020. “J’ai vite anticipé trois scénarios ; une reprise le 1er juillet, une reprise le 1er août, et une « saison blanche ». Dans les deux premiers schémas, on survit. Dans le troisième, je ne sais pas. On s’accrocherait bien sûr, mais on serait dans le dur”, concède le manager général de la FDJ-Nouvelle Aquitaine-Futuroscope, Stephen Delcourt, auprès de DirectVelo. Et ce scénario d’une fin de saison sans retour à la compétition ne doit pas être pris à la légère. “Si on ne reprend pas, ça va être catastrophique pour le vélo. Là, on n’aurait rien à vendre à nos sponsors”. Pour autant, l’espoir est encore permis. “Si le Tour de France a lieu, ainsi que quelques autres courses, le bilan ne sera pas du tout le même à la fin de l’année. Il faut aussi espérer un calendrier secondaire car si toutes les plus grosses ont lieu, je sais que notre équipe y sera invitée. Mais il faut penser aux autres formations qui ne seront pas sur les Classiques ou autre”.

Dans le monde du cyclisme féminin, beaucoup sont celles et ceux à s’inquiéter de la situation actuelle mais aussi de l’après. Ils supposent que les féminines souffriront plus encore que leurs homologues masculins. Stephen Delcourt n’est pas de cet avis. “C’est le cyclisme masculin qui doit et qui va sauver le cyclisme tout court. Il faut absolument que les trois Grands Tours et les Monuments aient lieu. Ce sera hyper dur pour les plus petites courses cette année. Mais si on ne sauve pas les plus grosses courses en fin de saison, il n’y aura de toute façon plus de petites courses à l’avenir. Pour l’instant, on est obligé de faire des choix”.

« IL NE FAUT PAS CRIER AVANT D’AVOIR MAL »

L’UCI est en train de concocter un calendrier pour la fin de saison et Stephen Delcourt est d’ores-et-déjà en train de préparer ses troupes à cette éventualité, qui serait bien évidemment la plus réjouissante de toutes. “Si on nous propose trois ou quatre mois de calendrier, nous serons capables de tenir toute cette période-là sur deux fronts, du 15 juillet au 31 octobre, en gros. Il faudra que les filles et l’ensemble du staff soient prêts pour une période très exigeante et intense mais je sais que si besoin, ce sera le cas. Psychologiquement, j’essaie déjà de les préparer à cette éventualité. Cette grosse période commencerait sûrement par un stage collectif en juillet, si c’est possible. Puis direction les courses”. En terme de calendrier, il semble trop tôt pour tirer des plans sur la commette. “Ce qui peut sauver le calendrier féminin, ce sont les courses masculines qui ont un pendant féminin : les Strade Bianche, le Tour des Flandres, les Ardennaises… On imagine qu’il y aura aussi la Course by le Tour pendant la Grande Boucle. J’ai dû mal à croire à un report du Tour d’Italie féminin. Ou alors, peut-être en octobre au milieu des autres dates italiennes. De toute façon, on prendra tout ce qu’il y a à prendre”.

Malgré cette situation particulièrement préoccupante, le manager de la formation WorldTour tient absolument à faire preuve de sagesse. Et à relativiser. “Il ne faut pas crier avant d’avoir mal. Le plus important pour l’instant, c’est la santé publique. Puis la santé de l’économie en général. Le reste viendra après”. Il tient également à soutenir les instances. “La Fédé et l’UCI tentent de faire au mieux pour contenter tout le monde mais c’est difficile pour elles aussi. Il faut réaliser qu’elles sont elles-mêmes en danger. On doit se recentrer sur l’essentiel et être solidaires. Peut-être faudra-t-il réinventer un autre modèle économique mais ça, ce sera à voir un peu plus tard”.

« ON REVIENDRA PEUT-ÊTRE À LA NORMALE EN 2023 »

Pas question en tout cas de dramatiser une situation déjà difficile. “Je pense que le cyclisme féminin sera moins touché que le cyclisme masculin pour la simple et bonne raison qu’il y a moins d’argent chez les filles. Les sponsors ne baisseront pas leurs budgets dans les mêmes proportions. Les filles n’ont pas le même modèle économique, la masse salariale est incomparable. Le cyclisme féminin est moins dépendant des audiences télévisuelles, également. L’impact sera donc moindre même si, bien sûr, il sera important”. Et il faudra donc s’adapter, à court, moyen et peut-être même à long terme. “La baisse des budgets va impacter les équipes pendant un moment. On en sentira toujours les conséquences en 2021 voire en 2022. On reviendra peut-être à la normale en 2023. On avait plein de projets pour l’année prochaine mais il faut se réadapter sans cesse. Je calcule les budgets deux fois par semaine en ce moment… Je voulais élargir le staff, travailler sur le service-course… Mais là, je me suis plutôt mis en tête que certains sponsors vont arrêter”

Pour conclure, Stephen Delcourt tient à insister sur le fait qu’il est prêt à s’adapter à tout ce qui sera proposé en terme de calendrier en fin d’année. Le manager se dit d’ailleurs agacé par ceux qui se plaignent (déjà) des nouvelles dates proposées - ou envisagées - pour certains rendez-vous. “On ne doit pas faire les difficiles. On a besoin de courir. La priorité est de faire en sorte que les organisateurs et les sponsors puissent tenir et vivre. Tout le monde doit faire des efforts. S’il faut reprendre la saison au Championnat de France, on le fera et tant pis. Ce serait pour tout le monde la même chose. Ce serait spécial, mais après tout, pourquoi pas… On reprendra avec les courses qu’il y aura, c’est tout”.

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