1001 bornes pour Maxim Pirard grâce à une sieste au commissariat

Crédit photo Joeri De Coninck

Crédit photo Joeri De Coninck

En cette période de confinement, Maxim Pirard a moins de travail chez Veloloft, l'entreprise de cycles du sélectionneur national Rik Verbrugghe. Ce qui lui permet de rouler plus. “Depuis le début de la crise, je roule entre 800 et 1300 kilomètres par semaine.” Le week-end dernier, le Belge de 22 ans s'est lancé un défi insensé : réaliser le tour complet de la Flandre. Ainsi, il est parti samedi à 3 heures du matin de Sint-Denijs Boekel, une bourgade située au pied du Molenberg. Après 1001 km de selle, l'ancien stagiaire de Bahrain-Mérida est rentré chez lui 43 heures et 48 minutes plus tard, soit à 23h48. “Bizarrement, ça va encore aujourd'hui (lundi), les muscles sont un peu tendus mais ça va”, confie-t-il à DirectVelo

« JE N'AI TRANSGRESSÉ AUCUNE RÈGLE »

Cette idée du Tour de la Flandre ne date pas d'hier. D'ailleurs, le Champion du Monde de Gran Fondo n'en était pas à son coup d'essai. En juillet dernier, il avait déjà accompli une distance similaire pour rejoindre Albi (France) avec Bjorn De Decker et assister à la victoire de Wout van Aert lors de la 10e étape du Tour de France. Peu après, le Belge s'est demandé quel challenge il pouvait encore réaliser. C'est ainsi que l'idée du Tour de la Flandre (à ne pas confondre avec l'épreuve Tour des Flandres) a vu le jour. Seul détail manquant : la date. "A ce moment-là, c'est vrai que je n'avais pas choisi. Puis en voyant la situation avec le coronavirus et l'annulation du Tour des Flandres, je me suis dit que c'était une manière à ma façon de rendre hommage à l'épreuve. Il n'y a pas de meilleur moment pour le faire”, estime-t-il.

Le coureur de Flandre Orientale a donc entrepris une démarche allant à l'opposé des recommandations du gouvernement belge qui est de préconiser une activité sportive raisonnable. "Quand le ministre de l'Intérieur Pieter De Crem a évoqué, il y a quelques temps, une limite de 50 kilomètres, j'ai douté. C'était un peu imprécis : Parlait-on d'une sortie de 50 kilomètres ou de ne pas dépasser un rayon de 50 bornes de son domicile ? Si une telle mesure avait pris effet, je serais resté plus sur les rouleaux et j'aurais dû dire adieu à mon projet. Finalement, il a été conseillé de ne pas exagérer. Sur ce point-là, je n'ai pas été raisonnable, mai je savais ce que je faisais. Je ne suis pas irresponsable. La crise que nous traversons me touche aussi. Le 25 mars dernier, j'ai fait une sortie de 168 kilomètres en forme de coeur pour marquer mon soutien au personnel soignant. Pour le reste, je n'ai transgressé aucune règle. Je n'ai pas franchi la frontière française une seule fois, même si je n'en étais pas loin. L'un ou l'autre cycliste m'a rejoint pour faire une partie du parcours, mais les distances de sécurité ont été respectées”, affirme-t-il.

UNE CHUTE AU BOUT DE 100 BORNES

Pour réussir le défi, une préparation en amont s'impose. “Je prépare mes réserves depuis jeudi. Une alimentation adaptée est indispensable. Dans mon sac qui était accroché à mon vélo, il y avait huit tablettes de nougat, cinq barres de protéines, 15 gels énergiques, huit sachets de poudre pour faire des boissons isotones et un Red Bull. Depuis jeudi, j'ai chargé mon estomac en mangeant à chaque fois 500 grammes de pâtes et de riz.”

Samedi, à 3 heures du matin, après cinq heures de sommeil, Maxim Pirard enfourche donc sa machine, avec ses réserves et son téléphone chargé pour écouter de la musique durant ce long périple. Après 100 kilomètres, l'aventure aurait pu tourner court. Alors qu'il roule dans les alentours de Wervik, près de Wevelgem, il estime mal un virage et termine sa course dans un pré. “Mon seul ennui durant ce trajet. J'ai eu de la chance. Mon maillot de Champion du Monde n'était pas sale”. Après 14 heures de selle, il arrive à Anvers après avoir longé la frontière française et la Côte belge. “J'en étais à la barre des 400 kilomètres. C'est toujours un cap compliqué mais heureusement, j'ai reçu du soutien à gauche et à droite de cyclistes venant rouler quelques kilomètres à mes côtés".

INTERPELLÉ PAR LA POLICE

Dimanche, à 2h30 du matin, le plus grand rebondissement de son aventure intervient aux alentours de Hoogstraeten (Province d'Anvers). Il se fait doubler à deux reprises par un combi de police mais au troisième passage, les policiers l'interpellent et lui demandent pour quelle raison le cycliste solitaire était encore sur sa machine à une heure pareille. “Je leur ai raconté mon histoire alors que j'essayais de machouiller un Twix. Ils ont eu pitié et m'ont demandé si je voulais boire quelque chose de chaud. J'ai roulé jusqu'au poste de police où ils m'ont donné un potage au poulet et où j'ai pris une douche. Ils m'ont donné deux couvertures et deux coussins pour pouvoir me faire une sieste régénératrice.” Cette pause imprévue l'a donc mis en retard sur son tableau de marche mais l'a relancé. “Si  les policiers n'avaient pas croisé ma route, je ne sais pas si j'y serais arrivé. J'étais complètement engourdi par le froid. Pendant la journée, cela allait car le soleil était de la partie – je suis même un peu brûlé au visage - , mais la nuit, cela se rafraichit”.  A 7 heures du matin, au lever du soleil, le moment le plus difficile : le lever du soleil. “C'est un phénomène connu par les para-commandos quand ils sont en expédition pour plusieurs jours. Après une nuit sans sommeil, tu craques mentalement quand le soleil apparait”.

Après 700 kilomètres de selle, aux alentours de 11 heures du matin, il traverse un passage à vide en province de Limbourg. “Je me suis brièvement demandé ce que j'étais en train de faire. Ensuite, les jambes sont revenues.” Les 300 dernières bornes ont été faites au courage. “En plus avec le vent de face en province du Brabant Flamand, je sens que le corps fatigue, mais je tiens bon et pour faire les derniers mètres, je mets ma chanson préféreée de Linkin Park : In the end."

BIENTÔT LE TOUR DE BELGIQUE ?

Cette saison, le compagnon d'entrainement d'Oliver Naesen n'est dans aucune équipe et travaille exclusivement avec des partenaires privés. Comme pour tous les coureurs, la crise de coronavirus a un impact sur la saison de GranFondo. “En principe, je devais rouler des épreuves régionales en Belgique en avril pour arriver en forme au mois de mai où il y avait plusieurs épreuves sympas au programme, mais tout cela est annulé.” L'ancien stagiaire pro pense au Championnat du Monde à Vancouver au Canada (9-13 septembre) où il ira avec ambition. “Ce sera un parcours vallonné avec une bosse de 30 kilomètres à 5% de moyenne pour conclure au sommet de la station de ski. Cela me convient car je pourrai y aller en puissance.” Il espère ensuite décrocher encore un stage professionnel. “Si le mois d'octobre est chargé, les équipes auront peut-être besoin de sang frais, même si les coureurs ne seront pas épuisés et auront envie de se montrer. Sinon, ce sera pour la saison prochaine.”

Durant les prochains jours, Maxim Pirard lèvera logiquement le pied. “Je vais m'entrainer doucement durant les dix prochains jours. Ce midi, j'ai mangé des crasses : frites andalouse, croquettes de fromage, croquettes de viande, tout y est passé”. Ce lundi après-midi, il a roulé une heure sur les rouleaux pour récupérer et pour penser à son prochain défi : le même tour dans l'autre sens, ou encore plus insensé, un Tour de Belgique. "J'ai déjà regardé vite fait. Cela fait 1700 kilomètres. C'est encore autre chose, mais pourquoi pas ? Mais ce ne sera pas pour le week-end prochain", termine-t-il.

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