LNC : « Ne pas faire d'effets d'annonce »

Crédit photo Zoé Soullard - DirectVelo

Crédit photo Zoé Soullard - DirectVelo

Comme tous les sports, le cyclisme est à l’arrêt. Mais depuis trois semaines, le téléphone d’Arnaud Platel n’arrête pas de sonner. Le directeur de la Ligue Nationale de Cyclisme est en contact permanent avec les différents acteurs du cyclisme professionnel français. Il fait le point avec DirectVelo.

DirectVelo : On imagine que tes journées sont très chargées actuellement !
Arnaud Platel : Depuis trois semaines, les journées sont basées uniquement sur le coronavirus, sous toutes ses formes sauf l’aspect médical (sourires). De notre côté, ça concerne les aspects pouvant toucher nos organisateurs, nos équipes ou nos coureurs… Nous sommes en relation étroite avec le gouvernement, et les ministères des Sports, du Travail et de l’Intérieur. On avait commencé doucement, fin février, avec le Tour des Emirats arabes unis puis c’est passé à la France.

« COMPLIQUÉ DE RASSURER »

Tout est allé très vite. As-tu senti un affolement ?
Non car ça s’est imposé à nous. Nous n’avons pas beaucoup communiqué à l’extérieur, excepté pour relater la bonne idée d’un mécano d’une équipe (Il a proposé d'offrir à des hôpitaux les masques prévus pendant le collage des boyaux, NDLR). Nous avons surtout communiqué avec les organisateurs de mars, avril et mai. Maintenant, on va surtout échanger avec les autres. Forcément, on espère que la saison reprendra le plus tôt possible. Mais ça sera dans quelles conditions ? Aura-t-on un gros désengagement des partenaires privés ? Pourra-t-on compter sur les collectivités publiques pour soutenir nos épreuves ? On n’a pas forcément de vision tant que nous ne sommes pas sortis de la crise…

Il doit être difficile de rassurer alors que tout le monde est dans l’incertitude…
C’est compliqué de rassurer car nous sommes tous inquiets avec ce virus que personne ne connaît. On constate que ça peut frapper à côté de chez soi. Le médecin d’une course a été frappé. On s’attache à faire passer les consignes. La Ministre des Sports, Roxana Maracineanu, souhaitait que le sport soit vecteur des gestes barrières, et on l’a été. Maintenant, on l’est avec le fait de respecter le confinement. C’est compliqué de faire plus à l’heure actuelle. Il n'y a que le dialogue qui peut nous aider pour essayer d’anticiper les prochaines problématiques. Et on croise tous les doigts pour savoir rapidement quand on pourra reprendre une activité normale.

Quel est ton discours avec tes interlocuteurs ?
L’UCI a souhaité interdire les courses jusqu’à fin avril. Le sujet est plus sensible avec les courses par étapes car on traverse des territoires. Il faut des autorisations. Au-delà de l’aspect financier, il faut un soutien juridique et administratif pour que chacune des épreuves puisse se dérouler.

« LE REPORT DE ROLAND-GARROS NE NOUS FAVORISE PAS »

Des épreuves comme la Roue Tourangelle ou Paris-Camembert souhaitent un report. Est-ce envisageable ?
Nous avons interrogé l’UCI sur plusieurs points. Il est ressorti que pour l’instant, l’idée est de sauver les Monuments pour l’avenir de notre sport. On peut le concevoir. De notre côté, on s’attache à écouter les volontés de nos organisateurs. Quand ils le souhaitent, on regarde s’il y a une possibilité de report. Mais il faut savoir que les week-ends sont tous occupés sur le calendrier pro français jusqu’à la fin de l’année. Une course de week-end, c’est compliqué pour elle de passer en semaine. C’est plus simple pour un organisateur qui a sa course en semaine d'y rester, car il a déjà cet état d’esprit. Paris-Camembert correspond à ce critère. On fait le tour des courses pour savoir qui annule et qui reporte. Mais bien sûr, on n’est sûr de rien pour les reports, car on sera dans une guerre des événements et une guerre médiatique.

C’est à dire ?
Par exemple, le report de Roland-Garros ne nous favorise pas du tout, notamment par rapport aux manches de la Coupe de France. La finale de Roland-Garros tomberait le 4 octobre, soit le jour du Tour de Vendée qui est la finale de la Coupe de France. Il y a plusieurs incertitudes au quotidien. Un jour, tu peux travailler sur un dispositif, et le lendemain, ça a changé. Et faut tout reprendre à zéro. Ça va être compliqué !

C’est un beau défi…
Ce n’est pas forcément un défi. C’est notre quotidien. Ce sont en réalité nos missions habituelles même si elles sont amplifiées à l’heure actuelle. Le niveau pro français est à son apogée, que ce soit le nombre de coureurs, d’équipes ou de courses. Notre quotidien est de conserver, au maximum, cette apogée. La situation actuelle limite nos activités. Nous étions lancés sur deux recrutements pour notre développement, mais tout est mis pour l’instant en stand-by. On doit savoir comment on va sortir de la crise, savoir comment on va pouvoir aider au maximum nos organisateurs qui ont annulé, comment on va pouvoir aider ceux qui organiseront au moment de la reprise, comment aider nos coureurs à avoir un niveau suffisant pour être le plus performant possible par rapport à leurs concurrents, comment récupérer la passion et l’amour des suiveurs du vélo et du grand public… On va essayer de relancer la machine et remettre un semblant de vie dans tout ça.

« ON FERA LES COMPTES QUAND IL FAUDRA LES FAIRE »

Ça passera par la tenue du Tour de France...
Le Tour est le miroir déformant du vélo. Tu peux faire une saison pourrie jusqu’au Tour, et si tu gagnes une étape ou un maillot en juillet, tout le monde va le savoir. C’est bien sûr important pour l’aspect économique. La visibilité des partenaires passe par le Tour de France. En étant “cocorico”, c’est l’événement majeur au niveau mondial car il a lieu toutes les années.

Que dis-tu aux équipes actuellement ?
Le discours est simple. On est en contact avec les ministères donc on transmet les informations que nous avons, notamment sur le chômage partiel. On transmet les infos sur les annulations des courses. Nous avons créé un groupe WhatsApp, avec les administratifs des équipes pour les informer sur tous les sujets. Nous sommes aussi bien sûr à leur écoute quand il y a des interrogations.

Es-tu inquiet pour la suite ?
Inquiet, on l’est toujours. Quand une épreuve s’arrête, elle a souvent dû mal à repartir. On ne connaît pas les conséquences car la situation est inédite. Mais on fera tout pour faire repartir tout le monde et faire comme si rien ne s’était passé. On en saura plus sur l’avenir au moment où on pourra recommencer, on fera alors des vrais calculs. Pour le moment, les organisateurs sont assez rassurants sur leur propre avenir. Ils ont le soutien des collectivités. On souhaite que l’UCI les soutiennent. On essaiera de notre côté de les soutenir au maximum quand on connaîtra la fin. Il ne faut pas faire d'effets d’annonce. Si la saison est complètement annulée, on n’aura pas les moyens de tout rembourser. On a des fonds propres mais pas à la hauteur de toute une saison. On fera les comptes quand il faudra les faire. Pour le moment, on reste sur l’aspect prévention.

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