Climat dantesque en Ardèche : « Ton travail, pas ta passion »

Crédit photo Zoé Soullard - DirectVelo

Crédit photo Zoé Soullard - DirectVelo

Dantesques. Voilà sans doute comment on pourrait tenter de résumer, en un seul mot, les conditions météorologiques qu’ont été contraints d’affronter les coureurs de la Faun-Ardèche Classic, ce samedi (voir classement). Alors que les premières courses de l’Hexagone ont été disputées sous des températures pratiquement printanières, c’est cette fois-ci une pluie fraîche et un vent terrible qui ont accompagné tous les coureurs de cette 20e édition.

« TU SENS QUE L'ATMOSPHÈRE EST TENDUE À L’HÔTEL »

Julian Alaphilippe, principale attraction de la course d'un jour ardéchoise, a mis la flèche avant l'arrivée. Les yeux rougis, le visage défait, il a quitté la course avec un masque qui n’était pas sans rappeler celui qu’il avait déjà affiché en septembre dernier, sur les routes du Championnat du Monde au Yorkshire. Bien avant le leader de la Deceuninck-Quick Step, d’autres coureurs sont rentrés au bus plus tôt qu’espéré. Laurens Huys, par exemple. Le Belge s’est arrêté net, en milieu de course. En hypoglycémie, le sociétaire de la formation Bingoal-Wallonie Bruxelles a été pris de vomissements, avant de poser pied à terre. Le regard complètement perdu, il a dû compter sur l’aide précieuse de membres du staff pour l’aider à se changer une fois avoir posé pied à terre.

Récent vainqueur d’étape sur les routes du Tour des Alpes-Maritimes et du Var, Anthony Perez tente de résumer les 24 dernières heures vécues par les coureurs de ce peloton. “Sur des courses pareilles, ça commence dès la veille, lorsque tu vois la météo : tu te dis que ça va être une journée de malade et tu t’y prépares psychologiquement. Tu sens que l’atmosphère est tendue à l’hôtel. On se dit tous que le lendemain, on va recevoir comme on dit… Sur l’avant-course, personne n’est vraiment relax. Une fois la course lancée, on fait tous comme on peut. On s’habille au maximum. Certains essaient de se changer plusieurs fois pendant la course mais moi, je galère avec ça. En début de course, ça allait. Puis dans les soixante derniers kilomètres, j’étais gelé. Les jambes ne répondaient plus. J’ai essayé de survivre pour épauler Nico (Edet) et Guillaume (Martin) mais c’était super dur”, résume le coureur de la Cofidis pour DirectVelo. Malgré ces conditions terribles, le Toulousain n’a jamais imaginé abandonner. “Dans ma tête, c’était hors de question. Je n’ai bâché aucune course l’an passé, je voulais m’accrocher. J’étais content de finir la course. J’aurais pu abandonner à vingt bornes de l’arrivée, au dernier ravito. Mais franchement, ça fait chier de monter dans le camion à ce moment-là. Je suis quand même content de finir ce genre de course, même si j’étais à la rue”.

« ON NE VEUT PAS SE CHERCHER D’EXCUSE »

Ce samedi, seuls 43 courageux sont allés au terme des 184,4 kilomètres de course. Beaucoup ont quitté la course parce qu’ils avaient été décrochés et n’avaient plus rien à espérer. D’autres, beaucoup d’autres, ont également été écartés sur chute. La formation Groupama-FDJ, par exemple, a été décimée par les chutes, à tel point qu’aucun membre de la structure WorldTour n’a coupé la ligne d’arrivée, alors que son leader - Valentin Madouas - est tombé à deux reprises. D’autres équipes ont quitté la zone d’arrivée, à Guilherand-Granges, avant même l’arrivée de la course. C’est le cas de St-Michel-Auber 93. “On savait que l’on allait être en difficulté ici. On avait préparé les gars, psychologiquement, depuis très longtemps. On savait qu’on serait là, au mieux, pour limiter les dégâts. Dès le départ, ça a été très… tonique !”, résume le directeur sportif, Stephan Gaudry. Dans les deux premières heures de course, tous les coureurs de la Conti ont décroché du peloton, un par un. Jusqu’à ce qu’il n’en reste plus un seul en compétition. “On s’investit à 200% pour que tout se passe bien, pour que nos gars s’épanouissent. Alors, quand tu te gares à 40 kilomètres de l’arrivée, c’est compliqué… Cette situation ne m’était jamais arrivée. On n’était pas les seuls dans ce cas ici, ça nous rassure un peu (sourires), même si on ne veut pas se chercher d’excuse”.

Maxime Chevalier a, lui aussi, vécu une journée particulière. Et pour cause, le néo-sociétaire de B&B Hôtels-Vital Concept disputait son premier jour de course chez les pros. Un sacré baptême du feu pour celui qui a chuté dès la première heure de course. Une chute et le froid, ce n'était pas le top du tout pour commencer chez les pros. Au niveau météo, c'était une des pires journées de ma vie en course ! Il y avait le vent, le froid, la pluie…”. Comme son compatriote Anthony Perez, il n’a pas envisagé une seconde de poser pied à terre. “Quand je suis tombé, je me suis dit que je n'allais pas m'arrêter là-dessus. J’avais mal au coude mais ça me tenait à cœur de ne pas débuter par un échec”.

« IMPORTANT DE FINIR CE GENRE DE COURSE »

Bien sûr, tous ces coureurs ont déjà connu des situations similaires. Anthony Perez cite Liège-Bastogne-Liège et le Tour du Yorkshire, Maxime Chevalier évoque un Tour de Croatie… Nans Peters (AG2R La Mondiale) a également quelques exemples en tête. “J'ai déjà connu pire que ça. Je pense à une étape du Giro l'an passé où le circuit final avait été neutralisé. Chez les Amateurs, j'ai disputé un Grand Prix du Pays d'Aix sous le déluge ou une Tranversale des As dans l'Ain dans des conditions difficiles. Ce qu'on a eu aujourd'hui (samedi), ça arrive deux-trois fois par saison”, relativise celui qui concède tout de même avoir souffert. “Nous sommes habitués au mauvais temps sur la Classic de l'Ardèche mais d'habitude, soit il y a du vent, soit de la pluie, soit du froid. Là, les trois étaient réunis. C'est vraiment difficile de faire avec tout ça, surtout que l'organisation a durci le parcours. C'était une course de guerriers”.

Bien qu’il soit parvenu à trouver quelques moments de plaisir durant cette journée, le vainqueur d’étape sur le Tour d’Italie 2019 gardera tout de même moins de bons que de mauvais souvenirs de cette journée. Quand tu prends l'eau dans la gueule ou qu'en bas d'une descente tu te secoues les bras tellement tu es trempé et que tu as froid, tu ne prends pas de plaisir. Là, tu fais ton travail et ce n'est plus ta passion”, sourit-il. Un travail nécessaire quand on se projette à plus long terme. “C’est important de finir ce genre de course. Il faut se forcer car sur les Grands Tours, tu es obligé de passer ces journées-là, il n’y a pas le choix”, conclut Anthony Perez.

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Portrait de Anthony PEREZ
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