Le Tour de la Provence sur cinq voire six jours ?

Crédit photo Nicolas MABYLE / DirectVelo

Crédit photo Nicolas MABYLE / DirectVelo

Ce dimanche, Nairo Quintana a remporté l’édition 2020 du Tour de la Provence (voir classements). Le Colombien, qui a forgé son succès final au Chalet-Reynard sur les pentes du Mont Ventoux, est un lauréat qui ravit l’organisateur, lequel voit déjà plus loin. Course rallongée, plateau toujours plus qualitatif, rentabilité, parcours diversifiés… DirectVelo a fait le point avec Pierre-Maurice Courtade au soir de la dernière étape, à Aix-en-Provence.

DirectVelo : Quel premier bilan tires-tu, à chaud, de ces quatre jours de compétition ?
Pierre-Maurice Courtade : Quelque chose de plutôt positif. Que ce soit de par le parcours, le public ou le vainqueur, il n’y a pas eu une étape décevante. C’est une grande satisfaction pour mes équipes.

Le test d’une arrivée aux Crêtes, puis celui du Chalet-Reynard - Mont Ventoux - se sont-ils avérés concluants, et souhaites-tu les reproduire à l’avenir ?
Pour les Crêtes, on va voir, car il y a eu de grosses contraintes techniques puisque c’est un parc naturel. C’est un site magnifique et remarquable mais je ne suis donc pas certain que l’on rééditera cette opération.

« À UNE SEMAINE DES CRÊTES, JE ME POSAIS BEAUCOUP DE QUESTIONS »

Le public n’avait pas accès à la montée finale en véhicule, et seuls quelques courageux ont gravi l’ensemble de l’ascension à pied. Était-ce un problème ?
Quand on a choisi cette arrivée aux Crêtes, on ne savait pas l’attrait qu’elle allait avoir. On ne savait pas qu’il allait y avoir quatorze équipes WorldTour, ni qu’on aurait cette diffusion télé exceptionnelle. Très honnêtement, à une semaine des Crêtes, je me posais beaucoup de questions. Les contraintes étaient tellement lourdes que les gens ne sont pas forcément tous venus. Il y avait quand même du monde dans la montée des Crêtes, mais c’est sûr qu’il nous faut plus de monde que ça sur les arrivées. Cela doit rester populaire et accessible. Aux Crêtes, c’était une vraie faiblesse.

À l’inverse du Ventoux où le public est venu nombreux pour un mois de février…
Quand on voit ce succès populaire, on ne peut plus se dire que l’on fera un Tour de la Provence sans le Mont Ventoux. C’est une satisfaction. On est la plus grande course de vélo du sud de la France, en étant la quatrième plus grande course par étapes française. C’est donc important d’avoir le mythe du « Géant de Provence » dans le Tour de la Provence.

« CHERCHER D’AUTRES TERRAINS DE JEU »

Tu es donc déjà certain de proposer une montée du Ventoux en 2021 ?
Je ne sais pas encore si on le fera tous les ans ou une année sur deux. On va en parler lors du débriefing. Il y a également d’autres monuments dans notre région.  En tout cas, la satisfaction est vraiment globale et on est bien parti pour y revenir régulièrement.

Tu avais récemment évoqué l’idée d’une course par étapes rallongée, avec également la visite d’autres départements. On t'a d’ailleurs récemment vu dans le Gard, rendre visite aux organisateurs de l’Etoile de Bessèges…
Il va falloir que l’on trouve des évolutions. En deux ans, nous avons franchi des étapes. Je suis allé sur l’Etoile de Bessèges par amitié pour l’organisateur parce qu’organiser une épreuve cinquante fois… (il sourit, NDLR). Moi, après seulement deux éditions, je me dis souvent : « j’arrête, c’est fini ». Ce qu’a fait Roland Fangille, pendant cinquante éditions, c’est vraiment beau et vraiment classe. Pour notre part, oui, il va falloir que l’on aille chercher d’autres terrains de jeu. Rallonger la course, ce n’est pas évident car c’est un budget conséquent. Cela ne pourra se faire que si l’on est suivi. C’est aussi l’avenir du groupe de presse La Provence. Peut-être que des choses vont se passer… En tout cas, il y a des territoires à aller chercher.

« JE NE VEUX PAS QUE L’ON AILLE SUR LES TERRES DE BESSÈGES »

Le nombre de jours de course, pour une épreuve de catégorie ProSeries en Europe, est limité à six maximum...
On est au début des ProSeries. On va voir le niveau global de l’ensemble des ProsSeries en fin de saison. On a fait un débriefing avec le Président du collège des Commissaires ce matin (dimanche) et il était très satisfait de l’épreuve. Je pense que faire un ou deux jours de plus de compétition, à nos dates, n’est pas un problème. C’est plus un problème de territoire. Des deux côtés, on a des épreuves concurrentes, même si j’ai une profonde affection pour Bessèges. Je ne veux donc pas que l’on aille sur les terres de Bessèges. Alors, à nous de voir où nous pouvons aller.

Les équipes sont-elles en demande d’un format rallongé ?
Un jour supplémentaire ne changera pas les choses. Si on monte à deux jours de plus, ça pourrait peut-être poser problème, en effet. Il faudra voir avec les équipes. On sort de quatre jours de course et on est tous rincé (sourires). Entre le vent des Saintes-Maries-de-la-Mer, la montée des Crêtes puis du Ventoux, l’arrivée au centre-ville d’Aix-en-Provence… Il s’agissait à chaque fois de contraintes logistiques très lourdes. On verra si on rallonge à cinq ou six jours. Si on le fait, car ce n’est pas sûr du tout à l’instant T. Il faut le budget pour le faire et aujourd’hui, très honnêtement, on ne l’a pas.

« BEAUCOUP D’ORGANISATEURS S’ENFLAMMENT PUIS ONT DE GROSSES DIFFICULTÉS »

Tu évoquais un peu plus tôt la présence de quatorze formations WorldTour sur votre course cette année. Constituer un tel plateau coûte beaucoup d’argent. Le format actuel est-il viable et rentable sur la durée pour l’organisateur que tu es ?
Il faut que ce soit rentable. Le groupe de presse La Provence n’est pas philanthrope. On n’est pas là pour être un mécène du cyclisme. Aujourd’hui, la presse écrite est en difficulté. La vente de papier est de plus en plus difficile, tout le monde le sait. L’intérêt du Tour de la Provence est d’aller chercher un nouveau modèle économique pour faire vivre ce journal. On n’est pas là pour perdre de l’argent. Beaucoup d’organisateurs s’enflamment puis ont de grosses difficultés à payer les équipes par la suite. Ce n’est pas notre état d’esprit au sein du groupe La Provence et de ma société. L’objectif est d’être pro sur ces points-là. Sur une course cycliste, on sait que tout coûte très cher. Quand on organise une course cycliste, il y a deux options : tout faire à minima, et on verra bien ce qu’il se passe. Ou alors, on fait les choses proprement.

C’est-à-dire ?
Je laisse les gens juger de ce que nous avons fait cette semaine. En tout cas, nous n’avons jamais eu de voiture en face de “nous”, on n’a pas eu d’accident, toutes les arrivées étaient hyper sécurisées pour les coureurs. Mais tout ça coûte beaucoup d’argent, encore une fois. Forcément, il faut trouver des moyens pour que notre course soit rentable. On réfléchit actuellement à la façon de créer une nouvelle économie. On a étudié des pistes que l’on garde confidentielles pour le moment. Elles nous sont plutôt favorables et nous allons continuer d’y travailler. Il sera ensuite temps de se mettre autour de la table pour voir ce que l’on fait et comment on le fait.

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