Emilien Clère : « Pendant 10 tours, je ne pouvais plus parler »

Crédit photo Wolfgang Stärke

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Un Français champion de Berlin de demi-fond, c'est un peu comme si un Allemand était élu meilleur boulanger de Paris. L'Allemagne est le bastion du demi-fond alors la victoire d'Emilien Clère au Championnat de Berlin le week-end dernier sort de l'ordinaire.

Certes le gratin de la course derrière grosses motos était absent : Renier Honig, le Champion d'Europe est allé gagner une étape du Tour du Costa-Rica. Christoph Schweizer, le Champion d'Allemagne n'était pas là. Mais le Championnat de Berlin est une course ouverte à tout le monde. "Tu y vas à tes frais", souligne à DirectVelo Emilien Clère qui s'est offert un rallye en voiture de douze heures à l'aller et douze au retour. Le premier prix est de 150 euros à partager en deux entre le stayer et l'entraîneur. "Il ne faut pas y aller pour l'argent, il n'y a rien à gagner, c'est pour le plaisir", ajoute-t-il. Ce qui peut expliquer certaines défections dans les rangs allemands. Être Champion de Berlin de demi-fond, c'est aimer le cyclisme amateur.

CINQ NATIONALITÉS ET DEUX CONTINENTS

Puisqu'on fait rarement un classement avec les absents, le 4e du dernier Championnat d'Europe a devancé un spécialiste allemand, Stefan Lange, et dominé un peloton très international : cinq nationalités et deux continents étaient représentés avec l'Allemagne, la France, les Pays-Bas, la Répubique Tchèque mais aussi deux Syriens.

Pour l'abriter sur la moto, son pilote habituel, François Toscano, était indisponible. Le pistard s'est alors adressé au "Kaizer" des entraîneurs, Peter Bäuerlein, plusieurs fois Champion d'Europe avec ses poulains. Les lunettes de Derrick sur le nez et rusé comme un renard. Il pense à tous les détails qui font la différence. "L'ordre de départ de la finale du dimanche était inverse du temps des séries. Alors il m'a dit au départ de notre série d'aller tout doucement. Ce qui fait que nous sommes partis devant Lange en finale", indique le sociétaire de l'UV Aube-Club Champagne Charlott'.

« 135 TR/MN »

Au programme des deux jours de course, deux séries et deux finales. Le Français les a gagnées toutes les quatre. Mais ce ne fut pas de tout repos. "Peter Bäuerlein m'avait demandé avant la finale de dimanche de lui dire régulièrement "Allez" pour lui dire que ça allait bien. Mais pendant dix tours je ne pouvais plus parler tellement ça roulait plein pétrole, souffle le triple Champion de France. Ensuite, j'ai dû dire "allez" deux-trois fois mais à la fin, je disais plutôt "hop" [le terme universel du demi-fond pour dire de ralentir NDLR]".  A l'arrivée de la finale de 20 km, son compteur affiche 135 tr/min de moyenne, avec des pointes à 150 tours de pédale. Avec le braquet limité de 66x16, ça donne un petit 73 km/h de moyenne. "Quand j'ai vu la cadence de pédalage, je me suis dit que c'était normal de me sentir à fond. C'était du sport !".

Le coureur de 37 ans cherche toujours à prendre de l'expérience. "C'est toujours intéressant de courir avec Peter Bäuerlein. Il a été Champion d'Europe. J'ai envie de courir, de progresser". Mais il a aussi profité de son séjour dans la capitale de l'Allemagne. "J'étais avec ma femme, c'est rare qu'on parte en vacances. Nous sommes mariés depuis sept ans et nous n'étions pas encore partis en voyage de noces. Nous avons visité le marché de Noël d'Alexander Platz et celui de Charlottenburg".

RETOUR À BERLIN POUR LES SIX-JOURS

A Berlin, le nouveau sociétaire de l'UV Aube-Club Champagne Charlott' a offert sa première victoire de l'année à son nouveau club. "Je connais Laurent Schenten [le directeur sportif NDLR] depuis 15 ans, rappelle-t-il. Cette victoire c'est pour leur montrer qu'ils ne se sont pas trompés". Le médaillé d'argent du dernier Championnat de France de demi-fond repart d'Allemagne avec une belle médaille d'or.

Le citoyen de Sannois retrouvera Berlin pour les Six Jours (23-28 janvier) où le demi-fond aura droit de citer pendant deux soirées. Cette fois-ci, ce sera avec son entraîneur habituel, François Toscano. Là-bas, le public le reconnait et le surnomme "Astérix".

En revanche, les grosses motos seront absentes du vélodrome berlinois quand il recevra le Championnat du Monde du 26 février au 1er mars prochains. Le demi-fond, comme le tandem, ont été rayés du programme après 1994. Leurs fossoyeurs les trouvaient dépassés et sans intérêt. Auraient-ils pensé que leurs successeurs jugeraient le kilomètre et la poursuite individuelle indignes du programme olympique vingt ans plus tard ? ou qu'il aurait fallu faire de la place pour le BMX acrobatique qui servait d'interlude entre une chasse et une série de sprints aux Six Jours de Paris 1985 ? La roue tourne très vite sur la piste.

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