La FFC va-t-elle changer de braquet ?

Crédit photo Nicolas Gachet - DirectVelo

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Cyrille Guimard a mis les pieds dans le plat à l'occasion de la réunion du Conseil fédéral en janvier dernier. Le sélectionneur de l'équipe de France des derniers Championnats du Monde s'oppose à la limitation des braquets dans les jeunes catégories jusqu'aux Juniors. "L'inconvénient majeur d'un tel système est de privilégier la vélocité au détriment de la force". Or, il apparaît dans le cyclisme actuel que c'est la force qui fait la différence dans les contre-la-montre notamment.

SAVOIR UTILISER SON DÉRAILLEUR

Jean Ponard, le médecin du Conseil fédéral, devant l'absence d'éléments fiables pour fournir une réponse a demandé la mise en place d'une étude scientifique et médicale sur ce sujet. La Direction technique nationale de la FFC a donc lancé une réflexion sur l'évolution des braquets, principalement pour les Juniors en partant du postulat : "Il est plus important de savoir utiliser son dérailleur que de limiter son braquet". Cette étude et son bilan seront soumis au Conseil Fédéral en janvier 2020 pour valider ou non les propositions.

Cette volonté de changer le braquet des Juniors s'oppose au règlement actuel de l'UCI. La fédération internationale limite leur développement à 7,93 m, soit 52x14, pour les courses entre Juniors, comme les Fédérales Juniors ou les Championnats sur route car sur piste le braquet est libre. En revanche, quand les Juniors sont confrontés aux Séniors 3e, 2e ou 1ère catégorie, cette limitation ne s'applique plus. Dans d'autres pays comme la Belgique, où les moins de 19 ans courent entre eux toute l'année, ils roulent toute la saison sur ce braquet limité à 52x14. Et la Belgique étend ce règlement à la piste.

DEPUIS 100 ANS : LA PUISSANCE APRÈS LA VÉLOCITÉ

En France, les braquets des Juniors étaient libres jusqu'en 1980. A partir de 1981, la FFC limite le développement à 50X14 uniquement pour les contre-la-montre disputés seulement par des Juniors. A l'époque, cela concerne surtout les éliminatoires départementales, régionales et la finale nationale du Championnat de France.

Le 52x14 a été adopté dans les années 90 au niveau international. C'est sur ce braquet que Fabian Cancellara devient Champion du Monde Juniors du contre-la-montre à Trévise, à 50,587 km/h. Yvan Girard, entraîneur des Juniors suisses justifiait en 1998 ce bridage : "Ils sont encore en âge de croissance et doivent d'abord avoir une bonne vélocité. La puissance, ils ont le temps de la développer plus tard".

Ce credo est celui qui justifie toutes les limitations de braquets depuis près de 100 ans, avec ou sans dérailleur. Ainsi, La course de la Médaille, épreuve de détection des sprinters au Vel' d'Hiv', relancée en 1921, limitait le braquet au 22x7 ou au 25x8 (pour simplifier 44x14 ou 50x16). L'argument était de découvrir des jeunes talents capables de tourner vite les jambes et donc d'accélérer très vite. "Et si le bonheur veut qu'à leur souplesse naturelle, s'ajoute une certaine puissance musculaire, alors là, nous trouvons le champion-type, le champion qui démarre, qui va vite et qui peut, à l'occasion, mettre un braquet légèrement plus grand sans que cela affecte son style naturel", justifiait le journaliste Charles Joly en 1934. Déjà, on pense qu'il sera toujours temps de travailler la force plus tard.  A cette époque, Lucien Michard, Champion du Monde de vitesse, enroulait un 24x7 ou un 25x7 (48 ou 50x14).

DU 50X16 AU 50X14 EN 43 ANS

Chez les Cadets et les Minimes, garçons et filles, le braquet est limité depuis 2013 à 50x14 (7,62 m) pour les plus vieux et 46x14 (7,01 m) pour les jeunes. Le règlement a évolué ces dernières années au gré des évolutions physiques des classes d'âge mais aussi du matériel disponible dans le commerce.

Jusqu'en 1962, les Cadets sont limités en France à 6,15 m et d'autres pays comme la Suisse appliquent une limitation. A partir de 1963, les braquets sont libres en France et la FFC crée la catégorie Minimes.

En 1970, la grande réforme du cyclisme amateur, menée par Richard Marillier, le premier DTN de la FFC, impose de nouveau la limitation des braquets pour les Cadets et les Minimes : 50x16 (6,67 m) et 46x16 (6,10 m). A l'époque, on met sur le dos des grands plateaux et des petites couronnes les carrières tuées dans l'oeuf de plusieurs espoirs qui ont échoué chez les pros. Avec l'évolution du gabarit des Cadets, leur développement autorisé est porté à 7,01 m, soit 46x14. En 2006, sur proposition de Patrick Cluzaud, le DTN de l'époque, les 15-16 ans rallongent leur pédalée à 7,47 m, soit 49x14.

DE GRANDES DIFFÉRENCES A L'ÉTRANGER

Si les braquets des Juniors sont règlementés par l'UCI, ceux des Cadets-Minimes sont du ressort de chaque fédération. Chez nos voisins, il n'y a pas d'harmonie entre les règlements. Par exemple, en Allemagne, au pays de Tony Martin, et aux Pays-Bas, la patrie de Tom Dumoulin, les Cadets tournent les pattes sur le 46x14, comme les Minimes français.

Belgique
Cadets : 48x14 (7,32m)
Aspirants (équivalents des Minimes) : 48x16 (6,40m)

Suisse
Cadets : 52x16 (6,94m)
Cadettes 2e année (qui courent avec les Juniors) : 52x14
Cadettes 1ère année : 46x16 (6,10m)
Minimes : 46x16 (6,10m)

Allemagne
Cadets : 46x14 (7,01m)
Minimes : 40x14 (6,10m)

Italie
Cadets : 52x16 (6,94m)
Minimes : 52x18 (6,20m)

Pays-Bas
Cadets : 7,01m (46x14)
Minimes 2 : 6,55 m  (43x14)
Minimes 1 : 6,14 m (43x15)


Si les conclusions des travaux de la DTN et les décisions des élus de la FFC aboutissent à une suppression de la limite des braquets pour les Juniors et à un changement pour les Cadets et les Minimes, le nouveau règlement sera appliqué au 1er janvier 2021.

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