François Trarieux : « Une page se tourne »

Crédit photo Freddy Guérin - DirectVelo

Crédit photo Freddy Guérin - DirectVelo

L'Equipe de France a quitté Bogense avec une seule médaille. Elle a été acquise, sans surprise, chez les Espoirs par Antoine Benoist. Si Théo Thomas et Marion Norbert-Riberolle ont longtemps bataillé pour le podium, les autres Français ont souffert au Danemark, notamment les Elites. "Une page se tourne", reconnaît François Trarieux. Pendant les douze heures de voiture pour rentrer en France, l'entraîneur national a eu le temps de se refaire les courses et de chercher des solutions pour améliorer les résultats des tricolores. "Je ne suis pas inquiet", promet-il comme il l'explique à DirectVelo.

DirectVelo : Quel bilan fais-tu de ce Championnat du Monde ?
François Trarieux : Il y a eu de la joie samedi après-midi avec la médaille de bronze d'Antoine Benoist. Il a ainsi confirmé sa saison. Le podium est logique, c'est le même ordre que la Coupe du Monde (Thomas Pidcock, Eli Iserbyt et Antoine Benoist, NDLR). On pouvait espérer avoir d'autres coureurs bien placés en Espoirs mais derrière Antoine, il y a une déception collective. Les autres sont partis loin sur la grille et ont sans doute vite lâché mentalement. Je m'attendais à mieux. Heureusement qu'il y a eu la médaille d'Antoine car nous aurions pu friser la correctionnelle.

« JE M'ATTENDAIS À MIEUX CHEZ LES ÉLITES HOMMES »

C'est effectivement la seule médaille et le seul Top 5 du week-end...
Il faut reconnaître qu'une partie de l'Equipe de France est passée à coté de ce Championnat du Monde. Je pense aux Elites Femmes et Hommes. Caroline Mani a connu un hiver compliqué. Marlène Petit n'a pas couru l'été dernier. Il y a un manque de courses sur route pour envoyer de la puissance. Vu ce qu'on avait pu voir à Pontchâteau puis à Hoogerheide, je m'attendais à mieux chez les Hommes.

Comment l'expliques-tu ?
Nous avons des coureurs qui manquent de caisse. Steve Chainel ne fait quasiment plus de route depuis deux ans. Il a perdu les acquis de sa carrière professionnelle. Il a eu du mal à finir la saison. Francis Mourey avait tout misé sur le Championnat de France alors il a eu son pic de forme en janvier. Fabien Canal a mis un mois à se remettre après les manches de Coupe du Monde aux États-Unis, son hiver n'a pas été simple. Matthieu Boulo et David Menut ont beaucoup couru pour aller chercher des points UCI et finissent la saison essorés.

Alors que faire pour améliorer les résultats ?
Il faut trouver des solutions car un fossé se creuse entre les structures professionnelles et amateurs. Ce n'est pas le même niveau d'accompagnement. Nos coureurs ont préparé le Mondial en France. Les Belges, les Néerlandais et les Britanniques ont roulé en Espagne en janvier et même en décembre pour certains. Ils n'ont pas eu les mêmes conditions météorologiques. Nous avons fait un bon stage à Saint-Quentin-en-Yvelines après le Championnat de France, mais ensuite il y a eu du mauvais temps en région parisienne et dans l'Est de la France. C'est à nous de changer ça, sans forcément aller en Espagne car il a fait beau sur la côte atlantique en janvier. En tout cas, il faut se donner les moyens de changer des choses. Ça coûte forcément de l'argent alors il faudra faire des choix pour mettre en place ce type de stratégie.

« LA CLÉ SERAIT DE RÉCUPERER CLÉMENT VENTURINI »

Es-tu inquiet pour le cyclo-cross français ?
Non, pas du tout. Une page se tourne chez les Elites. Francis Mourey arrête, Steve Chainel est plus proche de la fin que du début. Mais il y a des coureurs qui arrivent. Je pense à Joshua Dubau. J'ai tenu à ce qu'il soit au Mondial pour lui permettre de continuer d'évoluer. Je n'oublie pas Yan Gras, 3e du Mondial Espoirs il y a un an. Ils peuvent terminer bientôt dans un Top 10 international chez les Elites. Il est important aussi d'avoir David Menut, Matthieu Boulo ou Fabien Canal notamment pour faire le lien entre la génération qui part et celle qui arrive. Ça permet de créer une concurrence qui fera progresser les plus jeunes. La clé serait de récupérer pour un Mondial un Clément Venturini. Je pense que Clément a la caisse et les qualités pour aller chercher un beau résultat sur un Championnat du Monde.

Mais aujourd'hui, c'est un routier...
C'est à nous de trouver une solution. Je sais qu'on le rabâche mais c'est la réalité. Van Aert a été le printemps dernier l'un des meilleurs routiers pendant les classiques, Van der Poel est l'un des meilleurs vététistes au monde. Ils sont au plus haut-niveau dans plusieurs disciplines. Il faut aller chercher des professionnels qui peuvent être performants. Il n'y a d'ailleurs pas que Clément.

« IL Y A DES QUESTIONS À SE POSER »

En France, il n'y a pas les mêmes moyens que dans les Nations qui dominent la discipline...
Excepté la Grande-Bretagne, ce sont les équipes de marques qui paient les stages. Il faut réagir, avec une aide cohérente et intelligente des structures. C'est sûr que par exemple, l'encadrement n'est pas le même autour des coureurs à l'étranger. Matthieu Boulo et Fabien Canal, ils ne sont pas massés après une sortie d'entraînement. Il y a un fossé qui se creuse comme je l'ai expliqué. Le niveau des meilleurs est aujourd'hui difficilement atteignable...

Et chez les féminines ?
On voit que ça se professionnalise autour des meilleures. C'est compliqué d'imaginer une médaille aujourd'hui. Il faut espérer un retour de Pauline Ferrand-Prévot l'hiver prochain. D'une manière générale, il faut voir comment inclure le cyclo-cross dans la saison d'un coureur. Avant l'hiver, j'ai reçu un mail du manager de Sunweb. Il souhaitait voir Juliette Labous faire du cyclo-cross pour bien préparer les classiques. Il y a des équipes prêtes à investir dans ce double projet. Encore une fois, Van Aert, Van der Poel, Brand ou Vos, on les voit dans plusieurs disciplines. Il y a des questions à se poser.

Aujourd'hui, certains disent que ça ne sert à rien de faire du cyclo-cross...
Comme je viens de le dire, je me pose des questions... Jolanda Neff vise les JO de Tokyo en VTT et elle vient faire la seconde partie de saison en cyclo-cross. C'est aussi le cas de Mathieu Van der Poel. Je ne dis pas qu'un vététiste doit obligatoirement faire du cyclo-cross mais je trouve dommage d'empêcher un coureur de pratiquer les deux disciplines. J'ai parlé avec Adrie Van der Poel (le père de Mathieu et David, NDLR) lors de la Coupe du Monde de Hoogerheide et il trouve ça aberrant. Nous avons discuté de l’architecture de la saison des Belges et des Néerlandais. Mathieu et Van Aert se servent du cyclo-cross également comme d'une préparation. Ce qui ne les empêche pas de faire de gros volumes d’entraînement pour préparer les classiques. Encore une fois, ils sont professionnels et leurs déplacements sont limités comparés à nos Français...

« ON ESSAIE DE PRENDRE DE L'AVANCE »

A Bogense, il y a eu tout de même des choses positives...
Je suis content de voir que chez les jeunes, en Juniors, Espoirs Femmes et Hommes, nous avons lutté pour une médaille. C'est encourageant. Théo Thomas (10e) a eu du mal en fin de course car il s'est retrouvé en chasse-patte. Antoine est allé chercher sa médaille au mental. Pour lui la prochaine étape serait de batailler l'hiver prochain en Coupe de France avec les Elites même si ce n'est pas encore décidé. Marion Norbert-Riberolle avait dimanche ses meilleures jambes de la saison. Elle a peut-être mis un peu de temps à remonter du coup elle a fait une faute et a crevé dans le dernier tour (9e). Je suis content de la course de Juliette Labous qui part très loin et va finir 13e. Elle peut servir d'exemple. J'espère que Juliette reviendra l'hiver prochain. Comme Marion, elle peut espérer un podium international chez les Espoirs. En tout cas, à Bogense, Francis Mourey en a terminé avec le cyclisme de haut-niveau après une carrière exceptionnelle. C'est un exemple de longévité et de sérieux pour nos jeunes. Il va falloir trouver de nouveaux portes-drapeaux à notre cyclo-cross français.

Tu as fait confiance à plusieurs Juniors 1ère année...
Amandine Fouquenet, Léa Curinier, Florian Richard Andrade et Rémi Lelandais étaient là pour préparer l'avenir. On essaie de prendre de l'avance. L'an dernier, Théo Thomas était en Equipe de France en J1 et cette année, il a été proche de finir sur le podium du Mondial. On doit compter sur Florian et Rémi pour aller titiller Thibau Nys qui sera l'ogre de la catégorie Juniors l'hiver prochain. Antoine Benoist devra faire face aux Anglais Pidcock, Turner et Tulett. Il ne devra pas se retrouver seul face à eux. On a beau dire l'inverse mais parfois il y a des phases tactiques en cyclo-cross. Nous l'avons vu ce week-end à Bogense...

Mots-clés

En savoir plus