Michel Callot : « L'obligation de transformer le modèle économique du cyclisme traditionnel »

Crédit photo DirectVelo.com

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Le prix des engagements va augmenter en 2019. La décision de la Fédération française de cyclisme, d'augmenter d'un euro sa part dans les droits d'engagement et de laisser une plus grande liberté aux organisateurs dans la fixation du prix total de cet engagement, fait beaucoup parler dans le cyclisme amateur. Michel Callot, Président de la FFC, constate que "la richesse créée par les organisations a fortement décru. Cette réalité nous oblige à réagir et à rééquilibrer ce modèle". L'augmentation est donc une réponse à ce constat, comme il l'explique à DirectVelo.

DirectVelo : Les engagements pour les courses sur route vont passer d’une fourchette de 7€ à 9€ à un écart de 8,5 à 15 €. Pourquoi autoriser un tel écart ?
Michel Callot : A ce jour, seuls les droits d’engagement du cyclisme traditionnel font l’objet d’un encadrement. Les autres disciplines fonctionnent avec des tarifs libres, dont une part constitue un apport au club organisateur qui supporte le coût de l’épreuve. L’écart créé constitue donc une liberté accordée au club organisateur pour ajuster le prix d’engagement à l’offre liée à son organisation. Cela s’inscrit de manière très logique dans la conviction que nous sommes aujourd’hui dans l’obligation de transformer un modèle économique du financement du cyclisme traditionnel qui a été construit sur la richesse créée par les organisations. Richesse qui a fortement décru notamment à cause du renchérissement des coûts d’organisation (sécurité…) et de la difficulté à mobiliser des financements publics. C’est cette réalité qui nous oblige à réagir et à rééquilibrer ce modèle pour préserver globalement notre capacité organisatrice. 

CETTE AUGMENTATION RESPECTE LE PRINCIPE « QUI UTILISE PAIE »

Est-ce que vous comprenez les réactions des licenciés par rapport à cette augmentation ?
Je comprends bien évidemment que le principe d’une augmentation ne fasse pas plaisir. Pour autant, je condamne fermement certaines initiatives qui ont été prises pour attaquer cette décision en utilisant le mensonge et la démagogie.
Sur le fond, cette augmentation respecte le principe « qui utilise paie ». L’organisation d’épreuves correspondant à une offre de services dont chaque licencié fait usage selon son choix. Le droit d’engagement répond donc à une participation à cette « prestation de services ». Le coût moyen rapporté au participant d’une épreuve est très souvent supérieur à 20€. Ce qui signifie que « l’usager » ne finance qu’une part de ce coût de revient dont il faut bien dire qu’il est élevé pour les clubs organisateurs.
Il n’est pas normal de faire peser cette charge liée directement à l’intensité de la pratique de chacun, à tous les licenciés et aux clubs qui s’engagent pour permettre de fournir un calendrier complet dans chaque région. C’est pourquoi, nous avons souhaité rééquilibrer la part entre le contribuable (licencié) et le consommateur (engagé) et permettre de soutenir les clubs organisateurs.
Cette décision s’accompagne de mesures visant à « stimuler » le calendrier des épreuves qui s’érode depuis plusieurs années. Le maintien d’une offre de pratique en proximité est susceptible de générer des économies en termes de déplacements bien supérieures à cette augmentation.
Ma responsabilité de Président de la FFC et celle de l’exécutif qui m’accompagne est de prendre les décisions qui nous semblent les plus adaptées pour préserver l’avenir de notre sport. J’assume le mécontentement créé à court terme mais je souhaite que le bilan de l’évolution de notre Fédération soit fait avec un peu plus de recul sur les mesures prises. 

A qui va profiter cette augmentation ? La FFC, les comités, les clubs ?
La mesure prise répond clairement à trois objectifs : Créer une recette supplémentaire de 1€ par engagement pour la Fédération ; Permettre au comité régional d’augmenter sa part sur les droits d’engagement de 0,5 € par engagement ; Donner une marge de manœuvre au club organisateur, mesure dont je viens d’expliquer le sens dans votre première question. C’est donc la partie hausse de la tarification que je commenterai maintenant en quelques mots. La hausse de la tarification est une mesure qui s’explique de la manière suivante : La FFC a connu une situation financière très délicate avec un risque réel sur la continuité d’exploitation. Cette situation a nécessité, dès le début du mandat, la mise en place d’un plan d’économies drastique pour retrouver un équilibre budgétaire. Cet objectif est aujourd’hui atteint.
Pour autant, nous devons regarder l’avenir avec ambition parce que nous croyons dans le potentiel de notre sport et pour cela nous allons : Constituer des fonds propres positifs afin d’assurer une stabilité financière durable ; Activer notre plan numérique avec un gros effort de digitalisation, notamment de la licence, qui amènera simplification et économies à toutes les structures fédérales ; Nous donner les moyens de structurer une réelle politique marketing afin d’accélérer notre développement et nous doter de la capacité de conquérir de nouvelles sources de financement. 

TROUVER L'EQUILIBRE ENTRE LA QUALITE DE L'ORGANISATION, SA PROXIMITE ET LE PRIX D'ENGAGEMENT

La part de la FFC est maintenant égale entre la route, le VTT et le BMX où la part de l’organisateur est libre. Dans ces disciplines, quels montants peuvent atteindre les droits d’engagement et y a-t-il la même réaction des pratiquants vis-à-vis de l’augmentation que dans le cyclisme traditionnel ?
Je pense que le raisonnement de la comparaison des prix entre les disciplines n’est pas le bon. En effet la nature des organisations est très différente. Par exemple, en BMX vous avez une logique d’équipement avec une piste à construire et à entretenir ou en VTT DH, une problématique de système de remontée des vélos…
L’important est de trouver le bon point d’équilibre entre l’activité offerte, la qualité de l’organisation, sa proximité et le prix d’engagement. Encore une fois l’objectif majeur est de faire en sorte de préserver notre calendrier de compétitions. Aujourd’hui chacun comprendra qu’il est préférable de trouver des compétitions un peu plus près de chez soi et qu’il reste plus avantageux de payer un peu plus cher son engagement que d’avoir à financer des déplacements longs.
Enfin, pour répondre sur le BMX et le VTT, ces disciplines se sont construites avec un modèle financier différent, et si on s’en réfère au développement de l’un comme de l’autre, sur ces 20 dernières années, je ne pense pas que l’on puisse dire que le sujet du prix des engagements ait été un frein à ces disciplines. 

Le prix des engagements va-t-il encore augmenter l’an prochain ?
La tarification des engagements n’augmentera plus dans cette olympiade. Je vous ai expliqué pourquoi nous avions maintenant besoin de cet effort collectif avec la tarification. Je considère que cet effort nous permet d’être dans les conditions suffisantes pour pouvoir lancer activement le déploiement de notre politique de développement et créer des ressources pérennes pour notre Fédération. Par ailleurs nous avons aujourd’hui la solidité d’un budget tenu où il n’est pas question de remettre en cause les économies que nous avons su créer sur ces deux dernières années. 

PAS DE CORRELATION ENTRE LE PRIX D'ENGAGEMENT ET LES PRIX EN COURSE

Avez-vous cherché à comparer les prix des engagements avec les autres sports (trails, courses à pied) avec les cyclo-sportives, ou par rapport aux pays voisins ?
On voit très bien que l’on a un modèle particulier pour les épreuves dites de masse quelques soient les disciplines ou les activités. Ce modèle est très « libéral » avec des fourchettes de prix larges et un lien direct entre la valeur de l’engagement et l’attente du participant sur le service attendu.
De même avec l’étranger, l’organisation du cyclisme amateur est très différente selon les pays. Nous sommes un pays qui a encore une forte densité de pratique sur route avec beaucoup de catégories. Cela joue un rôle sur le dimensionnement de nos compétitions. La logique de comparaison me parait peu appropriée pour ces raisons. L’histoire de l’organisation de notre cyclisme sur route est unique et c’est la compréhension de celle-ci qui doit guider nos choix pour la faire évoluer.

Peut-on augmenter les prix des engagements sans augmenter les prix en course ?
Pour moi, cette question doit vraiment se réfléchir en utilisant la même logique et c’est aux organisateurs de se positionner au-delà des minimas s’ils le souhaitent et s’ils considèrent que c’est un élément de valorisation de leur épreuve. Sauf pour le haut niveau, ce sujet doit être très ouvert et il n’y a pas vraiment de sens à établir une corrélation entre le prix d’engagement et les prix de course. 

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