On a retrouvé : Kévin Pigaglio

Crédit photo Régis Garnier - www.velofotopro.com

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Le Tour des Pays de Savoie 2010 aurait pu marquer un tournant dans la carrière de Kévin Pigaglio. Lors de la première demi-étape d'un samedi humide et frisquet, le coureur de Charvieu-Chavagneux IC tient tête à Romain Bardet et à Andrew Talansky… Avant de tout perdre sur une chute. Le Varois, presque 23 ans à l'époque, ne confirmera jamais par la suite à un tel niveau. Sans importance pour un garçon qui a aujourd’hui complètement délaissé la pratique du cyclisme, mais qui continue de jeter un oeil aux résultats, y compris chez les amateurs. DirectVelo a retrouvé celui qui est devenu agent immobilier.

DirectVelo : Si l’on te parle du Col de San Carlo…
Kévin Pigaglio : Ah putain ! (rires). Le “Savoie 2010” ! Bon, il n’y a pas eu que ça dans ma carrière. Je pense aussi au Rhône-Alpes Isère Tour par exemple, mais c’est vrai que ça aura été un grand moment, et un grand souvenir.

As-tu des souvenirs précis de cette étape ?
Bien sûr ! C’est moi qui suis sorti le premier, dès le pied du col. Romain Bardet est venu avec moi. On s’est retrouvé tous les deux devant. Puis Andrew Talansky est revenu sur nous un peu plus tard et nous a déposés. C’était le plus fort. De mon côté, j’ai continué d'amener à un bon rythme et j’ai fait péter Romain Bardet. J’ai basculé en deuxième position au sommet et j’étais parti pour faire 2e de l’étape, mais je suis tombé dans la descente. C’était le dernier virage, la dernière difficulté du parcours, car il ne restait plus que deux kilomètres en faux-plat jusqu’à la ligne. Mais j’ai pris des gravillons et je me suis retrouvé par terre. J’ai quand même terminé 4e de l’étape mais je me suis fait bien mal.

Et tu n’avais pas pu défendre tes chances l’après-midi même…
Il faisait un temps de fou, avec de la pluie… Il faisait très froid. J’avais le genou hyper gonflé, en vrac. J’ai pris le départ mais dès la première montée, j’étais “out”. C’est dommage, mais bon, on ne va pas refaire l’histoire. C’est loin tout ça (sourires).

Depuis ce temps-là, Romain Bardet est devenu l’un des meilleurs coureurs du Monde, récent vice-Champion du Monde à Innsbruck, 2e du Tour de France… Andrew Talansky a pour sa part, notamment, remporté le Critérium du Dauphiné…
Ah oui, il a gagné le Dauphiné, Talansky ? Bon… Je n’ai pas de regrets, si c’est la question. Les mecs étaient dix fois meilleurs que moi, il ne faut pas se le cacher. Ils étaient déjà beaucoup plus forts et beaucoup plus réguliers à l’époque d’ailleurs. Franchement, je ne peux pas me dire que j’aurais pu faire carrière parce que j’ai rivalisé avec eux sur une course. Dans le meilleur des cas, si j’avais insisté, j’aurais peut-être pu faire une toute petite carrière, en passant pro dans une équipe Continental, genre Auber ou La Pomme. Mais je ne serais jamais allé plus haut. Il faut être réaliste.

« IL FAUT ÊTRE LUCIDE »

Après cet épisode savoyard, en 2010, après quoi courais-tu ? Avais-tu mis toutes les chances de ton côté pour faire carrière ?
Oui et non. Je m’entrainais sérieusement mais je ne faisais pas non plus le taff à fond à côté, au niveau de l’alimentation par exemple. Même chose pour le sommeil. Il m’arrivait rarement d’aller me coucher gentiment à huit heures (20h). Au contraire, c’était plutôt à huit heures du matin que j’allais au lit parfois (rires). Comparé à certains, il n’y avait pas photo. Mais j’aurais aimé passer un cap supérieur, oui. J’aurais aimé avoir une opportunité au-dessus mais encore une fois, il faut être lucide et dans tous les cas, je n’aurais pas fait carrière. Aujourd’hui, je suis heureux de ce que je suis devenu et de ce que je fais, c’est l’essentiel.

Que fais-tu, justement ?
Je suis devenu agent immobilier, depuis cinq ans et demi. En fait, je m’y suis mis dès que j’ai arrêté le vélo. Au tout début, j’avais imaginé monter un magasin de vélo à Grenoble, avec un collègue, mais ça ne s’est pas fait. J’ai vite basculé dans l’immobilier. De toute façon, j’avais fait mes études dans cette branche-là. Donc j’ai trouvé un boulot à Hyères, chez moi, et j’y suis toujours depuis.


Prends-tu toujours le temps de rouler en dehors de tes heures de travail ?
Pas du tout ! J’ai complètement coupé. Je n’ai plus fait la moindre sortie depuis trois ans. J’ai vite fait la bascule quand j’ai arrêté la compétition : je sortais le vélo comme ça, de temps en temps, peut-être quinze fois dans l’année. Puis c’est devenu de plus en plus rare et maintenant, c’est fini.

Et tu ne ressens pas de manque, ou le besoin de te dépenser ?
Je fais du foot-salle le mercredi soir. Pour le reste, je me dépense énormément au travail (sourires). Je m’implique à fond dans ce que je fais. J’ai de beaux projets, tout se passe bien, j’ai une famille, deux enfants… Et je suis très heureux comme ça !

« JE CONSIDÉRAIS AVOIR FAIT MON TEMPS »

Tu n’es donc pas du tout nostalgique de tes années sur le vélo ?
C’est ça. J’ai vraiment profité pendant mes années de compétition et j’en garde de bons souvenirs, mais à 25 ans, je m’étais dit qu’il fallait passer à autre chose. J’avais assez donné et je n’avais pas su atteindre mes objectifs. Le vélo, ce n’est pas forcément une fin en soi dans la vie. Je ne voulais pas persévérer comme certains, jusqu’à 35 ans. Quand je vois des coureurs passer deux fois chez les pros, redescendre en amateurs, continuer encore… C’est quoi l’idée ? Chacun fait comme il veut, après tout, mais moi, je considérais avoir fait mon temps dans le vélo et je voulais quelque chose de moins précaire pour mon avenir. Et pour ma famille.

Tu suis toujours l’actualité du monde du vélo malgré tout ?
Je regarde un peu, oui. Les pros comme les amateurs. Paradoxalement, je suis plus qu’avant. Une année, je me souviens que j’étais sur le podium du Tour du Gévaudan pour un maillot distinctif, et il y avait Davide Rebellin à côté de moi. Je ne l’avais pas reconnu, en fait. Je savais à peine qui c’était… Depuis, j’ai plus de temps pour suivre les résultats des pros notamment. Je regarde les courses. Et je continue d’aller sur DirectVelo pour voir les résultats sur des courses qui me parlent, c’est sympa.

Tu n'as jamais envisagé continuer le vélo jusqu’à 30 ans chez les amateurs…
Hors de question ! Quand je vois certains mecs aller jusqu’à 35 ou 40 ans… C’est impressionnant. Encore une fois, j’ai adoré mes années de cyclisme, notamment à Charvieu. C’était top, vraiment. Mais aujourd’hui, j’ai une vie qui est dix fois mieux qu’avant. Je suis posé, j’ai des vacances “tranquille”, un vrai salaire… La vie précaire, ça va un temps, quand tu es jeune, mais pas à 35 ans ! En tout cas, c’est ma vision des choses. Et je peux comprendre qu’on ne la partage pas. Je respecte les choix des autres. Mais à 25 ans, dans ces conditions, c’était la limite pour moi. Si j’avais continué encore quatre ou cinq saisons, ça m’aurait apporté quoi ? Voilà… J’avais besoin d’accomplir des choses, d’avancer, de progresser. Et ça ne pouvait plus être sur le vélo. Amateur à 35 ans, il faut arrêter les conneries (rires).

On te sent avoir un avis très net, et le verbe toujours tranchant et “cash”, comme lorsque tu étais coureur…
Je n’ai pas changé ! Je sais qu’à l’époque, ça a pu me coûter cher. Enfin, disons que je n’étais sans doute pas assez faux-cul, contrairement à beaucoup d’autres. J’ouvrais beaucoup ma gueule, je l'avoue… A cause de ça, j’ai eu une réputation dans le milieu. Peut-être que ça m’a fermé des portes, mais je m’en fous ! Je me suis amusé, j’étais heureux sur le vélo, et je le suis encore plus aujourd’hui. Tout va bien.

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