Hugo Hofstetter : « La victoire me fuit »

Crédit photo Sarah Meyssonier / https://sarahmeyssonnier.photoshelter.com/

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Encore une fois, il est passé tout près. Très régulier depuis de nombreux mois, Hugo Hofstetter a bien cru tenir sa première victoire professionnelle ce dimanche au Grand Prix de Denain (1.HC). C’était sans compter sur le Belge Kenny Dehaes, qui a parfaitement anticipé le sprint dans le dernier kilomètre (voir classement). “Quand j’ai lancé mon sprint, je n’ai pas réalisé qu’il était si loin devant. Je pensais gagner, c’est une belle désillusion”. Déçu de passer à côté de la victoire, le sociétaire du Team Cofidis se satisfait malgré tout de sa très belle condition actuelle et de ses bons résultats depuis le début de l’exercice 2018. DirectVelo fait le point avec l’Alsacien de 24 ans, qui compte bien faire (encore) parler de lui sur les Classiques, ces prochaines semaines. 

DirectVelo : Ce Grand Prix de Denain, c’était une course de guerriers, comme tu les aimes !
Hugo Hofstetter : Complètement ! C’est le genre de course où il faut être attentif tout le long, rester concentré et ne jamais se relâcher. En circuit, ça me plaît car tu peux prendre des repères. Tu sais à quels endroits tu peux récupérer, à quels autres endroits il faut absolument bien se replacer, où il y a des risques de bordures… Ca te permet d’être là au bon moment, si tu as les jambes. Sachant que sur ce type de courses, il faut savoir s’économiser si tu veux être devant sur la fin…

Peu avant le départ, les organisateurs ont annoncé raccourcir leur épreuve et faire sauter la plupart des secteurs pavés prévus sur l’épreuve : comment as-tu géré cette situation ?
C’est forcément compliqué à gérer, juste avant le départ. Etant donné les conditions météo, on se doutait que ça bougerait. Le matin, avec les gars, on se disait que s’ils laissaient les secteurs pavés, ça aurait été un peu n’importe quoi. Ils auraient pris des risques… C’était envoyer les coureurs au casse-pipe. La décision prise était sage, et c’était selon moi la bonne. De toute façon, comme on se l’était dit avec notre directeur sportif avant le départ, s’ils avaient laissé tous les secteurs pavés, on n’y aurait pris aucun risque. En tout cas, il a fallu réussir à se remobiliser avec le nouveau parcours. 

« BACKAERT, SANS DOUTE LE FAIT DE COURSE QUI ME COÛTE LA VICTOIRE »

Et qu’est-ce que ce parcours a changé ?
Pas grand-chose, en vérité. Le risque des bordures était toujours aussi présent. Quand je vois le chantier que l’on a eu, je me dis que ce n’était peut-être pas une bonne idée d’avoir autant de pavés sur le parcours initial. On aurait peut-être eu dix mecs à l’arrivée ! Le vent et les pavés que l’on a eus, c’était largement suffisant, je pense. Il ne faut pas faire plus dur. On voit ça où ? Sur Paris-Roubaix, mais c’est du niveau WorldTour avec tous les plus grands spécialistes, et ça roule différemment. En plus, il n’y a pas autant de vent.

Tu n’as donc pas été surpris de voir une course si décousue ?
Franchement, non. On le savait dès la veille. Il y avait beaucoup de changements de direction, on était souvent à découvert… Ca allait épailler, c’était sûr. En plus, il faisait froid, ce qui a rajouté une difficulté pour tout le monde. Sur 200 bornes, avec la fatigue…

Revenons au final de la course : tu as vite compris qu’il serait difficile de contrôler toutes les attaques pour arriver au sprint ?
Je savais que ça allait être compliqué de gérer tout le monde. Jimmy (Turgis) a fait un très gros travail, puis j’ai moi-même dû aller chercher des coureurs à 5-6 bornes de l’arrivée. Je regrette le manque d’organisation flagrant de certaines équipes. Les FDJ avaient déjà beaucoup donné mais les Wanty étaient quatre et je trouve qu’ils ont mal couru. Surtout, je n’ai pas compris l’attitude de Frederik Backaert, qui a emmené Kenny Dehaes dans un fauteuil ! Il ne s’est jamais retourné… Peut-être n’a-t-il pas vu qu’il l’emmenait, mais il peut s’en mordre les doigts. C’est sans doute le fait de course qui me coûte la victoire.

« J’AI TOUJOURS PENSÉ Y ARRIVER »

Tu termines donc 2e après avoir déjà fini 4e de la Clasica de Almeria, 3e d’étape au Tour d’Algarve ou encore 3e de la Nokere Koerse, mercredi passé…
J’ai l’impression que la victoire me fuit, et c’est vrai depuis mes débuts chez les pros. La première année (2016) j’avais un vrai rôle d’équipier et je me suis sacrifié toute la saison. L’an passé, je commençais à avoir ma chance et des résultats, mais je n’avais pas la réussite. Je repense notamment à la Classic Loire-Atlantique, où Thomas (Boudat) et moi avons manqué d’équipiers dans le final (il termine 3e alors que Laurent Pichon résiste de justesse au retour du peloton, NDLR). Il y avait aussi eu l’Artic Race mais là, c’était logique, j’ai été battu par plus fort (2e derrière Alexander Kristoff, NDLR). Mercredi, je m’en suis voulu sur la Nokere Koerse car j’avais un élan fou au moment de lancer le sprint mais je me suis fait bloquer par le lanceur de la Quick-Step et j’ai perdu trop de vitesse. Du coup, Jakobsen m’a débordé facilement ensuite. Toutes ces places d’honneur, c’est dommage.

Finalement, à Denain, c’était pratiquement le copier-coller de la Classic Loire-Atlantique l’an passé !
Kenny Dehaes a bien joué le coup. Quand j’ai lancé mon sprint, je n’ai pas réalisé qu’il était si loin devant. Je pensais gagner, c’est une belle désillusion. Mais bon, je tourne autour et j’espère que ça va venir bientôt.

Es-tu surpris d’avoir atteint ce niveau de performance ?
Non car je travaille pour. Je fais plein de sacrifices. J’ai toujours pensé y arriver. Quand je regarde en arrière, je n’oublie pas que j’ai progressé très vite chez les Espoirs (relire sa Grande Interview). Et pourtant, je partais de loin ! Je savais que j’avais encore une belle marge de progression et je le confirme. J’en suis très satisfait. Ce qui me motive, c’est justement d’être régulier, et pas de faire un coup de temps en temps puis de disparaître pendant deux mois.

« JE MONTRE QUE JE PEUX ASSUMER »

Aujourd’hui, tu sais exactement ce que tu peux espérer chez les pros, en temps que sprinteur puissant, capable de briller sur les Classiques ?
J’avais déjà une bonne idée chez les amateurs. Après, c’est toujours difficile de faire le bond. Mais je connaissais ma pointe de vitesse. Quand tu gagnes au sprint sur une Coupe de France DN1, ça parle (la 2e étape du Tour d’Eure-et-Loir 2015, NDLR). Même chose pour les Classiques. J’avais terminé 3e d’un Paris-Roubaix Espoirs donc je savais que c’était l’un de mes points forts. Finalement, tout est logique. Le plus difficile pour moi actuellement, ce sont les courses de puncheurs. Il y a des vrais spécialistes à la Julian Alaphilippe ou Greg Van Avermaet et je suis bien en-dessous. Pour le sprint, je sais que je peux encore passer un cap, et c’est sans doute ce qui me fera gagner des courses.

Si tu peux espérer gagner des courses cette saison, c’est aussi parce que tu as acquis un nouveau statut au sein de la formation Cofidis…
Ce sont des responsabilités ! J’ai réussi à me faire une place et j’en suis très heureux. Nacer (Bouhanni) et Christophe (Laporte) sont là mais je suis aussi présent, sur d’autres fronts et en effet, on me fait confiance. C’est le gros point positif pour moi. Je montre que je peux assumer, je réponds présent… C’est tellement important quand on vous fait confiance ! Mes équipiers sont formidables depuis le début de la saison : je pense à Jimmy (Turgis) qui a été énorme à Denain et qui est très fort en ce moment, ou à Geoffrey (Soupe), à Michaël (Van Staeyen)... Ces résultats, c’est grâce à eux.

Et maintenant ?   
Je dois bien gérer la période des Classiques et ne pas me cramer. C’est pour ça que j’ai demandé à faire l’impasse sur le Tour des Flandres, notamment. Il y aura les Trois jours de La Panne cette semaine. J’espère marcher encore plus fort ! Puis il y aura Gand-Wevelgem, A travers les Flandres et bien sûr Paris-Roubaix, qui me tient tant à coeur. Je n’oublie pas non plus le Tro Bro Leon, où je sais que je peux avoir une belle carte à jouer. Puis il sera temps de souffler un peu avant de repartir sur la seconde partie de saison avec le Grand Prix de la Somme, les Quatre jours de Dunkerque et, je l’espère, une participation au Tour d’Espagne, qui serait mon premier Grand Tour.  J’aimerais être très performant sur la Vuelta, mais déjà y être tout simplement. C’est mon principal voeu. 

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