La circulaire qui règle la circulation

Crédit photo DirectVelo.com

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C'étaient les autographes les plus attendus du milieu cycliste, plus qu'une carte postale dédicacée de Peter Sagan. Gérard Collomb (ministre de l'Intérieur), encre noire, et Laura Flessel (ministre des sports), stylo bleu, ont signé la circulaire d'application du décret du 9 août 2017 (lire ici). L'objet de ce décret était de simplifier l'organisation des épreuves sportives sur la voie publique, et donc, des courses cyclistes.

PRESOMPTION FAVORABLE POUR LES COURSES CYCLISTES

Cette circulaire adressée aux préfets et aux directions de la police et de la gendarmerie nationale, doit permettre à ces services d'appliquer ce décret dont une des grandes nouveautés est de donner l'usage exclusif temporaire de la chaussée aux manifestations sportives avec classement. Ce nouvel usage est même encouragé par la circulaire pour les courses cyclistes : "J'attire votre attention sur les courses cyclistes qui se courent en "ligne" (...) bénéficient d'une présomption favorable sur la nécessité de leur accorder un usage exclusif temporaire de la chaussée au moment de leur passage".

Pour les courses en petit circuit, l'usage privatif de la chaussée est prévu. Quand la préfecture autorise l'usage exclusif temporaire ou l'usage privatif de la chaussée, elle doit s'assurer que les organisateurs ont prévenu les maires et les Présidents des conseils départemantaux traversées.

LA COURSE CYCLISTE DEVIENT LEGALE

"Depuis le début du vélo, la course cycliste est dans l'illégalité. Maintenant elle devient légale", rappelait Nicolas Rougeon, le Président de la commission de la Sécurité à la FFC et organisateur de la Vienne Classic, à l'occasion du Congrès fédéral à Nantes, en février. En effet, si la circulaire du 6 mai 2013 sur la sécurité des épreuves sportives donnait la priorité de passage aux courses, chaque préfecture pouvait ordonner aux coureurs et aux véhicules de se conformer au code de la route, et donc, de rouler à droite. L'usage exclusif temporaire permet d'occuper toute la largeur de la chaussée.

Une des inventions liées au décret du mois d'août (lire ici) est la notion de "Bulle course". Cette notion est le fruit des négociations de la FFC avec les ministères de l'intérieur et des sports qui cherchaient à simplifier les procédures d'organisation pour soulager leurs services. Contrairement aux fédérations auto et moto, la FFC n'a pas cherché le conflit mais plutôt à formuler des propositions. Face à la demande de la fédération d'un usage exclusif de la chaussée pour toutes les courses - qui nécessite une fermeture de la circulation pendant une longue durée comme pour le Tour de France - le ministère de l'intérieur a répondu par "l'usage exclusif temporaire".

LA VOITURE OUVREUSE A 80 ANS

La temporisation de l'usage est réglée par deux véhicules : celui qui signale le début de la course et la voiture balai qui ferme le ban. La "Bulle course" est coincée entre ces deux véhicules. La circulaire du 13 mars 2018 précise que pour les courses cyclistes, ces véhicules doivent être équipés "d'une signalisation lumineuse de couleur jaune orangée". Les règles techniques et de sécurité des épreuves cyclistes sur la voie publiques (RTS) éditées par la FFC ajoutent que la voiture ouvreuse doit aussi être équipée d'un drapeau triangulaire rouge (ou d'un gyrophare rouge) pour signaler "qu'on ne passe plus". Le véhicule fin de course annonce la réouverture de la route aux usagers par un drapeau triangulaire vert (ou, là aussi, d'un gyrophare vert).

C'est après plusieurs accidents mortels dans les courses azuréennes en 1937 causés par une collision avec une voiture qui arrivait face au peloton que des organisateurs niçois ont eu l'idée de placer une voiture avec un panneau "Course cycliste" à l'avant de la course.

UN MOTARD SANS SON CASQUE EST UN PIETON

Tous les problèmes ne sont toutefois pas réglés. La première question est de savoir qui va informer les automobilistes de ce changement dans le code de la route ?

La circulaire dit que "cette priorité sera portée à la connaissance des usagers de la route par les moyens habituels de publicité des actes administratifs, mais également par les signaleurs". Donc pour les automobilistes qui ne liront pas les arrêtés préfectoraux ou municipaux, le signaleur sera le seul moyen d'informer le conducteur obligé d'attendre le passage de toute la bulle course, prêt à dégainer le frein à main.

Le rôle du signaleur peut être tenu par des "civils". Le signaleur à pied est habillé d'un gilet de haute-visibilité et d'un panneau K10 (les panneaux avec une face verte et un sens interdit sur l'autre face). Des barrières avec l'inscription "course" peuvent être ajoutées si un seul signaleur s'occupe d'un carrefour à plusieurs voies.

Le signaleur à moto n'a pas besoin de panneau et peut régler la circulation manuellement, à condition qu'il garde son casque sur la tête, pour rester identifié comme un motard et ne pas devenir un signaleur à pied.

QUI VA INFORMER LES AUTOMOBILISTES ?

Pour Nicolas Rougeon, "c'est à l'Etat de faire la communication de ce changement. Mais cette communication doit porter sur toutes les manifestations sportives sur la voie publique et pas seulement sur le vélo pour ne pas devenir la cible des automobilistes. Les fédérations d'athlétisme, d'équitation, de triathlon et de roller sont elles aussi concernées. Mais quand un véhicule forcera le barrage d'un signaleur, il faudra porter deux ou trois dossiers jusqu'au bout et communiquer sur la sanction".
 
La circulaire du 13 mars 2018 rappelle que "les signaleurs ne disposent pas de pouvoirs de police à l'égard des usagers qui ne respecteraient pas la priorité mais le non-respect de leurs indications relatives aux restrictions de circulation imposées pour le passage de la course est sanctionné par une contravention de la quatrième classe". Il faut toutefois apporter des preuves de l'infraction (photos, témoignages concordants).

L'autre changement est de ne plus soumettre l'organisation des courses à autorisation préfectorale mais à déclaration auprès de l'autorité administrative. La circulaire traite explicitement du cas des courses cyclistes. Elle porte à la connaissance de toutes les préfectures, le formulaire Cerfa de demande d'autorisation déjà présent dans le RTS publié par la FFC. Ce Cerfa et les pièces demandées doivent être adressés au moins deux mois avant la course, si elle se déroule dans un seul département. La circulaire comporte aussi un formulaire type de réponse des préfets aux organisateurs de courses cyclistes.

Reste à savoir si, dans les faits, tous les services concernés liront cette circulaire de la même manière.

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