La Grande Interview : Flavien Maurelet

Crédit photo Freddy Guérin / DirectVelo

Crédit photo Freddy Guérin / DirectVelo

Labruyère-Dorsa, tout petit village de moins de 300 âmes, en Haute-Garonne. C'est ici, “à la campagne", au Sud de Toulouse, que vit le nouveau Champion de France Amateurs de cyclisme sur route, Flavien Maurelet, sacré 1000 kilomètres plus au Nord, sur le circuit de Saint-Omer (Pas-de-Calais). Adepte du karaté et de la natation lorsqu'il était gamin, celui qui est aujourd'hui sociétaire du GSC Blagnac Vélo Sport 31 s'est sérieusement mis au cyclisme en Cadets. Habitué à rapidement enchaîner les victoires jusqu'en Juniors, il a ensuite eu du mal à confirmer dans le peloton Élites. La preuve, il n'a jamais porté le maillot de l'Équipe de France Espoirs pendant ses quatre années dans la catégorie d'âge. "A cette époque-là, je n'étais pas encore prêt. On voit des mecs qui sortent des rangs Juniors et qui vont tout claquer déjà en Espoirs 1 ou 2. Ce n'était pas mon cas. J'ai été un peu plus long à franchir les paliers mais c'est venu avec le temps", résume-t-il avec le recul de ses désormais 26 printemps. "Puncheur persévérant et bosseur", à l'aise au sprint comme dans les montées courtes et sèches, l'actuel 2e du Challenge BBB-DirectVelo (voir classement) espère maintenant décrocher un contrat professionnel pour 2018. Peut-être l’année ou jamais pour celui qui dit ne jamais avoir été aussi fort. 

DirectVelo : Comment as-tu vécu les jours qui ont suivi ton titre de Champion de France ?
Flavien Maurelet : J'ai reçu énormément de félicitations et d'ailleurs, ça continue encore cette semaine. Je ne me rends pas forcément compte pour le moment. La seule chose qui me fait réaliser l'importance de ce titre, c'est le matériel que je reçois depuis quelques jours. On m'a envoyé un casque Ekoi et des lunettes, on va également m'envoyer des roues. Je ne pensais pas que ça allait être autant ! Sinon, j'ai encore un peu de mal à m'endormir le soir, je repense toujours à ce titre.

Tu réaliseras peut-être un peu plus lorsque tu porteras le maillot en course ?
Oui, quand je serai tout équipé de la tête aux pieds en bleu-blanc-rouge et avec le vélo, qui devrait arriver la semaine prochaine. Là, ça me fera sûrement bizarre. Avoir le maillot en course samedi, sur le Tour du Pays roannais, ce sera quelque chose d'énorme.

« DEUX MAILLOTS FLOQUÉS ET UNE BOUTEILLE DE CHAMPAGNE »

Comment as-tu fêté ton titre samedi soir ?
On n'est pas resté sur Saint-Omer mais les gars m'ont fait une surprise. On m'a simplement dit qu'on allait dormir sur la route et couper au hasard, comme il y avait quand même dix heures de trajet. Mais en fait, on est tous partis manger chez mon ami Clément Penven, avec d'autres amis. Je n'étais pas au courant et je n'ai pas forcément fait attention à la route car j'étais à bloc sur mon téléphone à regarder tous les messages. C'est simplement en arrivant à 20 minutes de chez Clément que j'ai réalisé, comme je connais bien les routes du coin. C'était une belle surprise. On en a bien profité, comme il fallait. On a remis ça le lendemain à Blagnac, où il y a eu un pot d'accueil. Il y avait des petits du club, des parents de coureurs et la maire du village. Puis on a fait un barbecue le soir, chez le Président du club, avec l'ensemble des coureurs. C'était sympa.


Qu'as-tu ressenti au moment de ressortir une première fois le vélo à l’entraînement ?
C'était mardi. Il a fallu que je me remette dedans après deux jours de détente. Ca m'a fait drôle. Je suis parti avec mon beau maillot bleu-blanc-rouge floqué du GSC Blagnac. Encore une surprise ! En fait, le Président avait préparé un maillot au cas où je sois Champion de France. A l'arrivée, Sylvain Blanquefort m'avait donné une enveloppe et dedans, il y avait deux maillots bleu-blanc-rouge floqués du nom du club. Et une bouteille de champagne ! Je n'étais pas du tout au courant.

Les dirigeants devaient avoir une sacrée confiance en toi pour fabriquer des maillots de Champion avant la course !
C'est sûr que le Championnat était mon objectif mais de là à le gagner, c'est autre chose. Je n'aurais jamais pensé à ça mais ça m'a fait plaisir de voir qu'ils me font vraiment confiance. C'était une belle attention.

« PRÊT À REPARTIR SUR AUTRE CHOSE »

On a le sentiment que certains de tes équipiers ou de tes dirigeants croyaient plus en cette victoire que toi...
C'est vrai qu'à chaque fois, ils me disaient que je marchais et que j'étais le plus fort. De mon côté, mis-à-part cette année, je n'avais jamais eu un rôle de "leader" mais ils me donnaient beaucoup de confiance. Que ce soit ma famille, mes amis proches ou toute l'équipe en général, ils m'ont donné ce petit plus. Cela a joué sur mes performances, c'est sûr et certain.

Qu'as-tu fait du "vrai" maillot de Champion de France, celui reçu sur le podium de Saint-Omer ?
Pour l'instant, il est toujours dans mon sac. Je pense que je vais l'encadrer d'ici peu. Je suis allé voir ma soeur qui est en vacances au Cap d'Agde. Je suis parti là-bas en début de semaine pour lui faire une surprise. J'ai ramené le maillot et la médaille pour lui faire voir. Je n'ai pas arrêté en fait depuis samedi et j'étais bien fatigué, mais maintenant, je commence enfin à me poser et à reprendre un rythme normal. De toute façon, il va bien falloir. Le Tour du Pays roannais sera vite là. Il y a désormais une seconde partie de saison à faire, avec le maillot.

Tu penses pouvoir rapidement repartir sur un nouveau cycle ?
J'ai su profiter des deux jours après la course mais je suis prêt à repartir sur autre chose. Je reste motivé. Je veux continuer sur ma lancée et continuer à gagner des courses.

« LE SCÉNARIO ÉTAIT LE MEILLEUR DE TOUS »

Ce titre de Champion de France, tu y pensais depuis le début de l'année ou plus particulièrement depuis tes gros résultats des dernières semaines ?
Tout le monde le veut ce maillot. C'est normal, c'est quelque chose d'énorme. Mais c'est vrai qu'avec les sensations que j'avais sur le vélo ces dernières semaines, j'y pensais de plus en plus. Sans me mettre de pression, mais je voulais vraiment bien faire. J'y pensais régulièrement depuis trois semaines. Puis la semaine du Championnat, j'ai commencé à me faire des films de course. Après avoir vu le circuit, je me suis mis des scénarios en tête. J'étais déjà dans ma course. Je ne m'en suis pas forcément rendu compte mais le mécano m'a dit après coup que je m'étais vraiment mis dans ma bulle avant la course. Je n'ai jamais été stressé, je n'ai pas eu peur alors qu'habituellement, c’était le cas avant un Championnat.


Avec le recul, penses-tu que le  scénario de course était simplement idéal pour toi samedi, ou aurais-tu pu t'imposer avec une course différente grâce à d'excellentes sensations ?
Pour moi, le scénario était le meilleur de tous. Dès les jours précédents, j'avais eu l'envie d'attaquer à deux tours de l'arrivée. Tout a été dans mon sens. Quand j'ai vu qu'il y avait ce petit groupe d'échappés à deux tours de l'arrivée, à seulement 20-25 secondes, je savais que je pouvais rentrer tout seul dans la bosse. Ca s'est passé comme je l'espérais. C'était le scénario rêvé mais ça restait tendu jusqu'au bout, quand il a fallu passer Bruno Armirail dans le sprint.

Tu parlais des nombreux messages reçus après la course. Y'en a-t-il eu un en particulier qui t'ait touché plus que les autres ?
J'ai eu un coup de fil d'une personne qui m'avait déjà appelé la veille de la course : Anne-Laure, la femme d'Arnaud Coyot, qui était mon entraîneur en 2013. Cet appel m'a particulièrement touché, ça m'a vraiment fait plaisir, tout comme les messages de l'ensemble de la famille Coyot en général.

« J’AVAIS BESOIN DE CHANGER D’AIR »

Quels étaient tes liens avec Arnaud Coyot ?
C'est quelqu'un que j'appréciais énormément et qui avait confiance en moi à 100%. On avait des liens forts, on s'appelait tous les jours et j'allais chez lui une à deux fois par semaine. Il a beaucoup compté pour moi et lorsqu'il est parti, c'était forcément compliqué. Un peu plus tard d'ailleurs, c'est aussi pour ça que j'étais parti assez loin lorsque je n'ai pas été conservé à Nogent. J'avais besoin de changer d'air et c’est comme ça que je m’étais retrouvé à Blagnac.

Et tu es resté sans entraîneur pendant trois ans...
Je pense que je n'étais tout simplement pas prêt à retrouver quelqu'un en qui j'aurais eu une telle confiance. Je me souviens qu'à l'époque, Arnaud me disait que j'avais de très bonnes qualités. Et finalement, on dirait bien aujourd'hui qu'il avait raison.

Comment expliques-tu le fait "d'exploser" d'un coup, à 26 ans ?
Je ne pense pas avoir énormément progressé physiquement même si j'ai passé un cap en ne faisant que du vélo à partir de 2014, après avoir passé mon DUT. Mais en revanche, j'ai passé un gros cap mentalement. Et puis, j'ai toujours aimé jouer la carte du collectif. Par exemple, j'aime lancer les sprints, pour un Yoan Verardo ou un Maxence Moncassin. J'adore ça et du coup, j'ai souvent oublié de courir pour moi alors que maintenant, je ne me pose plus autant de questions que les années précédentes.

« C’EST SURTOUT NIELS (BROUZES) QUI S'INQUIÈTE POUR MOI »

Et ce "gros cap mental", il a été franchi comment ?
Après le décès d’Arnaud, j'avais du mal à me décider à reprendre quelqu'un. J'avais peur de ne pas pouvoir être capable de faire autant confiance en cette personne qu'en Arnaud. Mais cette année, je me suis lancé et j'ai décidé de retravailler avec quelqu'un, Niels Brouzes. Il m'a donné énormément confiance en moi. Il m'aide beaucoup sur le mental comme sur la façon de travailler à l'entraînement. Les gens s'arrêtent beaucoup trop sur ce qu'il a pu se passer dans sa carrière mais c'est toujours pareil dans le monde du vélo. Il a eu un contrôle, c’est vrai, et je ne cautionne pas du tout ce qu'il a fait à l'époque (positif à la testostérone sur le Tour de Normandie 2002, NDLR) mais je ne veux pas non plus m'arrêter là-dessus.

Tu n’as pas peur des on-dit ?
Si. Enfin, à vrai dire, c’est même surtout Niels qui s’inquiète pour moi. Il ne veut pas que ça me porte préjudice pour la suite. J'espère juste que les gens savent faire la part des choses. Mentalement, c'est quelqu'un qui m'apporte beaucoup et on l'a vu cette année. Il sait aussi me rassurer quand c'est un peu plus dur et j'en ai besoin. C'est presque comme un coach mental. Et le plus gros changement pour moi, il est vraiment là, car je ne me sens pas beaucoup plus fort que l'an dernier. Peut-être que je faisais juste un blocage.

Mais tu as quand même progressé...
Ah oui ! C'est sûr que depuis quelques semaines, je suis au meilleur niveau auquel je n'ai jamais été. Je n'aurais jamais pu espérer être ce niveau-là. En plus, c'est un cercle vertueux. La réussite va avec. Quand on commence à gagner deux-trois courses, on ne peut plus se dire que l'on est moins fort que les autres. Alors on prend confiance, et on gagne encore.

« SANS PRÉTENTION, JE PENSE MÉRITER MA PLACE »

Tu es devenu un gagneur ?
Je pense que oui. Ce qui a tout changé, c'est ma victoire en début de saison à Montastruc (sur le GP Pierre Pinel, voir classement). Ca m'a donné beaucoup de confiance. Avant, j'allais sur les courses en me disant que j'espérais pouvoir faire un résultat mais sans plus alors que maintenant, je sais que je suis capable de gagner et je viens pour ça.


Dorénavant, l'objectif va être de passer pro...
Ah ben c'est clair ! J'espère pouvoir signer un contrat alors qu'en début de saison, j'y pensais sans plus. A 26 ans, ça fait peut-être un peu tard. Je commençais à me dire que tout le monde ne pouvait pas passer pro et que c'était comme ça mais ces derniers temps, j'y pense énormément. Sans prétention, je pense mériter ma place. Ce n'était pas du tout le cas les années précédentes mais maintenant, oui. Je pourrais déjà être stagiaire mais pour être honnête, je n'ai pas eu de propositions. Ca ne me surprend pas forcément car je sais que les équipes WorldTour ont déjà plein de noms et je ne peux pas être pris en Conti à mon âge, alors bon... Cela dit, je préfère clairement ne pas être stagiaire et passer pro que l'inverse.

En 2011, tu répondais une première fois aux questions de DirectVelo après une victoire sur le Tour des cinq communes (lire ici) : Qu'est-ce qui te différencie aujourd'hui du coureur que tu étais à ce moment-là ?
Tout a changé ! J'ai mûri. Je rêvais déjà de passer professionnel mais j'étais un peu moins bon partout, ce qui est logique car j'étais plus jeune. Je crois surtout que je suis arrivé à maturité un peu plus tard que certains. A cette époque-là, je n'étais pas encore prêt. On voit des mecs qui sortent des rangs Juniors et qui vont tout claquer déjà en Espoirs 1 ou 2. Ce n'était pas mon cas. J'ai été un peu plus long à franchir les paliers mais c'est venu avec le temps.

« JE N’AIME PAS LES GENS QUI SE LA PÈTENT »

Même si tu t'es imposé sous les couleurs du GSC Blagnac VS 31 samedi dernier, c'était aussi l'occasion d'un clin d'oeil sympa au CC Nogent-sur-Oise puisqu'Arnaud Démare - vainqueur chez les pros - et toi avez tous les deux porté le maillot du club picard...
Ca m'a fait énormément plaisir qu'il gagne. C'était beau. Je me souviens que l'on courait ensemble déjà en Poussins et là, on est tous les deux Champions de France ! Arnaud est quelqu'un avec qui j'ai toujours des contacts. On roule ensemble l'hiver et on essaie de s'envoyer deux-trois messages dans la saison, mais c'est tout. Il est souvent très occupé et je n'ai pas trop envie de l'embêter. Il m'a écrit juste après la course samedi et j'ai pu faire la même chose le lendemain. C'est bon, ce genre de moments.

Tu as toujours été présenté comme quelqu'un de relativement discret. N'as-tu pas peur de devoir un peu plus t'affirmer pour espérer passer pro ?
Je ne suis pas quelqu'un d'extraverti mais c'est vrai que le fait de s'affirmer un peu plus pourrait m'aider à me mettre en valeur, car c'est quelque chose que je ne sais pas trop faire. Cela dit, je suis timide au début mais quand je connais bien les gens, il n'y a pas de problème. Pour le reste, il faut savoir s'affirmer, d'accord, mais je n'aime pas les gens qui parlent de trop ou qui "se la pètent". Je n'ai pas envie de devenir comme ça même si on est tous différents et que chacun a bien le droit d'avoir son tempérament. Mais pour moi, il faut être naturel, tout simplement. Ce qui peut changer, c'est le fait d'être plus à l'aise avec les gens, mais rien d'autre.

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