Julie Bego : « Hors de question de ne pas finir sur le podium »

Crédit photo Philippe Pradier

Crédit photo Philippe Pradier

Dans son esprit, il ne pouvait pas en être autrement. Présente dans le groupe de tête de quatre éléments dans les derniers kilomètres du Championnat d’Europe Espoirs Femmes, Julie Bego s’est arrachée pour décrocher une médaille. Derrière l’Espagnole Paula Blasi sortie à 2500 mètres de la ligne d'arrivée située à Guilherand-Granges (Ardèche), la Française a réussi à prendre la dernière place du podium. Après la cérémonie protocolaire, la Savoyarde de Cofidis est longuement revenue sur sa course au micro de DirectVelo.


DirectVelo : Avec une médaille de bronze autour du cou, quel sentiment domine après ce Championnat d’Europe ?
Julie Bego : On est venues pour le titre donc forcément il y a de la déception, surtout avec les jambes du jour. J'avais vraiment des jambes exceptionnelles et ce n'est pas tous les jours dans l'année que ça arrive…

L’équipe de France avait Solène Muller à l’avant avec l’Allemande Linda Riedmann… Comment ça s’est passée derrière pour toi ?
On s'était promis au briefing que quoi qu'il arrive, on faisait confiance à tout le monde dans l'échappée. On sait que Solène est une très bonne coureuse. En plus, elle n'est pas forcément hyper connue par les étrangères. Du coup, c'était une bonne carte à mettre à l'avant. De mon côté, dans la grande bosse, j'ai tout de suite vu que j'étais la plus forte, je pense, avec Viktoria Chladonova. Quand Viktoria a attaqué, je n'ai pas eu de mal à la suivre. Je sentais que je pouvais aller plus vite, mais du coup, j'avais quelqu'un devant. Ensuite, on a basculé et au sommet de la petite bosse, on nous a dit que Solène était lâchée et qu'il fallait rouler pour rentrer. Là, tout le monde s'est mis à la planche.

« UN PEU FRUSTRÉE DU FINAL »

C’était tout pour toi à ce moment-là…
Ema (Comte) a roulé, Célia (Gery) aussi. Ce n'est pas tous les jours qu'on a une Championne du Monde qui roule pour soi ! Dans la dernière bosse, on a essayé de faire la différence, Viktoria et moi, mais on n'a pas réussi à lâcher les deux autres (Paula Blasi et Eleonora Ciabocco, NDLR). On bascule à quatre. Je suis un peu frustrée du final.

Comment l’as-tu géré ?
Viktoria a attaqué, j’ai bouché le trou et ensuite Paula a attaqué à son tour. J'ai essayé d'y aller. J’ai demandé le relais mais on ne me le passe pas. Je ne comprends pas pourquoi, parce qu'on pouvait encore revenir. Après, on avait pris un trop gros écart. Je sais que je ne suis pas la meilleure sprinteuse. Pour moi, c'était à Eleonora de faire une part du travail. Mon sentiment, c'est qu'elle a joué la 2e place et pas la victoire. C'est un petit peu frustrant, mais en tout cas, Paula mérite sa victoire, parce que c'est celle qui a osé. Ça ne se joue pas à grand-chose pour la 2e place. J’ai lancé d'un peu loin, j’aurais dû patienter un peu plus mais quand je lance trop tard, souvent, je me fais avoir. Pour l’équipe, c'était hors de question de ne pas finir sur le podium, ici en France. J'avais dit à Emilian Broë que dès que je suis sélectionnée sur un Championnat, on ramène un maillot ou une médaille. Du coup, il fallait ramener quelque chose.

As-tu des regrets par rapport à ce final ?
Oui et non, parce qu'après, si on revient sur Paula, est-ce que ça change quelque chose sur le sprint ? Pas forcément. Peut-être que j'aurais fait 2e... Le seul regret que j'ai, c'est que dans la grande bosse, j'étais vraiment très bien. Est-ce qu'il aurait fallu partir à ce moment-là ? Je ne sais pas.

« UN ESPRIT DE SACRIFICE »

Tu avais bien récupéré du Mondial…
La semaine dernière, franchement, j'étais vraiment très, très forte. Mais j'ai fait un énorme boulot en début de course. J'avais les jambes mais j'en avais fait beaucoup plus que les autres. En fin de course, j'étais avec Lore De Schepper quand j’ai lâché. Je pouvais suivre, mais je m'en fichais de finir 10e ou 30e. Je voulais à ce moment-là me réserver pour le Championnat d’Europe pour jouer la gagne ici. Je savais que je ne pouvais plus aider Célia. Du coup, je m'étais vraiment relâchée sachant que j'ai été malade pendant tout le Championnat du Monde.

Ce n’est pas passé loin…
Je suis déçue de ne pas gagner mais là où je suis contente, c'est qu'on a vraiment un bon groupe de filles. Il y a deux mois, on ne se connaissait pas. On a vraiment réussi à construire un groupe, à avoir vraiment un esprit d'équipe et un esprit de sacrifice que j'ai rarement vu. Une cohésion sur le vélo, mais aussi en dehors. On a passé des super moments ensemble. Je pense que ça aide beaucoup à performer. On le voit aujourd'hui. Je n'étais pas leader au briefing, c'était Célia. J'ai tout de suite senti que j'avais des super jambes. Dès que je l’ai dit aux filles, tout le monde m'a fait confiance. Ça fait vraiment plaisir parce qu'on sait s'adapter. On n'a pas peur de dire ce qu'on pense. Je pense que si j'avais été dans une autre équipe, j'aurais été moins en confiance. Je n'aurais pas osé dire que j'avais des bonnes jambes. Alors que là, je me sens bien. Je sais que ce sont des filles qui sont à l'écoute et ça aide beaucoup.

« LA MÉDAILLE DE TOUTE UNE ÉQUIPE »

Que vous apportez-vous avec Célia ? Vous pourriez être des rivales et ce n’est pas le cas…
On s'entend super bien. On se connaît depuis qu'on a 12 ans. Si on arrive à ce niveau-là, c'est parce qu'on était adversaires. Sans Célia, je ne serais peut-être pas aussi forte. Sans moi, Célia ne serait peut-être pas aussi forte. Là où c'est un gros plus, c'est qu'on se connaît tellement par cœur... Je trouve que ce qui fait notre force, c'est vraiment qu'on est complémentaires, qu'on a deux profils un peu différents, mais qu'on sait toujours se sacrifier l'une pour l'autre. On le fait avec plaisir. On le fait parce qu'on est amis en dehors du vélo, parce que c'est dans notre état d'esprit aussi. Et ça, c'est très, très fort.

Tu penses qu'avoir été adversaire, c'est presque une meilleure façon d'avoir appris à vous connaître l'une l'autre ?
Oui, totalement. C'est une façon d'éprouver les qualités de l'autre. On a toujours eu beaucoup de respect l'une envers l'autre. Après, on a très vite couru aussi en équipe ensemble avec Auvergne-Rhône-Alpes pour les Championnats de France. Du coup, ça se fait que maintenant, on se connaît par cœur. Par moments, on n'a même pas besoin de se parler. On sait instinctivement ce qu'on va faire l'une pour l'autre. Et ça, c'est un gros plus. On parle beaucoup de Célia et moi, mais franchement, aujourd'hui, il y avait aussi toutes les autres. C'est vraiment la médaille de toute une équipe.

Mots-clés

En savoir plus

Portrait de Julie BEGO