Antoine Berlin : « Un superbe clin d’œil pour terminer ma carrière »

Crédit photo Christian Cosserat - DirectVelo
Antoine Berlin va bientôt refermer un chapitre de sa vie. Ancien coureur à pied, le Monégasque s’est mis au vélo à 29 ans et a obtenu un podium sur l’Étape du Tour 2019. Puis il a évolué dans différentes formations continentales, Cambodia Cycling Academy, Global 6 Cycling, Nice Métropole Côte d’Azur, Vorarlberg et enfin Bike Aid. À 36 ans, à l’issue du Championnat d’Europe en Ardèche début octobre, il va raccrocher le vélo. Le 2e et 3e d’étapes du Tour de Savoie Mont-Blanc 2021 revient pour DirectVelo sur sa carrière tardive, ainsi que sur sa lourde chute au Tour de Turquie et sa reprise, en fin de semaine dernière, au Tour Alsace. Antoine Berlin évoque également ses ultimes échéances cyclistes, ainsi que son avenir.
DirectVelo : Le Tour Alsace a été ta première course depuis ta terrible chute au Tour de Turquie en avril dernier... Qu'as-tu eu exactement ?
Antoine Berlin : La chute était à la suite d’un coup de bordure en Turquie. J’ai percuté du matériel urbain de plein face à haute vitesse, à 60-65 km/h je crois. Je me suis fracturé sept côtes et j'ai eu un pneumothorax. Je suis resté dix jours à l'hôpital en Turquie. J'ai été très bien traité là-bas. Le système hospitalier turc fonctionne bien et est de qualité. Ça a été un moment un peu difficile, mais ça a été aussi un moment pour moi pour réfléchir à mon après carrière. J'étais encore dans l'indécision sur la suite à donner à ma vie en général, pas juste ma carrière de vélo. C'était presque un mal pour un bien. Aujourd'hui, je reprends les courses après presque deux mois d'arrêt et un mois et demi d'entraînement, avec de la fraîcheur mentale.
« SIX SEMAINES SUR LE CANAPÉ POUR RÉFLÉCHIR À L’APRÈS »
Comment s'est passée ta convalescence en France?
À la suite de mon retour de Turquie, ça a été six semaines sur le canapé à la maison avec beaucoup de repos. J’ai eu plus le temps pour réfléchir à l'après. Ensuite, après ces six semaines de repos complet, j'ai repris progressivement l'entraînement, avec la volonté de terminer ces belles années vélo sur une bonne note. Cette reprise au Tour d'Alsace, puis au Tour de l'Ain est une belle carotte. Ces courses arrivent un peu trop tôt pour moi, mais ce sont quand même des courses qui me correspondent. C'est important de venir pour encadrer notre équipe qui est jeune et ambitieuse avec deux fronts, érythréen et allemand, qui marchent très fort. J'ai ce rôle de capitaine de route et ça ne me déplaît pas.
En tant que Monégasque, ce Tour Alsace avait une signification particulière avec le départ de Ferrette samedi, sachant que le Prince Albert porte aussi le titre de comte de Ferrette !
C'est aussi pour ça que le Tour d'Alsace a un affect un petit peu spécial pour moi. À titre encore plus large, ma femme travaille pour BFM qui retransmet la course. Elle est chargée de commercialiser tous les espaces publicitaires des BFM en région. Ça me tenait à cœur, c'était ma carotte pour pouvoir remettre un dossard. C'est vrai qu'il y a un petit peu d'affect pour moi d'être présent sur la course.
Ce mercredi démarre le Tour de l’Ain. Comment te sens-tu ?
Je vais être totalement transparent et honnête. Au vu des sensations sur le Tour d'Alsace qui ne sont pas incroyables, mais qui ne sont pas non plus catastrophiques, je m'attends quand même à subir. Mais ça court très différemment sur les 2.1, par rapport aux 2.2. Il y aura peut-être plus d'opportunités pour aller de l'avant et prendre des échappées. On est aussi là pour nos jeunes coureurs qui sont dans le cadre d'une préparation du Tour d'Allemagne. Il faudra essayer de prendre un coup d'avance et de placer les leaders dans les moments clés. On a obtenu plusieurs podiums et des victoires avec des coureurs qui grimpent bien. On jouera notre va-tout avec humilité.
« J’AI PASSÉ MA LICENCE D’AGENT DE COUREURS »
Après le Tour de l'Ain, connais-tu ton programme ?
L’équipe va partir sur le Tour d'Allemagne. J'ai demandé à ne pas le faire parce que c'est tout plat et je pense que c'est bien de donner la chance aux coureurs qui ont de l'avenir. Je vais rester me reposer à la maison, continuer à avancer sur mon projet de création d'agence, et finir la préparation de la saison qui devrait s’arrêter au Championnat d'Europe en Ardèche. Ce serait pour moi un superbe clin d'œil de terminer mon petit bout de carrière là-bas à une poignée d'heures de la maison. L’idée sera d’aider Victor Langelotti qui est très fort actuellement. Je serai content de ce que j'aurai réalisé dans le vélo, même si évidemment on peut toujours faire mieux.
Quel sera ton avenir ?
Je peux l'annoncer officiellement maintenant, parce que j'ai passé ma licence d'agent de coureur UCI. Ce sera une partie de mon métier de l'année prochaine. Je représenterai des jeunes coureurs essentiellement, mais pas uniquement, français ou étranger. Comme j'ai longtemps travaillé pour ASO, j'ai la chance d'avoir un bon réseau d'équipes WorldTour et Dévo, ou par ma propre expérience en tant que coureur et comme je vis dans la région de Nice-Monaco. Mais ce ne sera pas mon unique activité. Je vais potentiellement aussi intervenir dans les médias, et aussi avoir deux ou trois autres activités essentiellement autour de l'univers du vélo qui est mon milieu.
Quels moments de ta carrière gardes-tu en mémoire ?
J’ai démarré le vélo à 29 ans en travaillant chez ASO. J'ai un passé de coureur à pied. Mes meilleurs souvenirs, ce sont que les gens que j’ai rencontrés. Je suis passionné par cet univers. Concernant ma carrière, je retiens mon année 2021, qui était ma deuxième année en Continental. C’était ma meilleure période avec ma 2e place en haut du Galibier au Tour de Savoie-Mont-Blanc derrière Jefferson Cepeda. Je l’avais un peu vécu comme une victoire. C'était la première année où je me sentais capable de courir à l'avant. Ensuite, il y a eu des choix de carrière qui n'étaient pas forcément les meilleurs pour moi, mais je n'ai pas de regrets. Quand je me suis lancé dans le vélo, jamais je n’aurais pensé pouvoir durer cinq ou six ans et aller aussi loin. Ce n’était que du bonus à partir du moment où je me lançais. Je n'avais pas l’ambition personnelle d'aller au plus haut niveau, mais juste prendre du plaisir. C'est ce que j'ai réalisé.
« TRÈS DIFFICILE DE COMBLER CE MANQUE »
Finalement, tu es toujours resté dans des équipes continentales…
C'est aussi un peu pour ça que je fais cette transition d'agent. J'ai beaucoup fonctionné seul. J'ai eu un agent plus tard. Je pense que j'aurais eu besoin de cette aide, notamment en 2021. J'étais en contact avec beaucoup de belles équipes, notamment des WorldTeams. J'arrivais aussi dans une période où la tendance était inverse. On ne recrutait pas des coureurs de 31 ans malgré un profil atypique comme le mien. J'avais de très bonnes datas, mais j'ai eu du mal à les réaliser en course. Peut-être que si j'avais eu ce coup de main, j'aurais pu passer à l'échelon supérieur pour être dans des conditions plus saines et plus orientées vers la performance. Je ne suis pas passé à l'échelon supérieur, mais je n'ai pas vraiment de regrets. Quand je vois le niveau stratosphérique des jeunes à l'heure actuelle, je me dis que mon monde est plus de l'autre côté de la barrière. J'ai 36 ans, je n'ai jamais été un Champion du Monde du placement, je partais quand même avec beaucoup de retard dans la pratique du vélo. Ça a été très difficile de combler ce manque.
Avec le recul, te dis-tu que tu aurais peut-être dû commencer le vélo plus tôt ?
J'aurais dû commencer plus tôt, mais d'un autre côté j'avais un poste à responsabilité chez ASO qui était très prenant. Ça aurait été au détriment de ma carrière professionnelle, qui aujourd'hui me permettra de bien me relancer après le vélo. Je n'ai pas de regrets. En démarrant plus tôt, j'aurais peut-être eu de belles opportunités, mais quand je vois le niveau d'exigence du vélo, je n'aurais peut-être pas eu la maturité pour faire tous ces efforts et sacrifices qui sont énormes. Aujourd'hui, la nouvelle génération se professionnalise dès la sortie des Juniors.
Tu as quand même eu un bon niveau de coureur à pied quand tu étais plus jeune….
J’ai couru le 10 km en 30 minutes 29 chez les Juniors. C’était l’époque avant l'arrivée des carbones. Je suis un peu aigri en disant ça, mais j'étais à 10 secondes du record de France. Le 10 km était vraiment ma spécialité. J'ai été amené à passer sur le Marathon, l'objectif était de se qualifier pour les Jeux Olympiques de Rio 2016 afin de représenter Monaco. Mais une blessure est intervenue en 2015, j'ai eu une fracture de fatigue au col du fémur. C’est ainsi que je me suis mis au vélo, pour garder la forme, et progressivement j'ai basculé sur les cyclosportives d'ASO. J’ai obtenu un podium sur l’Étape du Tour et c'est comme ça que j'ai eu des opportunités qui se sont ouvertes en Continental. Il n’est pas impossible que je revienne à la course à pied, mais la priorité sera vraiment donnée à ma vie familiale et surtout à ma nouvelle vie professionnelle. À 36 ans, je pense que je peux dire que ma vie sportive est derrière moi maintenant.
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