Avec Jordan Jegat, TotalEnergies ne veut « rien s’interdire »

Crédit photo Xavier Pereyron / DirectVelo

Crédit photo Xavier Pereyron / DirectVelo

Carlos Rodriguez absent au départ de la 18e étape du Tour de France, Jordan Jegat s’est virtuellement hissé ce jeudi matin dans le Top 10 du Tour de France. Une fois l'étape partie, le grimpeur de TotalEnergies est parti au combat en attaquant dans le col du Glandon, le premier des trois Hors Catégorie de la journée, avant d’en subir le contrecoup. “Demain (vendredi), je vais rester dans les roues, je n'attaquerai pas, je suis traumatisé”, tentait-il de plaisanter au sommet du col de la Loze, où il a pris la 20e place à un peu plus d’onze minutes du vainqueur, Ben O’Connor, qui le prive d’un Top 10 au général avant la dernière étape de montagne prévue ce vendredi, entre Albertville et La Plagne. Pour DirectVelo, Benoit Genauzeau, Directeur du Sport au sein de la ProTeam vendéenne, fait le point sur le très bon Tour de France de Jordan Jegat.


DirectVelo : Jordan Jegat occupe la 11e place du Tour de France à trois étapes de Paris… Qu’est-ce que ça t’inspire ?
Benoît Genauzeau : On réfléchira peut-être à ça un petit peu après le Tour de France… Pour le moment, on est dans notre course. On n'avait pas forcément imaginé cela avant la course mais on est toujours ambitieux donc on l’avait quand même dans un coin de la tête. Depuis le début de ce Tour, avec Jordan, on est focus pour faire le meilleur classement général, tout en pensant aux étapes et au fait que certaines pouvaient permettre un rapprochement au général. Trois semaines, c'est long. Il y a beaucoup d'aléas de course, comme le récent abandon de Carlos Rodriguez. Il faut faire preuve d’humilité. Mais en tout cas, c'est bien sûr une belle satisfaction de le retrouver aux portes du Top 10. Ça reste évidemment une grosse performance mais pour l'instant, c'est un classement virtuel. Le définitif, ça sera à Paris. Mais en tout cas, la dynamique de groupe est très bonne.

C’est tout pour lui depuis quelques jours ?
C'est important d'avoir potentiellement des coureurs à l'avant. Dans une vallée, on ne sait jamais ce qui peut se passer. On essaie quand même de continuer à garder une logique de course offensive. Anthony Turgis est son ange gardien. Ce jeudi, il y avait 40 kilomètres à gérer avant le premier col. Anthony est d’un grand soutien dans ces moments-là. Dès qu’une échappée part, l'ensemble du groupe se met au service et autour de Jordan. Ils l'ont bien fait à plusieurs moments clés ces derniers jours. On a pu voir l'équipe à l'avant dans des points importants, comme des changements de direction ou des endroits propices aux bordures. On essaie d'être le plus précis possible autour de Jordan. Les coureurs manifestent beaucoup d'envie donc on n'a pas besoin, nous le staff, de forcer le trait.

« DU LEADERSHIP EN LUI »

Est-ce simple pour lui de se comporter en leader ?
Jordan a du leadership en lui. Il rayonne sur le groupe, aussi bien auprès des coureurs que du staff. Ce n'est pas le plus extraverti de la bande mais il est très juste et surtout extrêmement déterminé. Cette attitude rayonne sur l’ensemble de l’équipe et porte le groupe. Tout le monde a envie d’apporter sa pierre à l’édifice. On prend chaque journée avec beaucoup d'appétit. Je pense que c'est la clé. Les coureurs ont conscience de la difficulté. On leur dit depuis le début que le Tour c'est long mais que ça passe extrêmement vite. Et les opportunités, il ne faut pas les gâcher. C'est ce qu'on s'attache à faire depuis le départ de Lille. Il y a eu différents prix de la combativité, Thomas Gachignard s'est battu à l'avant et à l'arrière de la course (sur l’étape du Ventoux, NDLR). On est plutôt satisfait pour l'instant de notre Tour. C'est un Tour plein en termes d'engagement et de générosité de la part de l'ensemble du groupe.

Il parle facilement dans l'oreillette ?
Il se l'autorise de plus en plus. Jusqu'à présent, peut-être du fait de son tempérament un peu réservé et peut-être car il ne se sentait pas encore suffisamment légitime, il le faisait moins. Mais clairement, je pense qu'il a ça au fond de lui. On fera les comptes à Paris car il peut se passer encore beaucoup de choses d’ici-là mais il est en train de réaliser une grosse performance. Et évidemment, ça lui donne aussi une légitimité supplémentaire, si tant est qu’elle ait été nécessaire. Son Tour booste tout simplement le groupe.

« LUI NE SE FIXE AUCUNE LIMITE »

Après deux années en Conti au CIC U Nantes Atlantique, il est arrivé chez vous l’an passé dans sa 25e année. C'est une belle histoire, comme vous les aimez…
On l'a recruté presque autant pour son parcours que pour ses qualités physiques. Bien sûr, on imaginait qu'il avait une belle marge de progression en raison de son parcours. Il a fait des études, travaillé à l’usine… Il fait preuve au quotidien d’une belle détermination. Il a une maturité en tant qu'homme. Et son parcours compte là-dedans. Aujourd'hui, c'est un vrai sujet. On est sur ce créneau-là historiquement, même si aujourd'hui, la précocité à haut niveau est une réalité. On a d'autres profils. Je pense à Joris Delbove qui vient d’être performant en Espagne il y a deux jours ou à un Alexys Brunel de retour aux affaires. On a besoin de coureurs qui sont parfois un petit peu hors du cadre, mais qui sont tout à fait intégrés et intégrables. Parce que ça, c'est quand même aussi la clé. On se sent vraiment à l'aise avec ces profils-là. On prend beaucoup de plaisir à les accompagner.

Quelle est la marge de progression de Jordan ?
Quand on regarde son historique à haut niveau, tout va très vite. Il a fait une première saison pleine à haut niveau seulement l'année dernière, avec à son programme Paris-Nice, le Pays Basque, le stage altitude et le Tour de France, qui avait été déjà plutôt très bon. Il a une progression et une maturité un petit peu plus tardive que d’autres coureurs, liée à son parcours notamment. On ne tire pas de plans sur la comète mais il ne faut surtout rien s'interdire. Et lui ne se fixe aucune limite.

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