Ces classements oubliés du Tour de France

Crédit photo Billy Ceusters - ASO

Crédit photo Billy Ceusters - ASO

Parmi les récompenses du Tour de France, le prix de la combativité fait figure de fossile et de dernier des Mohicans. C'est en effet le dernier classement qui récompense un coureur qui ne gagne pas ou qui ne passe pas en tête d'une ligne d'arrivée ou d'un classement par points. Et à une époque, il y avait embouteillage sur le petit podium pour distribuer les prix aux coureurs récompensés.


La prime quotidienne au plus combatif date de 1952. Déjà en 1913 et après la guerre de 14-18, Henri Desgrange met en place des primes de démarrage pour les coureurs qui font exploser le peloton par leurs coups de boutoir. Le "Père du Tour", qui hait plus que tout les arrivées en peloton, reconnaît l'inefficacité de ces incitations. En 1952, c'est un jury de 20 personnes (Jacques Goddet, Félix Lévitan, 9 journalistes français, 9 étrangers) qui votent pour élire le combatif de l'étape. Et dès cette première année, la prime n'est pas attribuée à trois reprises. Il fallait recueillir au moins 5 voix pour être élu. La non-attribution de la prime à l'arrivée de Dunkerque en 2025 est tout sauf une première. Et les votes peuvent aussi partager la prime entre deux coureurs comme entre Marinelli et Nolten, ou Robic et Coppi.

LA DÉVEINE ET LA MALCHANCE

Avant de penser à récompenser le combatif de chaque étape, le Tour de France a pensé aux malchanceux. La malchance fait partie de la légende du Tour depuis la fourche d'Eugène Christophe en 1913. Mais pour ce prix, comme pour tous les autres, il faut trouver une entreprise qui le patronne pour le financer. En 1938, c'est le journal satirique "L'Os à moelle" de Pierre Dac qui offre tous les jours 350 francs au plus déveinard de l'étape. Après guerre, l'habitude est conservée. En 1951, c'est le comité du Sucre qui parraine la prime du plus malchanceux avant de patronner l'année suivante celle du plus combatif. Il sera remplacé par les Sociétés d'assurance accident. C'est encore le cas en 1975, avec les assurances GAN.

La multiplication de ces prix spéciaux est là pour augmenter la liste des prix des coureurs, qui sont pros, qui ne peuvent pas occuper les premiers rôles du général. Et permet de séduire plusieurs entreprises.

LE BEAU GESTE DE L'ÉLÉGANCE 

C'est ainsi qu'en 1951 et 1952, le prix du beau geste récompense un coureur qui se distingue par son bon esprit. Exemple. En 1951, le régional d'Ile-de-France Nord-Ouest, André Labeylie se fait traiter de "crapaud", entre autres amabilités, par un coureur de l'Equipe de France. Son tort : avoir voulu troubler la quiétude des "grands" avant le pied du Mont Ventoux. Labeylie se soumet à l'intimidation mais lance un défi à son censeur. "On verra qui sera le premier en haut du Ventoux". Le régional passe au sommet 21e, bien avant le coureur de l'équipe de France. Il sera récompensé à l'arrivée par cette prime.

A la fin des années 60 et dans les années 70, le prix de l'Élégance prend le relais puis le prix du fair-play dans les années 80.

SANG-FROID ET AMABILITÉ

Pendant une vingtaine d'années, jusqu'en 1987 le prix de l'Amabilité est décerné tous les jours. Une façon d'arrondir la fin du mois du coureur le plus aimable et de son orchestre.

Avant l'Amabilité, il y a eu le prix du sang-froid en 1952. Fausto Coppi le reçoit après le premier contre-la-montre pour avoir gardé son calme quand son mécano cafouille au moment d'un changement de roue.

LA TÊTE ET LES JAMBES

1964 voit la création du prix "La Tête et les Jambes". Comme l'émission de TV mais aussi comme le nom d'un livre d'Henri Desgrange. Le prix récompense les qualités tactiques d'un coureur ou d'une équipe. Certains jours au début du Tour, le prix ne fut pas attribué en raison du manque d'ingéniosité des coureurs….

LE POULAIN ET LE TIGRE

En 1962, année du retour des équipes de marques, chaque étape a son Poulain. Le Poulain de l'étape, c'est le coureur qui fait le plus grand saut au classement général. Patronné par le Chocolat Poulain bien sûr, qui se rabattra en 1965 sur le Grand Prix de la Montagne.

Le Tigre du jour mange le Poulain en 1966. Esso remplace le chocolat et pendant trois ans patronne le prix de la progression, toujours sur le même principe.

JE PASSE À LA TÉLÉ

1975, c'est l'éclatement de l'ORTF avec la création de TF1, Antenne 2 et FR3. TF1 retransmet les étapes en couleurs et en noir-et-blanc (à l'époque, TF1 n'est pas reçu partout en couleurs) et en couleurs sur FR3. TF1 crée un prix pour récompenser le coureur qui apparaît le plus souvent au début du reportage de l'Eurovision. 4, 2 et 1 points sont attribués aux trois premiers coureurs à l'écran. A l'époque, la télévision prend l'antenne à 15 km dans les bons jours, le plus souvent à 10 bornes, si l'hélicoptère a pu décoller.

En 1980, le Grand Prix TF1 revient et est en fait le classement du combiné. Jusqu'en 1984, le leader de ce classement porte un écusson TF1. Et en 1985, c'est Antenne 2 qui récupère l'exclusivité.

HUMOUR

Antoine Blondin dans un jury ? c'est pour décerner le prix de l'humour. Il a existé en 1974.

ÉCHAPPÉE

Il y a la Combativité mais il y a eu aussi le prix de l'échappée N°1 en 1977. Cette année-là les coureurs portent très haut le nombre de kilomètres en échappée : 175 km pour Patrick Sercu et 222 km pour Robert Quilfen.

En 1997, c'est le Trophée Robert Chapatte qui récompense le coureur auteur de la plus longue échappée solitaire de 20 000 F. L'ancien coureur du Tour devenu journaliste et commentateur est mort six mois plus tôt, en janvier 1997.

HANDICAP

En 1983 et 1984, l'organisation du Tour a l'idée d'un nouveau classement. Le classement handicap. Comme au tiercé, le handicapeur donne un avantage en temps aux coureurs supposés moins forts. C'est un classement général revu et corrigé.

ROULEURS

En 1977 et jusqu'en 1988 les meilleurs rouleurs ont leur propre classement. Le principe est simple, on additionne les temps des contre-la-montre du Tour. A l'époque, ils sont plus nombreux qu'aujourd'hui : 5 en 1977 et 3 en 1988. Merlin Aquitaine, Le Coq Sportif et La Redoute 48H Chrono ont patronné ce classement.

Mais ce n'était pas la première fois qu'un classement des contre-la-montre existait. En 1939, un classement aux points basé sur les places dans ces étapes spéciales sert à l'établissement d'un combiné qui n'en porte pas encore le nom.

À LA POINTE DU STYLO

Le nom du partenaire peut aussi influencer le nom du classement. En 1952, la pointe Bic patronne le Grand Prix des Étapes de pointe. Le principe est simple. C'est le classement général au temps qui ne tient compte que de dix étapes stratégiques. Fausto Coppi le remporte, comme le vrai classement général. Mais Jean Robic en termine 3e alors qu'il finit 5e du Tour complet.

L’ÉQUIPIER N°1

Dire que le prix de la combativité est le rescapé des prix annexes du Tour n'est pas tout à fait vrai. Le prix de l'équipier N°1 qui existait dans les années 70 et jusqu'en 1987, a fait son retour. Depuis 2022, il est attribué mais une fois par semaine seulement. Ce sont les internautes qui votent pour l'élire. Le fossile est devenu ultra-moderne et ce classement pourrait être quotidien car s'il n'y a pas un vrai combatif tous les jours, les équipiers, eux, ne sont jamais au chômage pendant trois semaines.

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