Marie Le Net : « Je ne comprends pas ce qui se passe »

Crédit photo Freddy Guérin - DirectVelo
Membre de la FDJ-Suez depuis 2019 et sa sortie des rangs Juniors, Marie Le Net fait partie des meubles dans la structure managée par Stephen Delcourt. Et son jour de gloire est arrivé, ce samedi, au Championnat de France des Herbiers. Sortie en échappée très tôt dans la course, c'est à l'avant que le maillot tricolore s'est joué. La Bretonne a ainsi pu compter sur le soutien de Léa Curinier pour l'aider dans cette quête des trois couleurs. À l'arrivée, accueillie par sa mère et son frère, l'esprit de Marie Le Net avait quitté son corps et il n'y avait plus beaucoup de mots capables de sortir au milieu des cris et des larmes. Une émotion encore décuplée au moment de la cérémonie, et qui n'était toujours pas retombée en conférence de presse. Pendant les dix minutes d'entretien avec les journalistes, Marie Le Net n'a jamais réussi à contenir ses larmes, question après question, réponse après réponse. De quoi amuser parfois la salle tant elle avait du mal à aller au bout de ses phrases. DirectVelo était présent pour recueillir le discours parfois confus de la nouvelle Championne de France.
DirectVelo : Qu'est-ce qui te traverse l'esprit ?
Marie Le Net : (Elle pleure et met du temps à trouver sa voix) Quand elle parlait des études (Julie Bego, juste avant elle, NDLR), j'étais en train de me dire que j'avais cours lundi à 8h aussi, mais bon (rires)... Je crois que je n'irai pas. Je n'y crois pas. Je ne comprends pas ce qui se passe. Vraiment, je ne comprends pas. Ce qui me traverse l'esprit... On avait la meilleure équipe au départ, mais entre l'avoir sur le papier et le faire, il y a toujours un gros gap. On se dit que c'est trop beau pour être vrai. On a su contrôler la course vraiment de A à Z, on a toujours été sereines. Léa, je lui faisais confiance, elle me faisait confiance. À partir de là, je crois que c'était la base de tout. Ce maillot, ce n'est pas moi qui vais le porter. C'est vraiment toutes les filles de l'équipe.
Tu pensais que ce maillot pouvait te mettre dans un état pareil ?
(Elle éclate une nouvelle fois en sanglots) Je fais des bruits bizarres depuis tout à l'heure (rires). Bien sûr qu'on le rêve, mais entre le rêver et le vivre, pfiou, ça fait bizarre. J'ai déjà fait des podiums au Championnat de France, mais ça fait bizarre de passer le cap. Je suis la première à me sacrifier pour mes leaders, et je vais continuer à le faire, ça ne va rien changer en soi, je crois. J'aurai juste un maillot différent sur mes épaules.
« J'AVAIS L'ÉTOILE AU-DESSUS DE MOI »
Ce titre représente quoi pour toi ?
C'est vraiment un titre d'équipe, juste pour illustrer que le début de saison se passe très bien et qu'on est soudées. On devrait toutes porter ce maillot tout au long de la saison, ce n'est pas moi qui devrais le porter. Personnellement, ça allait bien sur les dernières courses. J'ai fait beaucoup de sacrifices pour ce Championnat de France, ça n'a pas marché sur le chrono, et là c'est tombé sur moi.
Tu vas dormir avec ?
Je crois. C'est la tradition, non (rires) ?
À qui penses-tu ?
Tout d'abord, je le dédie à l'équipe. Après, je le dédie à ma famille. Ils étaient tous présents aujourd'hui. De vivre ça avec ma maman, mon petit frère... Je n'ai jamais vu mon petit frère pleurer. Là, ça fait bizarre quand même. J'ai mon copain aussi qui est là. Et puis après, à mon papa qui me manque. Ma maman m'a dit tout à l'heure que j'avais l'étoile au-dessus de moi. C'est grâce à cette étoile que la roue a tourné aujourd'hui.
« JE SUIS REDEVABLE À VIE »
Quand tu vois Léa Curinier revenir avec toi, tu te dis que le titre est pour vous ?
C'est sûr que quand j'ai vu Léa derrière moi, j'ai dit que je ne roulais plus, désolée Julie (rires). Franchement, c'était incroyable. Meuf, je suis redevable à vie (en se tournant vers Léa Curinier, NDLR). Peut-être que c'est la récompense des équipières. Je pense que Léa et moi, on est les premières à se sacrifier à 100% pour nos coéquipières. Sur ce genre de course, pour une fois, on se retrouve à l'avant. C'est pour ça que c'est dur de réagir. On n'a pas souvent ce rôle. Là, je pense qu'on a su endosser ce rôle avec brio.
Julie Bego disait que tu étais sortie au moment où elle prenait un bidon, l'avais-tu remarqué ?
J'avoue que je n'ai pas réfléchi. Je savais juste qu'il fallait que je contre, parce qu'au sprint, tout peut arriver. Après, je savais juste que j'étais meilleure qu'elle en descente. (Elle s'adresse à Julie Bego) Je suis désolée Julie, mais j'ai vu que tu ne descendais pas très bien. Donc oui, j'ai attaqué juste avant la descente, et j'ai fait le trou ici.
Qu'est-ce qui se passe dans ta tête dans ces derniers kilomètres ?
Tout au long de la course, quand on avait même trois minutes, je me disais que ça sentait bon, mais on n'a jamais envie d'y croire. En fait, ce n'est pas possible. Je ne réalisais pas, je me disais que ça ne pouvait pas arriver. Et même à 500 mètres, Stephen (Delcourt, son manager, NDLR) dans la voiture m'a dit que j'allais jusqu'au bout, je pensais que ça revenait juste derrière, du coup, je n'y croyais pas. Quand j'ai passé la ligne, je n'y croyais toujours pas. On se dit juste qu'on passe la ligne et après on verra.
« JE NE CROIS PAS FORCÉMENT EN MOI »
Les Championnats de France ne s'étaient pas très bien passés pour l'équipe depuis le titre d'Evita Muzic en 2021...
C'est sûr qu'il y a eu certains Championnats où on n'a pas montré notre meilleur visage. On était les premiers déçus, forcément. Mais quand Jade (Wiel) a gagné, j'étais là aussi pour l'accompagner. Quand Evita (Muzic) a gagné, j'étais là pour l'accompagner aussi. C'est bizarre que ce soit mon tour. Là, on a juste montré une équipe soudée. Une équipe qui, depuis le début de saison, tient son rang.
Ta mère à l'arrivée t'a dit qu'il fallait croire en toi. Ce n'était pas le cas ?
C'est juste qu'ils ont dit un peu comme vous. Ça fait plusieurs fois que je passe à côté, que je fais des podiums. J'étais déçue après mon chrono. Ma famille aussi était déçue. C'est eux qui ont continué à me motiver, que je méritais, que j'avais fait les sacrifices pour. Je pense que je ne crois pas forcément en moi. Même quand Léa m'a demandé si ça allait, c'était un petit ça va. On doute toujours un peu.
« J'ALLAIS DEMANDER UN MAILLOT APRÈS MON TITRE À L'OMNIUM »
Le Tour de France part du Morbihan...
Oui. Je sais. Forcément, le Tour de France en Bretagne... La sélection n'est pas faite. Tout le monde le sait, l'équipe est ultra forte cette année. Je ne sais pas si j'y serai. Si j'y suis, avec ce maillot bleu-blanc-rouge, c'est juste une petite fille qui vivra son rêve (Elle pleure une nouvelle fois, NDLR). J'espère réussir à honorer le maillot autant que les précédentes porteuses. Quand je vois Juliette (Labous), elle avait toujours des ailes. J'espère avoir ce même état d'esprit et l'honorer comme elle. J'espère être à la hauteur de ce beau maillot. C'est vraiment magnifique.
Tu as eu plusieurs titres de Championne de France sur piste. Pourquoi celui-là est si spécial ?
Ce n'est pas pareil. Celui-là, c'est juste que je le porte tout au long de la saison. À chaque entraînement, chaque course que je vais faire, j'aurai un maillot bleu-blanc-rouge. Ce n'est pas possible. Justement, j'allais demander à Stephen d'avoir un maillot bleu-blanc-rouge après mon titre à l'omnium, pour le porter sur une course sur piste. Là, du coup, je vais pouvoir le porter tout au long de la saison.
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