Paul Seixas : « Me comporter comme un coureur de classement général »

Crédit photo Nicolas Mabyle - DirectVelo

Crédit photo Nicolas Mabyle - DirectVelo

Pour Paul Seixas, c'est le jour d'après. Ou plutôt le mois d'après. À la suite d'un début de saison très prometteur, où il a brillé sur le Tour des Alpes - notamment - avec plusieurs places d'honneur, et une victoire par procuration en duo avec Nicolas Prodhomme, le coureur de Decathlon AG2R La Mondiale est parti en Sierra Nevada manger des cols. Et pas que pour le plaisir. Car celui qui a toujours 18 ans s'apprête à découvrir le Critérium du Dauphiné, toute la semaine, dans la peau d'un leader du classement général. Et face à lui, des Tadej Pogacar, Jonas Vingegaard ou encore Remco Evenepoel... À la veille de ce grand rendez-vous, DirectVelo s'est rendu à l'hôtel de la WorldTeam, à Évaux-les-Bains dans la Creuse, pour faire le point avec le néo-pro. Entretien. 

DirectVelo : Tout d'abord, comment vis-tu ce Tour des Alpes et ce début de saison avec le recul ?
Paul Seixas : C'était des super moments passés avec l'équipe. Je suis arrivé sur le Tour des Alpes en me disant que je verrais ce que je peux faire. J'arrive quand même en bonne position pour pouvoir jouer quelque chose. Mais faire tous ces résultats, c'était vraiment incroyable pour moi. Et pour conclure, il y a le superbe numéro qu'on a fait avec Nico (Prodhomme) en échappée, c'était magnifique. C'était un des plus beaux moments que j'ai vécus sur le vélo, je pense. Je suis revenu avec des étoiles plein les yeux.

Te surprends-tu ? 
Disons que je savais que j'avais potentiellement un bon niveau. Je pouvais être bien pour concurrencer même peut-être les meilleurs. Mais je ne pensais pas faire d'aussi bons résultats, honnêtement. Je me suis quand même un peu surpris. J'espérais dans un coin de ma tête que ça allait bien se passer et que j'allais pouvoir faire de très bons résultats. Mais à ce point-là, je ne sais pas si je m'y attendais. Peut-être sur un concours de circonstances, on ne sait jamais ce qui peut se passer. Avec une échappée qui prend un peu de temps. Mais là, c'était vraiment à la pédale. Franchement, j'étais super content.

On t'a aussi vu briller dans plusieurs registres, que ce soit en montée, descente, et même au sprint !
Oui, le sprint n'a pas toujours été mon truc. Mais là, face à d'autres grimpeurs, j'ai pu tirer mon épingle du jeu. Franchement, ça, c'était vraiment une belle surprise. Et même dans n'importe quel domaine, de pouvoir concurrencer les autres à ce niveau-là, c'était un rêve pour moi. Aujourd'hui, ça s'est fait. Maintenant, je poursuis mon chemin et on verra. 

« VOIR LEUR RYTHME »

Est-ce juste après ce Tour des Alpes que tu as envisagé sérieusement une participation au Dauphiné à la place de l'Alpes Isère Tour et du Giro Espoirs ? 
Ça s'est fait un peu au milieu de tout ça, on va dire. Au début de la saison, on avait deux possibilités qu'on s'était dites avec l'équipe. C'était principalement de faire les courses U23, en l'occurrence le Baby Giro, à ce moment-là. Maintenant, au vu de mes performances et de mon niveau, on s'est dit que c'était peut-être plus intéressant d'aller faire un Dauphiné. En début de saison, on va dire que ce n'était pas le plus probable, mais je me suis surpris avec le temps et tout s'est aligné. 

Doutes-tu tout de même avant ce Dauphiné, qui va être encore un bon cran au-dessus de tout ce que tu as connu jusque-là ? 
C'est sûr que c'est un cran au-dessus par rapport au Tour des Alpes, même s'il y avait déjà un niveau très relevé, vu que c'est une course de préparation pour le Giro. Ce sera encore plus impressionnant. Il y a vraiment le gratin mondial. Pouvoir jouer avec eux, c'est incroyable, mais je pense que ça va être assez compliqué quand même, il faut être réaliste. Donc je vais plus venir ici pour prendre de l'expérience, et essayer de jouer un peu le classement général sans avoir d'objectif particulier en tête. Il peut y avoir des journées bien ou moins bien. Le plus important, c'est de se faire plaisir sur une course à la maison. 

Tu as sûrement eu le temps d'imaginer des scénarios... Où penses-tu pouvoir te situer en montagne ? 
Pour l'instant, les coureurs contre lesquels je vais tomber, je ne les connais quasiment pas. Je ne peux pas dire aujourd'hui : "je vais être 10e ou 15e". Justement, je vais pouvoir m'étalonner par rapport à eux, voir où j'en suis, et avoir une idée pour la suite de comment fonctionner, et aussi voir les axes de progression. L'idée est plus de rester dans leurs roues, sans dire que je vais essayer de faire quelque chose. Histoire de voir leur rythme. Après, je suis au courant que je ne vais pas arriver avec eux au sommet. Mais je vais tout donner et me comporter comme un coureur de classement général.

« IL Y A EU DES ERREURS DE MA PART »

Le chrono représentera aussi un test... 
Bien sûr, ça fera partie des gros points intéressants de cette course. Je peux aussi bien me situer. C'est un parcours qui peut me convenir avec du plat et une petite bosse qui va quand même être dure, à mon avis. C'est là aussi que je vais pouvoir un peu me situer par rapport aux autres coureurs du classement général. Et voir ce que je peux espérer à l'avenir. 

D'autant qu'il y aura très prochainement le Championnat de France de la discipline !
Oui. Après, on verra quel sera le résultat au Dauphiné. Justement, ça va pouvoir me donner une petite idée même si ce n'est pas le même type de chrono non plus. Je vais voir un peu quel est mon niveau et ce que je peux me permettre d'imaginer pour "le France".

Tu as beaucoup progressé partout, as-tu encore quelques limites ? Comme la pluie par exemple...
Bien sûr, il y a toujours des axes de progression, surtout dans des situations comme ça en course professionnelle. Maintenant, je dirais qu'il y a eu des erreurs aussi de ma part. Au Tour des Alpes, c'était différent, il faisait très froid. Et ce n'est pas seulement la pluie, mais c'est plus une mauvaise alimentation qui m'a gêné. Quand tu arrives vidé à 30 bornes de l'arrivée, tu sais qu'il y a quelque chose qui s'est mal passé. Pourtant, dans les premiers cols, même s'il faisait très froid, je m'étais senti plutôt bien, voire très bien. Mais j'ai fait des erreurs de néo-pro. Là-dessus, des coureurs comme Oliver (Naesen) ont beaucoup de choses à m'apprendre. Je vais prendre appui sur eux. Je pense qu'à l'avenir, j'aurai beaucoup moins de problèmes. 

« JE PRENDS PAS MAL DE RECUL »

Tu reviens de Sierra Nevada, comment ça s'est passé ?
Ça s'est bien passé. L'équipe a vraiment bien géré là-dessus. On a eu des programmes très adaptés par rapport aux conditions. Ils étaient vraiment à l'écoute de nos retours. C'était ma première vraiment en altitude. Je suis revenu du stage en forme. Je pense que c'est une très bonne chose. J'ai plutôt bien réagi à l'altitude. J'ai bien aimé l'environnement. Franchement, ça a été super.

Comment te sens-tu dans la peau d'un leader ?
Je me sens plutôt bien, confortable. On est co-leaders avec Clément (Berthet), c'est un rôle partagé. L'équipe m'a mis en confiance là-dessus. On ne m'a pas mis trop de pression et je ne m'en mets pas non plus. Il y a une très bonne cohésion dans l'équipe. Il y aura peut-être des opportunités à saisir. Maintenant, on sait que ça va être très compliqué. Mais si jamais il y en a une qui se présente, on la saisira. On verra au jour le jour.

Tu as toujours été à l'aise avec les médias mais penses-tu être prêt pour la vague médiatique qui t'attend pendant ces huit prochains jours ? 
Bien sûr, je m'en rends compte. Je pense que ça fait partie du jeu aussi. C'est un bon apprentissage pour moi. Après, je ne le prends pas comme quelque chose d'embêtant. Ça fait partie aussi de l'événement. C'est ça qui est un peu magique. Et après, je pense que je prends pas mal de recul là-dessus. Je ne me prends pas trop la tête. Je suis bien formé et l'équipe me protège, ça ne me pose pas de problèmes. Je vois certains trucs passer de temps en temps. Mais j'ai du travail, je progresse, je suis mon chemin. Ça ne sert à rien de se mettre la pression dès à présent. Il faut plutôt profiter de la chance d'être là et de pouvoir courir contre des gars comme ça.

Il y avait la Classique des Alpes ce samedi après-midi, une épreuve que tu avais remporté il y a un an. Aurais-tu imaginé qu'un an plus tard seulement, tu te retrouverais face à Tadej Pogacar, Jonas Vingegaard ou encore Remco Evenepoel ?
C'est vrai que ça m'aurait paru un peu fou. C'est un rêve. Et aujourd'hui, ça devient réalité. Je pense que si je le disais au Paul d'il y a un an, il aurait des étoiles plein les yeux. Et c'est le cas aujourd'hui. Je vais vraiment profiter de ce moment. C'est pour ça que je suis venu ici. C'est pour prendre de l'expérience, mais aussi pour en prendre plein les yeux et me faire rêver un peu aussi. Mais il y a du chemin.

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