Mathieu Van der Poel : « Les erreurs font aussi partie du jeu »

Crédit photo Pauline Ballet / A.S.O

Crédit photo Pauline Ballet / A.S.O

Le secteur de Pont-Thibault a tranché. Tadej Pogacar parti à la faute dans un virage, à 38 kilomètres du but, Mathieu Van der Poel a alors fait cavalier seul, et parachevé son succès au bout des 260 kilomètres de Paris-Roubaix (voir classement). Le Néerlandais a fièrement pu montrer le chiffre trois sur ses doigts, après un tour et demi de vélodrome où on pouvait lire sur son visage toute la souffrance de la journée. Mais à la fin, c'est quand même le coureur d'Alpecin-Deceuninck qui gagne, prenant une petite revanche sur son adversaire slovène qui l'avait battu une semaine plus tôt au Tour des Flandres. À l'occasion de la conférence de presse où DirectVelo était présent, Mathieu Van der Poel, les joues encore rougies, est revenu sur cette journée en enfer.

DirectVelo : Quelle importance accordes-tu à un événement aussi historique que de gagner trois fois Paris-Roubaix ?
Mathieu Van der Poel : Gagner trois fois, c'est déjà quelque chose de très spécial. Ce n'est pas quelque chose auquel on s'attend quand on débute en compétition, bien sûr. Pour réussir trois années de suite sur une course comme celle-là, il faut aussi un peu de chance.

Qu'as-tu pensé quand Tadej Pogacar est entré dans ce virage où il a chuté ?
C'était un peu trop vite. La vitesse était vraiment élevée à ce moment-là. Je n'ai pas réussi à prendre le virage correctement, mais je ne savais pas qu'il avait chuté. Au début, j'ai regardé en arrière et j'ai attendu un peu, mais l'écart était trop grand et j'ai dû me lancer. Je ne m'attendais pas non plus à être seul à cette distance de l'arrivée. Normalement, il aurait été très difficile de se distancer, notamment à cause du vent de face sur les deux derniers secteurs pavés. Sans cette chute, je pense qu'il aurait été difficile pour l'un comme pour l'autre de se lâcher. Il y avait de grandes chances que l'on reste ensemble jusqu'au vélodrome. J'ai vraiment souffert vers la fin.

As-tu pensé à attendre après l'accident ?
Oui, au début, j'attendais, mais je ne savais pas non plus qu'il avait eu un accident. Je pensais juste qu'il avait raté son virage. Mais l'écart était énorme. À un moment donné, il faut y aller, bien sûr. Les erreurs font aussi partie du jeu. On ne sait jamais ce qui peut arriver. J'ai aussi crevé dans les deux derniers tronçons. Ça fait partie de cette course.

« COMME UNE PIERRE QUI M'A FRAPPÉ AU VISAGE »

Tu as dit que tu n'avais plus de radio, était-ce difficile à gérer ?
C'était difficile, car je n'avais pas de compteur non plus. Après Wallers, mon capteur de puissance ne fonctionnait plus non plus. C'était un effort à l'aveugle. Je ne connaissais pas non plus l'écart de temps ni ce qui se passait derrière moi, donc c'était assez difficile à gérer. Même avec la dernière crevaison, je n'ai pas pu le signaler à la radio, ça a été un peu compliqué. Je ne connaissais pas non plus l'ampleur à ce moment-là. Finalement, ça s'est bien passé.

Comment te sentais-tu par rapport aux autres années ?
Aujourd'hui, avec le vent de face sur les deux derniers secteurs, j'avais l'impression de toucher chaque pierre. Normalement, quand on va assez vite, on a l'impression de les survoler. Mais je n'ai certainement pas eu cette sensation aujourd'hui. Je suis quand même très heureux de me sentir mieux. La maladie que j'ai eue la semaine dernière n'était pas idéale, bien sûr, mais je sentais que j'allais mieux. J'ai senti que mes jambes allaient mieux aussi. Je suis très heureux de pouvoir terminer cette saison de Classiques par une victoire ici.

Il y a cet incident avec la bouteille jetée... À quel point ça gâche le plaisir d'une telle course ?
Ça ne gâche pas le plaisir que j'ai eu, mais ce n'est pas normal. C'était une bouteille pleine, peut-être un demi-kilo. Je roule à 50 km/h, c'était comme une pierre qui m'a frappé au visage. C'est tout simplement inacceptable que les gens crachent ou jettent de la bière. Mais c'est une autre histoire encore. C'est un problème pour lequel nous devons intenter des poursuites judiciaires.

« ON POURRA LE COMPARER À MERCKX »

Était-ce un Paris-Roubaix spécial du fait d'affronter Tadej Pogacar ?
C'est toujours difficile, bien sûr, et il faut un peu de chance. Mais ce n'est pas une grande surprise qu'il soit devant. C'est l'un des meilleurs coureurs du moment, et probablement l'un des meilleurs de tous les temps. C'est assez exceptionnel ce qu'il fait. Il reviendra certainement pour tenter de gagner cette course.

Tadej a dit que s'il avait été enfant, tu aurais été son idole...
C'est vrai dans les deux sens, bien sûr. Quand on voit ce qu'il fait, je pense qu'il est le seul coureur capable de faire ça. Je l'ai dit aussi après San Remo. C'est le seul coureur capable de faire la différence dans la Cipressa. Il a 26 ans, donc il a encore beaucoup à faire. Je pense qu'une fois sa carrière terminée, on pourra le comparer à Merckx.

Mots-clés

En savoir plus

Portrait de Mathieu VAN DER POEL