Alexys Brunel : « Je ne veux pas m’arrêter là »

Crédit photo Nicolas Mabyle / DirectVelo

Crédit photo Nicolas Mabyle / DirectVelo

Il considérait déjà être l’homme “le plus heureux du monde”, fin janvier, pour son grand retour à la compétition sur les routes espagnoles de la Classica Camp de Morvedre, où il avait directement pris place au pied du podium (lire ici). Moins de deux mois plus tard, Alexys Brunel, bien que toujours aussi bavard, va commencer à manquer de superlatifs pour décrire ce qu’il est en train de vivre. Ce dimanche, le Nordiste du Team TotalEnergies a remporté le Grand Prix Jean-Pierre Monseré après pratiquement 200 bornes à l’avant de la course. Le puissant rouleur a résisté de peu au retour du peloton dans les rues de… Roulers pour s’offrir une victoire émouvante et marquante (voir classement). En attendant la suite qui, à ce rythme-là, pourrait être encore plus belle. DirectVelo s’est entretenu avec le Boulonnais de 26 ans au terme de ce numéro dont il n’est pas peu fier.

DirectVelo : Ce numéro, c’est du Alexys Brunel tout craché !
Alexys Brunel : Le plan de base de Dominique Arnould était de mettre un gars de l’équipe dans l’échappée quoi qu’il arrive, Rayan Boulahoite, Lucas Boniface ou moi. Je ne me voyais pas ne pas y aller (sourire). On sait que les trois quarts du temps, ça ne peut pas le faire. C’était compliqué à imaginer mais on a bien géré devant. Le final était assez sinueux, pas trop propice au peloton, avec en plus un vent favorable dans les quatre derniers kilomètres.

Pourtant, à 24 km de l’arrivée, vous avez perdu deux coureurs à l’avant et n’aviez que 50” d’avance. Difficile, dans ces conditions, d’imaginer un scénario final favorable…
Là, c’était chaud. Heureusement, on a remis en route et on s’est retrouvés à 1’20”. Je me suis dit que c’était possible, qu’il nous en restait encore, car ils étaient à bloc derrière. Aux dix bornes, j’ai compris qu’ils auraient beaucoup de mal à revenir. Ils n’allaient pas rouler dix kilomètres/heure plus vite que nous. On n’était plus que trois (avec les Belges Michiel Coppens et Victor Vercouillie, NDLR) et je sentais que j’avais vraiment de bonnes jambes, que je leur faisais mal quand j’appuyais. J’ai profité d’un pont d’autoroute pour sortir seul, car je n’étais pas sûr de ma pointe de vitesse. Je ne voulais pas attendre, faire 2 au sprint et avoir des regrets. J’ai mis la plus grosse praline que j’ai pu et ensuite, avec dix secondes d’avance, j’ai su que je pouvais tenir.

« CE SENTIMENT DE FIERTÉ, JE NE L’AVAIS PAS RESSENTI SOUVENT »

Et tu as résisté pour une poignée de secondes…
J’étais à 50-55 km/h, ils n’allaient pas pouvoir rentrer. Et ça l’a fait. C’était une belle journée, je suis hyper content. Je pense à ma copine, à ma famille, à mon agent, au staff du Team TotalEnergies. Tous ces gens qui ont cru en moi, je suis heureux de leur rendre la pareille. J’accorde énormément d’importance à l’aspect mental et je suis très satisfait de sentir que je suis sur la bonne voie, que je travaille bien, entouré des bonnes personnes. Surtout, j’ai ressenti de la fierté en passant la ligne en vainqueur sur ce GP Monseré et ce sentiment de fierté, je ne l’avais pas ressenti souvent dans ma vie jusqu’à présent.

Ton pari de redevenir un coureur de haut-niveau est d’ores-et-déjà réussi, quoi qu’il en soit !  
Oui, c’est émouvant de voir que tout le travail de l’ombre paie. C’est la fin de l’ère comeback, déjà, en quelque sorte. Je vais pouvoir passer au chapitre suivant. Quand mon retour a été annoncé, beaucoup de gens étaient heureux mais j’ai aussi lu beaucoup de messages de gens sceptiques, qui disaient que ça ne servait à rien, que j’allais me foirer. Finalement, je suis au niveau. L’air de rien, au tout début, je me demandais si j’allais m’en sortir ou non. Dès ma course de reprise en Espagne, j’étais super content de voir que je n’étais pas à la rue, loin de là (4e, NDLR). Maintenant, je dois confirmer et réussir des choses sur la durée. Je veux être régulier, tout en étant réaliste sur mes possibilités.

« JE DEVAIS FAIRE PARIS-NICE MAIS ILS ONT EU PEUR QUE ÇA FASSE BEAUCOUP » 

Le mot “pression” est l’un de ceux que tu utilises le plus depuis ton retour, pour évoquer tes sentiments actuels où ceux que tu as pu ressentir lors d’une période plus difficile. Qu’en est-il aujourd’hui ? Ce bon début de saison doit-il te permettre de considérer cette année comme déjà réussie et ainsi t’ôter toute pression ? Ou est-ce là le début d’un nouveau challenge avec des ambitions encore bien plus élevées, et par conséquent une nouvelle pression à venir ?  
C’est un peu les deux à la fois, en fait. Mais c’est de la bonne pression, pas celle que je me mettais chez UAE où je n’étais qu’avec des champions et qu’il fallait être à la hauteur en ayant le sentiment de ne pas forcément l’être. Je me mets de la pression, forcément. Entre se dire qu’on est capable de faire quelque chose et y arriver… Ce sont deux choses différentes. Là, ça y est, j’ai gagné, et il n’y pas 200 coureurs qui gagnent dans une saison. Je ne veux pas m’arrêter là pour autant, ce n’est qu’une étape. Il faut continuer de bosser. Parfois, j’ai du mal à me rendre compte de ce que je suis capable de faire. Dans l’équipe, ils sont persuadés que je peux faire de belles choses y compris au niveau WorldTour. Je dois me rendre compte que j’en suis capable. Ça m'enlève énormément de pression, oui, car je valide déjà le pari de l’équipe, ils ne seront pas critiqués de m’avoir donné cette chance. Maintenant, je peux faire encore mieux et du coup, c’est aussi une pression. C’est compliqué tout ça n’est-ce pas ? (sourire).

On imagine que ce début de saison peut vous donner, à toi comme à l’équipe, de nouvelles ambitions pour les semaines et les mois à venir. De quoi as-tu envie ?
Après tout ce qu’il s’est passé pour moi ces dernières années, je ne veux pas aller plus vite que la musique. Pour l’instant, j’ai beaucoup de courses d’un jour car la saison est longue. Je devais faire Paris-Nice mais finalement, ils ont eu peur que ça fasse beaucoup, d’autant que j’ai été malade après Bessèges. J’étais un peu déçu sur le coup car j’aurais bien aimé y aller, notamment pour aider les gars sur le chrono par équipes. Mais bon, je n’aurais pas gagné le GP Monseré si j’étais parti sur Paris-Nice (rire). L’équipe veut me protéger, il faut le voir d’un bon œil. Mais j’ai plein d’idées, plein de belles choses à faire jusqu’en octobre.

« LE CHAMPIONNAT DE FRANCE CHRONO EST L’UN DE MES OBJECTIFS PRINCIPAUX »

Est-il prévu que tu disputes Paris-Roubaix ? 
Je vais faire Roubaix, oui, c’est dans mon calendrier. C’est une course tellement aléatoire, même si évidemment il faut avoir des cannes de fou pour faire un Top 10. Tu peux te faire fracasser avec des tonnes de galères mais ce serait exceptionnel d’y performer. Il n’y a pas de limites à s’imposer, je suis ambitieux.

Penses-tu également au Championnat de France chrono ? Travailles-tu toujours spécifiquement l’exercice ?
Évidemment, c’est l’un de mes objectifs principaux, d’autant que ce sera en Vendée (aux Herbiers pour le chrono, NDLR), alors on imagine l’importance de ce rendez-vous pour l’équipe. Je n’ai pas fait un super chrono à Bessèges (26e) car la veille, j’étais dans l’échappée et les conditions étaient compliquées. Mais j’essaie de bien le bosser à l’entraînement et j’ai fait pas mal de tests en soufflerie. Ce Championnat de France est clairement dans un coin de ma tête, dès aujourd’hui. 

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