Marc Hirschi : « Découvrir mes limites en étant le leader »

Crédit photo Tudor
Marc Hirschi est de retour aux Boucles Drôme-Ardèche. Lauréat sur les routes drômoises l’an passé, le Suisse revient non plus sous les couleurs d’UAE Team Emirates mais avec son nouveau maillot de Tudor. Vainqueur dès sa course de reprise, à Valence (lire ici), l'athlète de 26 ans va désormais pouvoir jouir d’un rôle de leader tout au long de la saison au sein de la ProTeam helvète. Impressionnant l’été dernier, il rêve de briller à nouveau sur les Ardennaises, sur le Tour de France et…. en Ardèche, lors du prochain Championnat d’Europe. DirectVelo s’est entretenu en longueurs avec Marc Hirschi ce vendredi en fin d’après-midi, dans un hôtel au nord de Valence.
DirectVelo : Pour tes débuts avec ta nouvelle équipe, tu as frappé fort d’emblée !
Marc Hirschi : Oui, c’était super sympa de gagner dès mon premier jour de course à Valence. J’étais encore bien les jours suivants (5e au Trofeo Calvia et 8e au Trofeo Serra Tramuntana, NDLR) puis j’ai travaillé en altitude pour préparer la suite. Je ne voulais pas enchaîner trop de jours de course d’emblée, et il y avait également l’envie de jouer devant à un niveau légèrement moindre car à partir de maintenant, ce ne sera que du lourd et il faudra être sacrément solide pour performer.
Que représente pour toi le fait d’évoluer chez Tudor, la grande équipe du pays ?
C’est cool. Dans le fond, ça ne change pas grand-chose mais ça reste agréable de représenter une formation suisse. Je connais beaucoup de monde dans ce groupe, ça apporte un petit plus.
« PARFOIS CHEZ UAE, MÊME SI TU ES EN TRÈS BONNE FORME… »
Tu es venu chercher un rôle de leader constant chez Tudor ?
Oui, bien sûr, c’est la plus grande différence avec mon expérience précédente chez UAE. Là-bas, l’équipe est d’une qualité incroyable. Il n’y a qu’à voir encore l’effectif qu’ils emmènent ici ce week-end. Ils sont plusieurs à pouvoir gagner. Parfois chez UAE, même si tu es en très bonne forme, tu fais quand même l’équipier car il y a des mecs qui volent. Cette année, je peux choisir mes courses et j’ai la garantie d’être leader sur un bon nombre d’entre elles. Mentalement, c’est plaisant de savoir bien en avance que tu vas pouvoir jouer ta carte sur telle ou telle épreuve.
L’an passé, avec UAE, tu as toi-même “volé”, pour reprendre ton expression, en fin de saison, puisque tu as remporté consécutivement cinq courses d’un jour, dont la Clasica San Sebastian et la Bretagne Classic à Plouay, avec un total de huit succès de fin juillet à mi-octobre. Qu’as-tu ressenti durant cette période folle ? Tu paraissais presque imbattable…
Non, pas du tout. Chaque course est extrêmement difficile à aller gagner et en réalité, j’ai beaucoup douté. On ne peut jamais être sûr de la façon dont les jambes vont répondre d’une course à l’autre, ça peut vite basculer. Ce qu’il s’est passé, c’est que j’ai marqué une petite coupure après le Championnat national et ensuite, j’étais lancé dans ma quête d’arriver à 100% au Championnat du Monde, qui était à la maison et sur lequel je voulais vraiment performer. Je suis monté en puissance entre-temps, après un stage en Andorre, et j’ai senti que j’avais tout fait parfaitement là-bas. Je me suis énormément investi à cette période-là et j’étais simplement heureux de constater que ça a payé.
Jusqu’à présent, 2020 avait été ton année référence, avec ta victoire d’étape sur le Tour de France à Sarran et ton succès sur la Flèche Wallonne, un podium à Liège-Bastogne-Liège et au Mondial. As-tu le sentiment d’avoir été encore plus fort l’été dernier ?
Il est toujours difficile de comparer mais oui, sans doute que c’était assez équivalent. J’ai progressé physiquement depuis, ne serait-ce que de 1 ou 2%. Je me suis amélioré sur les à-côtés, comme sur la nutrition par exemple. Peut-être que j’étais encore un poil mieux mais j’espère que ce n’est pas fini (sourire).
« AVEC JULIAN (ALAPHILIPPE), ON POURRA S’ENTRAIDER EN BONNE INTELLIGENCE »
Était-il une évidence pour toi, rapidement la saison dernière, de changer d’horizon pour pouvoir pleinement t’épanouir dans un rôle de leader ?
J’avais une situation confortable chez UAE. J’ai passé de très belles saisons là-bas, j’ai toujours aimé l’atmosphère qui régnait dans l’équipe, mais je voyais les années passer et j’avais très envie de tester mes limites en tant que leader. Je veux découvrir jusqu’où je peux aller dans ce rôle-là. Je n’ai pas envie de passer à côté de certaines opportunités en faisant le travail pour d’autres coureurs sur des courses que j’aurais pu remporter. Peut-être que dans trois ans, je n’aurai plus la même mentalité, les mêmes envies, et que je ferai un choix différent. Mais à ce stade de ma carrière, je veux découvrir mes limites en étant le leader et disputer un maximum de courses qui conviennent à mon profil et à mes qualités. J’ai la chance d’évoluer dans une équipe où j’ai ce rôle-là, sans avoir à faire de concessions sur le reste car le matériel est très bon chez Tudor, je connais très bien Fabian (Cancellara) et les gars. Je ne vois que du positif dans ce choix-là.
Julian Alaphilippe a lui aussi rejoint l’équipe Tudor cet hiver et vous allez parfois chasser sur les mêmes territoires. Est-ce une force ou un potentiel problème ?
On a un calendrier différent sur ce début de saison, et on se retrouvera sur les Ardennaises, où l’on a tous les deux envie de performer. Sur les grosses Classiques, le niveau est tellement élevé qu’il vaut mieux être deux que seul. Avec Julian, on pourra s'entraider en bonne intelligence, j’en suis certain. Si on arrive à jouer devant tous les deux dans le final, ça pourrait possiblement profiter à l’un ou à l’autre. C’est l’idée. Je suis persuadé que si l’on arrive à être tous les deux au top de notre forme aux Ardennaises, on pourra jouer. Mais gagner ces courses-là est hyper difficile, il ne faut pas se faire de films non plus.
Quels sont tes principaux objectifs de la saison ?
Je prends les courses comme elles viennent, à commencer par celles de ce week-end où j’espère être performant. Mais je ne vais pas me cacher : le premier gros objectif, ce sera donc les Ardennaises, bien sûr. Puis le Tour de France, si on y est conviés. C’est d’ailleurs aussi l’une des raisons de ce changement d’équipe. Il était compliqué d’aller sur le Tour avec UAE et dans tous les cas, si on y allait, c’était pour gagner le général avec Tadej Pogacar. Et ensuite, il y aura en dernier gros bloc l’enchaînement du Championnat du Monde et du Championnat d’Europe.
« J’EN AI FAIT L’UN DE MES PLUS GROS OBJECTIFS »
Ne crains-tu pas que le parcours du Mondial au Rwanda soit un poil dur pour espérer y jouer le titre ?
Ce n’est pas l’idéal, c’est vrai, d’autant qu’il y aura aussi des pavés… Mais ça reste un objectif. Avec de l’adaptation et un travail spécifique en altitude, j’espère pouvoir être compétitif.
Sur le papier, le Championnat d’Europe en Ardèche, semble, en revanche, t’aller comme un gant…
Ce sera très dur aussi car le parcours est sacrément exigeant, et ça ne m’étonnerait pas que la course se lance de loin et que les grimpeurs cherchent à faire la décision très tôt. Pour autant, c’est vrai que je veux y croire et j’en ai fait l’un de mes plus gros objectifs de l’année.
Comment travailles-tu cette année ? Qui t’accompagne et quels détails cherches-tu encore à améliorer ?
Je travaille avec Sebastian Deckert, comme je le faisais déjà à l’époque où j’étais chez Sunweb, dès mon passage dans la réserve. Je retrouve certaines habitudes que j’avais par le passé. Il n’y a rien de particulier. Disons que pour espérer gagner une Classique, il faut travailler la résistance en faisant de longues sorties, les charges de travail sont importantes. Le staff bosse énormément sur l’innovation, le matériel… Notamment du côté de Silverstone, en Grande-Bretagne. Mais c’est Sebastian qui fait le lien entre les autres gars et moi. Suivant les objectifs, on doit s’adapter un petit peu. Étant donné les parcours des Championnats du Monde et d’Europe, il y aura plus de travail en altitude en dernière partie de saison. Pour le reste, je commence à bien me connaître et je ne vais rien révolutionner à ce stade de ma carrière.
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