Alexandre Delettre : « Voir où ça me mène »

Crédit photo Nicolas Gachet - DirectVelo

Crédit photo Nicolas Gachet - DirectVelo

Alexandre Delettre n’a pas traîné. Non-conservé par Cofidis fin 2023, le coureur de 27 ans a su rebondir l’an passé grâce à une saison totalement réussie au niveau Continental, chez St-Michel-Mavic-Auber 93 (voir sa fiche DirectVelo). C’est vers la formation TotalEnergies qu’il s’est tourné pour continuer sur sa lancée. À l’occasion du stage de présaison, à Calpe, DirectVelo a fait le point avec celui qui débute sa saison, ce vendredi, lors de la Classica Camp de Morvedre (1.2), en Espagne.


DirectVelo : Te voilà de retour en ProTeam, avec un statut qui a changé par rapport à tes débuts chez les professionnels !
Alexandre Delettre : Je pense que mon rôle a changé dans une équipe. Quand j'ai débarqué à Delko c'était de l'apprentissage, et quand je suis arrivé chez Cofidis en WorldTour j'ai continué à me dire ça. Finalement j'ai mis un peu de temps à réaliser qu'apprendre, c'est bien, mais qu'il faut aussi agir. J'étais dans ce boulot d'équipier, et je n'ai jamais explosé personnellement. Quand j'ai rebondi à St-Michel, j'étais plus dans ce truc de m'affirmer, comprendre que j'ai des capacités et qu'il faut les exploiter au mieux. J'ai passé des caps physiquement et mentalement, je me suis beaucoup remis en question. On peut bloquer à se dire que c'est la faute de l'équipe et des autres si on ne m'a pas gardé, mais ça ne fait pas avancer les choses. J'ai travaillé sur moi et ça a payé. J'ai eu une autre vision de la course, une équipe qui m'a soutenu et fait confiance, avec carte blanche sur les courses, en plus de coureurs derrière moi toute la saison. Le fait de revenir un cran au-dessus fait plaisir, car je pense que ma place est là.

Tu as vite rebondi !
C'est ça, entre les ambitions et les réaliser, il y a un cap. Je me suis moi-même étonné à certains moments où j'enchainais les résultats. J'étais toujours concentré, motivé à bloc. Après le Championnat de France il y avait moins de courses qui me convenaient mais je peux dire qu'à peu près toute la saison j'étais à 95% tout le temps. Même si ça s'est moins vu sur la fin de saison dans les résultats. Ça m'a permis de me rendre compte de mes capacités.

Tu as douté de tes capacités, justement, quand Cofidis ne t'a pas gardé ?
Je savais que j'avais un niveau pour être chez les pros, mais je ne savais pas de quoi j'étais réellement capable. Je m'étais fixé des limites, dans ce boulot d'équipier. Il faut passer par là, mais je suis trop resté là-dedans. Maintenant je me rends compte que j'ai des grosses capacités et qu'il faut les exploiter. Je me suis révélé en 2024, maintenant le but est de confirmer dans les années à venir.

« C'ÉTAIT AU FOND DE MOI »

Tu as appris à être leader chez St-Michel-Preference Home-Auber 93 ou tu penses avoir l'âme d'un leader ?
Je ne sais pas si j'ai l'âme d'un leader, mais cette année a surtout révélé mon caractère, qui était un peu renfermé. À Cofidis j'arrivais dans une grosse structure avec des grands coureurs, des leaders, je m'étais peut-être mis un cran en dessous. Est-ce que j'aurais été prêt je ne sais pas, mais je sais que j'avais ce côté leader chez les amateurs donc c'était au fond de moi. Mais Auber m'a appris à le devenir et à assumer ce rôle. Quand on me l'a donné j'ai d'abord dit que je devais le prouver et montrer aux coureurs qu'ils pouvaient me faire confiance. J'ai assumé, et course après course j'avais mon mot à dire, donc c'est plaisant. Tout le monde était investi à bloc pour le faire, et ça marchait ou ça ne marchait pas. On a été présents, on s'est fait pas mal remarquer et j'ai su fédérer un groupe et ils ont su me suivre, je les en remercie. Je suis devenu le coureur que je suis grâce à ça.

Quel coureur es-tu devenu ?
Celui qui veut aller chercher encore plus de résultats, confirmer, gagner des courses. C'est l'ambition. J'ai titillé cette première place, il m'a toujours manqué un petit quelque chose. Une part de réussite, de chance, de physique... Le but est d'améliorer ces facteurs et de mettre la balle au fond.

Tu vas retrouver un calendrier avec de plus grosses courses...
Il y en aura quand même des similaires à mes années Cofidis ou Auber, mais il y aura plus de courses à l'international. Le début de saison est similaire, il n'y a pas 50 courses. Il y a des Classe 1 et des ProSeries que j'ai connues. Le but est d'être performant dès le début. Ensuite je veux regoûter au WorldTour. Le but est de faire des grandes courses sans me fixer de limites et voir où ça me mène.

« J'AI BEAUCOUP DE COMPTES À ME RENDRE »

Comment tu te places dans le collectif ?
Je me suis bien intégré. Il y a un bon groupe. J'ai pu discuter, je me sens bien, et c'est super important pour moi. J'étais super bien l'an dernier dans mon cadre. Ensuite il faudra être performant, je serai protégé ou non. Ça risque de tourner, c'est à moi d'être performant pour qu'on me fasse confiance. Et quand certains seront plus forts on travaillera ensemble. Ça ne me pose pas de problème, ça peut m'enlever aussi un poids de ne pas forcément devoir faire un résultat sur chaque course toute la saison. Je vais voir comment je vais être physiquement. J'espère avoir ma carte sur certaines courses et ça part dans une bonne optique.

Tu avais d'autres choix que TotalEnergies ?
J'avais discuté avec d'autres équipes, mais c'est TotalEnergies qui est venue assez rapidement vers moi. C'était une structure que je connais depuis toujours. Depuis gamin, c'est une référence en France et même dans le monde à ce niveau. J'ai bien échangé avec le staff, j'ai eu d'autres discussions mais par rapport à mon caractère c'est eux qui m'ont le plus séduit. Mon choix est le bon, j'ai hâte de voir ça.

Tu évoques ton caractère, quel est-il ?
Je suis quelqu'un de sociable, j'adore rigoler mais aussi être sérieux quand il faut faire le boulot, suivre une stratégie. Je suis quelqu'un de très exigeant avec moi-même, et s'il faut l'être avec d'autres je le suis. Mais j'ai déjà beaucoup de comptes à me rendre pour réussir. Je pense que j'ai toujours été travailleur, mes anciens entraîneurs me disaient que j'avais toujours la hargne. J'avais cette exigence au fond de moi sans en être conscient. Je l'ai compris l’an passé, je m'en voulais à moi-même quand ça n'allait pas, si je n'étais pas capable de faire un coup qu'on avait prévu je n'en voulais pas aux autres mais à moi. Je me demandais ce qu'on pouvait faire de mieux. Et tout ça se transmet dans le groupe, sans que ce soit négatif pour quelqu'un, ça permet de faire évoluer tout le monde.

« CERTAINS SONT PEUT-ÊTRE FIERS D'AVOIR GAGNÉ LE TOUR, MOI C'EST D'AVOIR REBONDI »

Tu as envie d'évoluer dans ce profil d'homme rapide et puncheur ?
J'ai vu sur les manches de Coupe de France que ça me convenait très bien. Le fait d'être une équipe de puncheurs comme moi, je ne le vois pas comme des blocages mais comme une évolution. Cette année j'ai parfois vu l'importance de ne pas être esseulé, d'être en surnombre, et si ce n'est pas moi qui joue la gagne c'est bénéfique pour tout le monde. Tout le monde est gagnant avec un groupe de trois coureurs au même profil où tout le monde peut jouer.

Tu es fier de cette façon dont tu as rebondi ? Car c'est rare de conserver cette motivation en tombant du WorldTour...
Avec du recul je me dis que c'est presque normal. Mais oui, j'ai beaucoup de fierté par rapport à ça. J'ai beaucoup travaillé, je me suis beaucoup remis en question, c'est beaucoup d'investissement. J'ai travaillé sur la nutrition, la préparation mentale, les stages. C'est une fierté que ça paie. J'espère aller encore plus loin. Certains sont peut-être fiers de gagner le Tour, moi c'est d'avoir rebondi.

Tu te sens capable de jouer en WorldTour ?
Tant qu'on ne l'a pas fait, c'est compliqué d'être affirmatif, mais c'est l'ambition. J'ai vu que sur certaines courses j'ai pu jouer avec des coureurs du WorldTour, donc pourquoi pas. Il n'y a rien à perdre. Mais ça passe déjà par le Calendrier ProSeries, Classe 1... L'équipe va cadrer le calendrier en fonction des invitations, mais c'est à moi de faire mes preuves.

Mots-clés

En savoir plus

Portrait de Alexandre DELETTRE