Pierre-Luc Périchon : « Créer une ProTeam novatrice »

Crédit photo Zoé Soullard / DirectVelo

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Officiellement, Pierre-Luc Périchon est encore coureur professionnel pour les trois prochaines semaines mais le sociétaire de la formation Cofidis a en réalité raccroché le 15 octobre dernier lors de la Japan Cup, ultime compétition d’une carrière pro qui aura duré douze saisons. La fin d’un long chapitre et peut-être bien le début d’un nouveau, toujours dans le monde du cyclisme. L’athlète de 36 ans compte en effet se lancer dans la création d’une ProTeam à l’horizon 2025 ou 2026. Une équipe qu’il voudrait différente de tout ce qui existe actuellement, comme il l’explique à DirectVelo.

DirectVelo : Voilà un moment que tu imagines un projet de création d’équipe et il est aujourd’hui temps de le révéler au grand public. Que peux-tu nous en dire à l’instant-T ?
Pierre-Luc Périchon : L’origine du projet, c’est vraiment le constat d’une évolution du cyclisme. En discutant au sein du peloton, je me suis rendu compte qu’il manque certaines choses à certains coureurs. Je n’ai pas la prétention de devenir le meilleur, d’avoir la meilleure équipe du monde, encore moins à court terme, mais l’idée serait de permettre à “l’humain” de s’exprimer. Sportivement, verbalement, mentalement… Une équipe de vélo, ce sont des coureurs mais aussi des mécanos, des assistants, des directeurs sportifs, des secrétaires, des directeurs administratifs et financiers… Si chacun trouve sa place dans le projet avec une possibilité d’évolution et une écoute, ça peut donner quelque chose de bien, collectivement. Je pense que si tout le monde s’implique à 100%, on peut atteindre le sommet.

Est-ce une idée qui trotte dans ta tête depuis longtemps ?
Je pense à ma reconversion depuis plusieurs années. Quand j’avais 30-31 ans, j’étais encore totalement concentré sur ma carrière. J’étais performant, il n’y avait pas de raison que ça s’arrête. Je n’étais alors concentré que sur l’aspect sportif. Puis au bout d’un moment, j’ai fini par me demander ce que j’allais faire. Au début, je n’avais pas du tout vocation à créer une équipe. Mais il y a deux ans, quand j’ai signé mon dernier contrat avec Cofidis, j’ai senti que je n’avais plus l’énergie physique et mentale pour continuer beaucoup plus longtemps. Je n’arrivais pas à me renouveler. J’étais dépassé par la nutrition, les charges d’entraînement, les voyages, la logistique, le nombre de jours de course, les stages etc. Je me suis dit qu’il était dommage d’arrêter pour ça, tout en ayant conscience que pour moi, c’était trop tard. La machine était lancée. Par contre, j’ai eu l’envie de pouvoir accompagner les jeunes avant qu’ils ne rencontrent les mêmes problématiques que moi.

« ÇA IMPLIQUERAIT UNE CENTRALISATION »

C’est-à-dire ?
L’idée de ma structure, c’est de pouvoir accompagner ces jeunes coureurs, différemment de ce qui se fait actuellement. Je ne dis pas que la formation ne sert à rien, loin de là, il y a déjà plein de Continentales. Mais aujourd’hui, il y a aussi des coureurs qui arrivent de plein d’horizons différents au niveau mondial : des coureurs de Zwift, des triathlètes, des pistards, des sauteurs à ski… J’aimerais mettre l’accent sur ces profils-là, sur de la détection, plutôt que de prendre des jeunes à 16 ans avec une voie tout tracée. C’est peut-être une utopie mais je veux essayer. Le but étant de les épauler au niveau des charges mentales et de tous les à-côtés.

Qu’appelles-tu les à-côtés ?
Je prends un exemple tout bête. Je suis papa d’un enfant de deux ans et demi. Aujourd’hui, les solutions de garde quand on est coureur cycliste professionnel sont totalement inadaptées. Pourquoi pas, à terme, proposer une solution de garde aux enfants des coureurs de l’équipe qui habitent à proximité de la structure ? Ça impliquerait une centralisation, même si c’est compliqué puisqu’on a des coureurs qui viennent de beaucoup d’horizons. Mais j’ai envie de mettre en place des solutions pour fidéliser des coureurs proches du service-course. Aujourd’hui, il y a des équipes qui ont des budgets pharaoniques et qui se permettent, à l’inverse, de se rapprocher des coureurs avec des services-course à proximité des logements des coureurs, à Nice ou en Andorre. Je n’aurai sûrement pas ces moyens-là mais on peut faire différemment. Ce serait alors aux coureurs de venir vers le service-course.

« LE VRAI OBJECTIF, C’EST D’ESSAYER DE PARTIR AU 1ER JANVIER 2025 »

Concrètement, où en es-tu aujourd’hui ?
Pas très loin du départ du projet (sourire). Les idées fusent, elles sont sur un bout de papier. J’essaie de ne pas sauter les étapes. Je n’ai aucun sponsor pour le moment. J’ai schématisé un budget idéal pour mettre le pied à l'étrier. L’idée, ce serait de partir sur un budget de six à huit millions d’euros, avec la volonté de partir sur une ProTeam novatrice. Pour reprendre les mots de Guillaume Martin, qui seront sûrement déformés malheureusement car je n’ai pas sa connaissance littéraire, "pour atteindre les étoiles, il faut viser la lune". Ou l’inverse (rire). Et si on se rate, tant pis. Si le budget n’est pas atteint totalement mais qu’il l’est en partie, pourquoi ne pas partir sur une Conti… Mais il faudrait quand même trois millions d’euros pour vouloir vraiment travailler de la façon souhaitée.

Combien de temps te donnes-tu ?
Un an et demi. Le vrai objectif, c’est d’essayer de partir au 1er janvier 2025 même si ça me paraît très compliqué de l’envisager à l’instant-T. Pour autant, ça peut aller très vite si on intéresse les bons interlocuteurs et investisseurs. Si j’ai des touches sérieuses assez vite, je ne ferme pas la porte. Sinon, je me laisse jusqu’à 2026.

« LA COLLABORATION AVEC UNE ENTITÉ DÉJÀ EXISTANTE SERA COMPLIQUÉE »

Beaucoup ont des idées, des envies de création d’équipes, mais peu parviennent à les mener à terme. Qu’est-ce qui te fait penser que tu vas y parvenir ?
Je ne sais pas si je vais y arriver. Beaucoup de labels artistiques, dans la musique notamment, fonctionnent avec le crowdfunding (le financement participatif, NDLR). L’idée est de créer une équipe comme ça, pourquoi pas, avec la possibilité pour les particuliers d’être en immersion, de quelque manière que ce soit. Le premier acteur financier, c’est le consommateur. On doit leur donner l’opportunité d’être encore plus proches des champions.

On imagine que tu vas devoir t’entourer prochainement d’autres personnes dans la construction de ce projet !
Au début, j’ai discuté avec Régis Boucheseche (président du SCO Dijon, NDLR). Je me suis rendu compte que la collaboration avec une entité déjà existante sera compliquée. Je veux apporter un côté novateur et c’est difficile à vendre auprès d’un investisseur en partant d’une structure déjà existante. Je vais donc rester le plus “seul” possible pour le moment, en sachant très bien qu’il faudra m’entourer de personnes compétentes à court terme et c’est la raison pour laquelle je veux faire part de ce projet aujourd’hui. L’idée, c’est d’attirer des acteurs du monde du vélo… Ou d’autres univers, d’ailleurs. La volonté d’être novateur viendra possiblement de l’extérieur. Pour le moment, ce serait bénévole puisque je n’ai pas de fonds de fonctionnement. Mais si le projet venait à se lancer, pourquoi pas commencer à salarier des personnes dès 2024. 

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