Stephen Delcourt : « On déteste perdre autant qu’on aime gagner »

Crédit photo Freddy Guérin / DirectVelo

Crédit photo Freddy Guérin / DirectVelo

Qu’a bien pu se dire Stephen Delcourt, le manager de la FDJ-Suez, au moment de voir passer coup sur coup ses protégées Marie Le Net, Jade Wiel… Evita Muzic puis Victorie Guilman, sur la ligne d’arrivée de Cassel, ce samedi après-midi ? La WorldTeam tricolore, qui compte sept Françaises dans son effectif, en a placé quatre dans le Top 6 du Championnat de France sur route (voir classement). Une performance collective impressionnante. Problème, et pas des moindres : il manque l’essentiel, la victoire. Particulièrement intelligente et solide, Victoire Berteau (Cofidis) a soufflé le titre à un collectif FDJ-Suez qui, comme l’an dernier, est privé du paletot tricolore. DirectVelo a fait le bilan de cette journée avec Stephen Delcourt quelques minutes après la fin de la course.

DirectVelo :  L’équipe était très forte et pourtant, vous passez à côté du titre…
Stephen Delcourt : L’image qui me vient à la fin de ce Championnat, c’est celle-ci : tu vas au restaurant, tu fais un super repas, et une fois le dessert servi, tu es déçu… C’est le sentiment que j’ai. J’ai vu une équipe très forte, très solidaire. Sans les oreillettes ! Mais il manque un truc à la fin. On prendra le temps de réagir à froid mais il y avait mieux à faire dans cette dernière montée. Jade (Wiel) était forte, voire trop forte pour être Championne de France. Victoire Berteau était forte et elle a su optimiser sa performance dans la dernière côte. On pensait pouvoir la faire sauter mais elle a été plus maline, plus lucide à un moment où il n'y avait pas de place pour l’hésitation.

Quel “petit truc” a-t-il manqué ?
L’instinct et l’expérience que (Victoire) Berteau a, elle. C’est ce qui fait que c’est une belle Championne de France. Mais on prendra notre revanche très vite, dès vendredi, sur les routes du Giro.

« ON RETIENDRA SIMPLEMENT QU’ON N’A PAS GAGNÉ »

Cette année, on a vu plusieurs gros collectifs, dont celui de la triplette du Team DSM ! 
On est parti à sept avec Clara (Copponi) malade. À Auber, elles étaient dix au départ et elles ont très bien couru avec leurs armes. DSM a fait la course parfaite. Et c’est Cofidis qui gagne ! On voit souvent que chez les hommes, ce sont les individualités qui gagnent. Aujourd’hui, on n’a rien à regretter sur la manière. On a vraiment couru de manière collective, on a été capable de se sacrifier l’une pour l’autre. Mais on peut aussi imaginer que si ça rentrait sur la fin… Evita (Muzic) pouvait gagner “facilement” derrière. Alors il y a des regrets. C’est facile de faire des bilans une fois la course terminée. À 100 mètres de la ligne, tout le monde pense que Jade ou Marie va gagner. C’est le vélo. C’est sûr qu’on déteste perdre autant qu’on aime gagner. Mais on va repartir sur autre chose dès le réveil de demain matin. 

Marie Le Net est repartie seule dans le final et a bouché le trou sur le trio de tête. Peut-être aurait-elle pu ramener Evita Muzic ? 
Je ne suis pas sur le vélo à sa place, je ne sais pas les sensations qu’elle avait. On peut lui reprocher un manque de communication lorsqu’elle revient. Est ce que ça aurait changé la donne ? Finalement, est-ce que Victoire Berteau n’était pas simplement au-dessus ? On pourrait refaire la course plusieurs fois. Aujourd’hui on fait 2e et 3e, mais aussi 5e et 6e… On retiendra simplement qu’on n’a pas gagné la course.

Ce n’est jamais facile d’attribuer des rôles précis à des filles qui peuvent toutes gagner… Quelles étaient les consignes ? 
Le plan était clair, elles étaient toutes unies pour aller chercher le maillot. On devait courir de façon solidaire et toujours avoir un coup d’avance. C’est ce qu’on a fait pendant toute la course mais il nous a manqué 100 mètres. Il faut relativiser, ce n’est qu’un Championnat de France. On a encore vu du très beau cyclisme féminin aujourd’hui (samedi).

« BEAUCOUP D’AUTRES AURAIENT VOULU FAIRE 2-3-5-6 »

Voilà deux ans que le titre vous échappe… 
C’est sûr que lorsqu’on regarde les saisons 2022 et 2023 ce sont des saisons exceptionnelles où l’équipe est à un très haut niveau et où, pourtant, on perd malheureusement le Championnat. Il n’y a pas du tout le même bilan entre le Championnat 2022 où on passe au travers à la fin, à la pédale, et aujourd’hui. Cette fois-ci, on était très fort et solidaire. Si on analyse la progression du groupe, c’est très fort mais ça reste un résultat décevant. L’année dernière, on n’avait pas décroché de médaille, cette année on en a deux. Il faut savoir capitaliser sur les belles choses mais le groupe mérite plus. Ça nous apprendra à courir de manière plus lucide tout en communiquant bien. On a d’autres Championnats qui se déroulent ce week-end. On espère ramener d’autres maillots nationaux (Emilia Fahlin l’a emporté en Suède, NDLR).

Mais pour une structure française, on imagine que le maillot bleu-blanc-rouge reste le plus important ? 
Le vélo français a un goût particulier. On est chez nous, c’est l’origine de l’équipe, là où on est le plus nombreux. L’avantage, c’est qu’on représentera nos sponsors sur les deux prochains Tour. Ce n’est pas pour ça qu’on va abandonner, le Championnat de France restera un objectif pour l’équipe. Beaucoup d’autres équipes auraient voulu faire 2-3-5-6. Cofidis l’a emporté. C’est leur première victoire depuis qu’ils sont dans le cyclisme féminin donc il faut saluer le travail de l’équipe Cofidis. Je tire un gros coup de chapeau à Gaël Le Bellec qui mène cette équipe depuis sa création, et il le fait très bien. 

Où en est le groupe avant les très gros rendez-vous du Giro puis du Tour ? 
Collectivement, il n’y a rien à dire, l’équipe est prête pour les grandes échéances. Il va falloir qu’on affine la sélection. C’est ce qui fait que cette course est spéciale parce que certaines filles savaient qu’elles jouaient ici une place pour le Giro ou le Tour. Je n’ai pas senti une compétition interne et ça fait plaisir. On va laisser passer les autres Championnats et demain (dimanche) soir, on fera les sélections définitives pour le Tour et le Giro. Et on ira sur ces courses avec l'ambition d’aller jouer les premiers rôles.

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