Gino Mäder, « un grand bosseur et un mec génial »

Crédit photo Zoé Soullard - DirectVelo

Crédit photo Zoé Soullard - DirectVelo

Au moment du grand départ du Tour de l'Avenir 2018, donné à Grand-Champ, Gino Mäder fait partie des garçons à suivre. Junior prometteur, le Saint-Gallois a été plus discret lors de ses deux premières années Espoirs mais une 3e place sur le Tour de Lombardie 2017 laisse entrevoir de belles choses pour la saison suivante. Au final, il sera irrésistible tout au long de l’exercice 2018.

« IL ANNONÇAIT LÀ OÙ IL ALLAIT ATTAQUER »

Vainqueur d’une étape de la Ronde de l’Isard puis du Tour Alsace, il se présente au Tour de l’Avenir dans la peau d’un outsider. Il domine l’étape de Crest-Voland après un numéro dans la descente du col des Saisies. “J'aime bien les descentes... C'est moins dur que les montées ! Je m'entraîne souvent, avec plaisir, dans les descentes”, confie-t-il alors à DirectVelo. Il avait planifié cette offensive avant le départ de l’étape. “Il annonçait où il allait attaquer et ça se passait comme il le disait… C’était fou”, se souvient son coéquipier de l’époque, Antoine Debons. “Il était déterminé dans le bon sens du terme. Quand il avait un objectif en tête, il mettait des choses en place pour que ça marche. C’était un leader, il savait donner des ordres”, ajoute Dimitri Bussard, alors membre de la sélection suisse.

Au départ de la dernière étape, Gino Mäder est 5e du classement général à 1’35’’ du maillot jaune, Tadej Pogacar. “On ne pensait pas à renverser le général mais le but était de gagner l’étape avec Gino, se remémore Dimitri Bussard. Marc (Hirschi) était très fort sur ce Tour de l’Avenir. Joab (Schneiter) avait quitté la course après une chute. Il y avait Gordian Banzer qui marchait bien mais il faut dire qu’Antoine Debons et moi avions été moyens. On ne pouvait pas imaginer renverser la course sur un coup collectif”.

Alors Gino Mäder se concentre sur la victoire d’étape et remet le couvert à Saint-Colomban-des-Villards, en réglant le groupe des favoris composé de six coureurs. “Il avait une bonne pointe de vitesse”, se souvient Dimitri Bussard. Il repart avec deux étapes et une 3e place au général. Les Helvètes ne font pas de folie pour fêter ce très bon Tour de l’Avenir. “C’était à la suisse, très calme”, sourit le coureur alors licencié à Bourg-en-Bresse Ain Cyclisme.

« TOUJOURS SOURIANT »

Gino Mäder et Marc Hirschi sont déjà tournés vers le Mondial d’Innsbruck où les protégés de Danilo Hondo font du tableau noir. “On avait mis une stratégie en place. On avait roulé puis on avait provoqué une cassure dans l’avant-dernière descente, rappelle Dimitri Bussard. Ça avait permis à Marc d’avoir un coup d’avance et d’être Champion du Monde, aidé par Gino qui était un stratège sur le vélo”. Et en dehors, un bon mec.

Ceux qui l’ont côtoyé sont unanimes. “C'était un mec génial, toujours souriant, hyper passionné, très posé, intelligent. C’était un grand bosseur qui savait où il voulait aller. Humainement, c’était une bonne personne. Il avait beaucoup d'humour. Il m’a aussi appris plein de trucs, il savait soigner les détails”, assure Antoine Debons. “Il maîtrisait plusieurs langues, indique Dimitri Bussard. C’était un gars très simple, avec son caractère bien sûr, comme tous les champions. C’était toujours sympa de courir ou d’être en stage avec lui”.

Ironie du sort, Gino Mäder connaissait par cœur la descente qui lui a été fatale. “Quand je pense qu’il est tombé à l’Albula… C’est un col qu’on a fait plusieurs fois en stage avec l’équipe nationale, confie Dimitri Bussard. Je me souviens qu’on avait varié les boucles. De toute façon, quand tu es en stage à Saint-Moritz, tu n'as pas 150 solutions. C’est un col magnifique, avec une descente très rapide”.

« C'ÉTAIT PLAISANT DE LE VOIR MARCHER »

Après ses années Espoirs, Gino Mäder avait rapidement confirmé chez les professionnels, avec notamment une victoire d'étape sur le Giro 2021 avant de s’imposer également sur une étape de son Tour national quelques semaines plus tard. “On savait qu’il avait un gros moteur, qu’il était capable de jouer devant sur des grosses courses et qu’il allait devenir un grand coureur. C’était plaisant de le voir marcher. Je suis assez détaché de tout ça mais pour lui, c’était super qu'il confirme ce qu’il avait fait en Juniors et Espoirs”, assure Dimitri Bussard.

Antoine Debons a appris la mort de Gino Mäder via Sébastien Reichenbach, engagé sur le Tour de Suisse. “On avait tous peur, mais on avait lu qu’il était dans un état stable. Je ne m’attendais pas du tout à ça ce matin. Ça a été un choc d’apprendre la nouvelle”. Il se trouvait alors sur la route pour aller disputer ce week-end le Tour du Pays de Montbéliard. “Je suis sorti de l’autoroute”. Il a pris ce vendredi soir la 42e place du prologue. “Ça va être compliqué… D’en haut, il aimerait que les cyclistes continuent de poursuivre leur passion. Le meilleur hommage serait de gagner pour lui”.

Comme Antoine Debons, Dimitri Bussard n’était plus en contact avec le coureur de Bahrain Victorious. En apprenant son décès, il a pris le temps de regarder quelques photos de l'époque où il l'a côtoyé. “Ça fait bizarre. Je n’arrive pas à mettre des mots sur ce qu’il s’est passé. C’est la fatalité, ça fait réfléchir. Partir si jeune comme ça… Je connais un peu son entourage, je pense à eux aujourd’hui”.

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